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John Axelrod, chef d’orchestre

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, nommé nouveau directeur de l'Orchestre National des Pays de Loire, assumera ses fonctions à compter de septembre 2010. Il est de retour d'Italie où il a tenu un concert au Teatro Comunale de Bologne, précédé d'une répétition ouverte au public et d'une master classe. Avant de partir en tournée avec Lang Lang et Herbie Hancock, il nous a cordialement accordé cet entretien.

« Le mari de notre nourrice m'a initié au gospel, au jazz et au stride. Je jouais du blues avant de jouer du Bach… »

ResMusica : Quand avez-vous commencé à étudier la musique?

 : J'ai commencé à jouer du piano à l'âge de trois ans. A cette époque, notre nourrice était la première femme pasteur du Black Baptist [ndlr : église baptiste afro-américaine] au Texas et ma sœur et moi étions les deux seuls enfants Jezish [ndlr : juif] blancs qui allions dans cette Église de noirs pendant la journée. Mes parents estimaient que cela nous donnait une bonne éducation culturelle basée sur la tolérance religieuse et sur l'acceptation raciale particulièrement sensible au sud des Etats-Unis. Ils étaient loin d'imaginer que cela aura été la clef de voûte pour faire ressortir mon potentiel musical. J'allais m'asseoir sur les genoux du pianiste qui était le mari de notre nourrice. C'est lui qui m'a initié au gospel, au jazz et au stride. Je jouais du blues avant de jouer du Bach… être doué d'une oreille absolue aide, c'est un atout incroyable !

RM : Plus tard vous vous êtes intéressé à l'orchestre. Quelle a été votre première pièce en tant que chef d'orchestre ?

JA : J'ai toujours été intéressé par l'orchestre mais je n'étais pas sûr de suivre le même chemin que mon mentor Bernstein en tant que chef. J'ai travaillé un peu dans le domaine de la musique, un peu dans le business du vin, avant de me lancer dans la conduite d'orchestre. Cette décision a été le résultat d'une nuit mystique à Napa Valley après l'écoute de Tristan et Isolde. Dans ma tête j'expérimentais comme une épiphanie, comme la présence de quelque chose de nature divine. C'est là que je me suis décidé à devenir chef d'orchestre. Par coïncidence, ma première pièce en tant que chef professionnel a été le Prélude de Tristan. Le reste est de l'histoire.

RM : Vous avez étudié avec Bernstein : quel a été son plus grand enseignement ? 

JA : Le plus grand enseignement qu'il m'a donné a été celui de convaincre d'abord ma famille ensuite de m'encourager moi-même vers la direction d'orchestre sans nullement oublier le piano ni la composition. J'avoue avoir dépensé 12 ans de ma vie pour réaliser qu'il avait raison.

RM : Récemment vous vous êtes produit au Barbican Center dans Kaddish de Bernstein revisité par Samuel Pisar, un survivant de l'holocauste. Pourquoi avez-vous choisi ce genre de répertoire ?

JA : Je ne l'ai pas choisi, c'est lui (le répertoire) qui a choisi : tout comme la musique m'a choisi il y a des années. J'ai eu la chance de jouer la toute première de cette version de Kaddish au Ravenna Festival avec la Chicago Symphony en 2003. Je l'ai même enregistrée à Lucerne et jouée dans d'autres parties du monde, récemment à Paris et Philadelphie. A Londres, j'ai joué avec l'Orchestre de Lucerne qui m'a aidé pour l'enregistrement. Je peux dire que cela a renforcé mes valeurs musicales et humaines pour la réconciliation et le respect des cultures et des personnes.

RM : Vous avez reproposé la performance de Kaddish à Paris avec l'Orchestre de Paris au siège de l'Unesco à l'occasion de la journée de la mémoire de l'holocauste. Êtes-vous persuadé que la musique soit être un bon instrument politique ?

JA : Je ne considère pas la musique en tant qu'instrument politique. La politique se base sur le compromis. La musique ne devrait jamais «être compromise» (quoique parfois des conditions particulières interviennent). En tous cas, je crois que la musique aujourd'hui peut tout à fait jouer un rôle humanitaire en plus de celui notamment artistique. La musique peut arriver à rapprocher des cultures différentes et à en promouvoir le dialogue et l'unité, tout comme les mots qui ne le peuvent plus.

RM : A partir de 2010 vous serez le nouveau chef d'orchestre de l'Orchestre National des Pays de Loire. Les orchestres françaises ont notamment une approche à la musique très différente des autres orchestres européens plutôt basé sur l'impression sonore, sur des sonorités raffinées et délicates que sur la puissance sonore et les effets percutants à l'orchestre. Avez-vous déjà réfléchi à un programme spécifique ? 

JA : Mon but et celui de l'ONPL pour les prochaines 4 saisons concerne sans doute le développement de la campagne d'abonnements et la croissance de la réputation musicale de l'orchestre. Contrairement à la plupart des orchestres françaises, le répertoire de l'ONPL n'est pas exclusivement français. Les directeurs d'orchestre Hubert Soundant et Issac Larabtchevsky, ont contribué à élargir le répertoire à la musique austro-germanique. Mes programmes musicaux prévoient des symphonies de Mozart, Beethoven, Mendelssohn et Schumann ; un cycle dédié à Brahms et un répertoire spécifique pour les cordes. Bien évidemment la musique française trouvera sa place tout comme les chefs-d'œuvre russes et les concerts de musique mixte. La thématique transatlantique de la musique américaine dans sa juxtaposition avec les œuvres européennes sera un atout supplémentaire. Le répertoire contemporain, des solistes et chefs d'orchestres de renommée internationale, des projets éducatifs particuliers vont compléter mon programme et mon but d'accroître la réputation de l'ONPL en France et à l'étranger. En plus de ça, le récent succès du Tristan nous a enrichi du point de vue de l'accomplissement musical. Nous avons atteint à un plus haut niveau de sensibilité musicale qui ne concerne pas seulement l'impression sonore mais aussi la puissance. Cela nous a convaincu (moi, le public, les musiciens et les journalistes intelligents) des qualités musicales et du potentiel de l'ONPL de s'affirmer à l'étranger.

RM : Comment vous imaginez votre futur avec cet orchestre et comment votre nomination changera votre vie ?

JA : Ma première expérience avec l'ONPL a déjà changé ma vie. Ce fut un véritable coup de foudre : un amour à première vue ou bien «à premier son». J'ai été fort impressionné par le professionnalisme, l'efficience, la flexibilité, les qualités musicales et la personnalité de cet orchestre. Mon deuxième concert avec l'ONPL a confirmé notre feeling et j'ai accepté de devenir le nouveau Directeur Musical. L'ambiance agréable et l'intimité partagée pendant l'opéra Tristan et Isolde a renforcé notre confiance réciproque. La liberté d'explorer notre musique, de perfectionner nos connaissances et d'obtenir un haut niveau de qualité est quelque chose de rare dans l'expérience musicale d'aujourd'hui. J'ai très apprécié, en plus, la façon de la communauté de supporter ce choix et leur loyauté vers l'orchestre. Les relations qui s'avèrent impossibles dans certaines villes, ici sont tout à fait possibles. Je serai donc très actif dans la vie de la région au-delà de mes apparitions officielles lors des concerts. Je poursuivrai activement des fortes liaisons entre l'ONPL et son public, les politiciens, les sponsors et les médias. C'est pour ça et pour apprendre le français (ce n'est déjà pas mal pour un Américain !) qu'il est nécessaire que j'habite dans cette région. Enfin tout le monde me le dit. Et encore, je sens qu'avoir un orchestre tel que l'ONPL comme partenaire peut faire évoluer mes relations professionnelles, musicales et personnelles. Cela est un rêve pour tout chef. Encore mieux dans cette région où la qualité de la vie, la nourriture, le vin, et la culture jouent un rôle très important. J'espère pouvoir toujours mériter le soutien et la confiance de tous ceux qui ont contribué à ma nomination et continuer mon travail avec sagesse et humilité.

Crédit photographique : © Stefano Bottesi

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