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Musiques d’aujourd’hui au Festival Agora 2009

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Paris. Centre Georges Pompidou, Grande Salle. 15-VI-2009. Hèctor Parra (né en 1976) : Hypermusic prologue : a projective opera in seven planes [création mondiale ; commande de l’Ensemble intercontemporain & de l’IRCAM – Centre Georges Pompidou]. Charlotte Ellett, soprano ; James Bobby, baryton. Mise en espace : Paul Desveaux. Scénographie : Matthew Ritchie. Ensemble intercontemporain, direction : Clément Power

Paris. Musée d’Orsay, Auditorium. 17-VI-2009. Vassos Nicolaou (né en 1971) : Otemo, pour vibraphone et électronique [première audition mondiale ; commande l’IRCAM – Centre Georges Pompidou] ; Georges Aperghis (né en 1945) : The Only Line, pour violon et électronique [création mondiale de la nouvelle version] ; Daï Fujikura (né en 1977) : Prism spectra, pour alto et électronique [création mondiale ; commande l’IRCAM – Centre Georges Pompidou] ; Marco Stroppa (né en 1959) : Hist whist, pour violon et électronique [création française ; commande du festival Printemps des arts de Monte-Carlo] ; Luciano Berio (1925-2003) : Naturale, pour alto, percussionniste et bande. Daniel Ciampolini, vibraphone & percussions ; Odile Auboin, alto ; Hae-Sun Kang, violon ; réalisation informatique et musicale : IRCAM

Paris. Centre Georges Pompidou, Grande Salle. 19-VI-2009. Denis Cohen (né en 1952) : Erinnerung, quatuor à cordes [création mondiale ; commande l’IRCAM – Centre Georges Pompidou] ; Arnold Schoenberg (1874-1951), Quatuor à cordes n°2 op. 10 ; Philippe Schoeller (né en 1957) : Operspective Hölderlin, pour soprano et quatuor à cordes [création mondiale ; commande l’IRCAM – Centre Georges Pompidou]. Barbara Hannigan, soprano ; Arditti String Quartett

Entre mémoire et prospective, tel est l'espace dans lequel , directeur de l' a situé cette édition 2009 du festival . En exergue, il a même placé cette fine citation de Jorge Luis Borges : «Je laisse aux nombreux avenirs (non à tous) mon jardin aux sentiers qui bifurquent». L'aspect «mémoire» concernait  : notre consœur Michèle Tosi s'en est fait le bel écho (Passaggio, Formazioni, Coro), on n'y reviendra pas. Pour ce qui touche à la prospective, le champ couvert par fut large : des installations interactives, du cinéma (du cinéma muet à Lars von Trier), du théâtre et des rencontres scientifiques. Quant à la musique, elle a couvert tous les champs : jazz, opéra ( s'est associé au Théâtre du Châtelet pour la première production scénique de Pastorale de ) et, bien entendu, des musiques nouvelles. Parmi cette programmation foisonnante qui permet à l'auditeur curieux de se tenir informé des nouvelles recherches musicales, on a retenu trois manifestations.

Tout d'abord, Hypermusic prologue : a projective opera in seven planes de est un ouvrage singulier. Présenté dans une légère mise en espace, cet opéra est ambitieux : prolonger, en musique et grâce au dernier cri de l'informatique musicale, les plus récentes découvertes de la science : selon la physicienne Lisa Randall (également librettiste de cet opéra), aux quatre dimensions du temps, il faudrait en ajouter sept autres. Disons d'emblée que le livret dessert le projet tant l'intrigue – la séparation d'un couple – n'est que le moyen d'exposer une morne vulgarisation de ces théories si complexes. Une fois ce livret dépassé et si n'a pas totalement mis à jour son écriture vocale, la part strictement instrumentale est saisissante. L'auditeur ne sait si, consciemment ou non, il a visité sept dimensions supplémentaires mais il vit une expérience peu ordinaire. En une écoute, on ne peut, hélas !, en apprécier le considérable travail électroacoustique mais notre perception est si finement et diversement mise en appétit que deux oreilles n'y suffisent pas. Quant à la part acoustique – l', virtuose, en arrière scène –, elle porte un rare suspense : l'œuvre est électrisée par une vive tension entre de méditatives temporalités larges et d'urgents évènements sonores instantanés. Le sens du timbre et le creusement des espaces sonores internes attestent que possède une oreille musicale et une invention aiguës. Désormais, guettons la moindre de ses autres œuvres qui passera à notre portée. On en dira autant du limpide baryton James Bobby.

Deux jours plus tard, eut lieu, au Musée d'Orsay, un autre concert où la recherche informatique se révéla stimulante, notamment en posant une importante question : dans des pièces pour instrumentiste seul et dispositif électroacoustique, qui accompagne qui ? À côté d'une nouvelle version, gouleyante, de The Only Line, pour violon et électronique simple, d'Aperghis, deux œuvres – Otemo de Nicolaou et, surtout, le ludique et puissant Hist whist de Stroppa – montrèrent les ressources du système Antescofo qui ouvre de considérables horizons de libertés : contrairement au traitement du son en temps réel qui est couramment utilisé, ce système se met en action avant même que l'instrumentiste n'ait produit le son ; en conséquence, la machine suit l'instrumentiste et non plus l'inverse. Autre belle œuvre, Prism spectra de Fujikura, où le compositeur développe une forme élaborée de semi-improvisation électronique à mesure que l'instrumentiste joue. Les trois solistes – , et Hae-Sun Kang – furent, tout simplement, impeccables.

Le dernier concert fut tout aussi captivant. D'abord il fut illuminé par le chant, solaire, de qu'on avait pu admirer dans Passion, le plus récent opéra de Dusapin. À l'évidence mobilisé, le a donné, de l'œuvre de référence – Quatuor n°2 de Schoenberg – une belle mais inhabituelle lecture : délaissant la sculpture de chaque ligne et le «geste viennois» (avec le son charnu qu'il induit), il a proposé une version linéaire de la dense texture musicale, dont on a abstraitement savouré les conséquents enjeux. Deux œuvres nouvelles piquaient ce programme. Avec le dense et haletant Erinnerung, Denis Cohen est resté fidèle à sa voie exigeante : obstinément creuser l'écriture en son épaisseur, en l'occurrence à partir d'un matériau référentiel (l'accord structurant Farben, 3ème pièce de l'opus 16 de Schoenberg). Puis vint Operspective Hölderlin, une œuvre dépassant le cadre usuel du concert. Utilisant, pour la première fois, en concert, le nouveau système de perception sonore WFS (il rend le message sonore identique, à chaque auditeur, quelle que soit sa place dans la salle de diffusion), y poursuit les explorations entre l'espace de jeu – ici, frontal (le quatuor à cordes au côté jardin et la chanteuse au côté cour) – et la volumétrie acoustique rendue très ample par le WFS qu'il avait déjà conduites. Long d'une demi-heure, ce monodrame, dense et onirique, soutient l'attention sans défaillir. À réentendre d'urgence !

Crédit photographique : Agora 2009 © DR

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Paris. Centre Georges Pompidou, Grande Salle. 15-VI-2009. Hèctor Parra (né en 1976) : Hypermusic prologue : a projective opera in seven planes [création mondiale ; commande de l’Ensemble intercontemporain & de l’IRCAM – Centre Georges Pompidou]. Charlotte Ellett, soprano ; James Bobby, baryton. Mise en espace : Paul Desveaux. Scénographie : Matthew Ritchie. Ensemble intercontemporain, direction : Clément Power

Paris. Musée d’Orsay, Auditorium. 17-VI-2009. Vassos Nicolaou (né en 1971) : Otemo, pour vibraphone et électronique [première audition mondiale ; commande l’IRCAM – Centre Georges Pompidou] ; Georges Aperghis (né en 1945) : The Only Line, pour violon et électronique [création mondiale de la nouvelle version] ; Daï Fujikura (né en 1977) : Prism spectra, pour alto et électronique [création mondiale ; commande l’IRCAM – Centre Georges Pompidou] ; Marco Stroppa (né en 1959) : Hist whist, pour violon et électronique [création française ; commande du festival Printemps des arts de Monte-Carlo] ; Luciano Berio (1925-2003) : Naturale, pour alto, percussionniste et bande. Daniel Ciampolini, vibraphone & percussions ; Odile Auboin, alto ; Hae-Sun Kang, violon ; réalisation informatique et musicale : IRCAM

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