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Dijon. Auditorium. 17-VI-2009. Richard Wagner (1813-1883) : Tristan und Isolde, opéra en trois actes sur un livret du compositeur. Mise en scène et lumières : Olivier Py. Décors et costumes : Pierre-André Weitz. Avec : Leonid Zakhozhaev, Tristan ; Elaine McKrill, Isolde ; Martina Dike, Brangäne ; Alfred Walker, Kurwenal ; Jyrki Korhonen, le Roi Marke ; Eric Huchet, Melot ; Christophe Berry, un jeune marin / un berger ; Eric Vrain, un pilote. Chœur de l’Opéra de Dijon (chef de chœur : Xavier Ribes et Sandrine Abello), Camerata de Bourgogne – Orchestre de Dijon, direction musicale : Daniel Kawka.
Couleurs allant du gris fer au noir ; métal, tôle ondulée noire, rideaux de scène et sol miroitant évoquant l'eau glauque d'une mer obsédante, éclairages de barres de néon fluorescentes : l'aspect morbide et enveloppant des décors de ce Tristan und Isolde fait peser sur les trois actes une impression délétère et froide.
Il est vrai que toute l'action peut se dérouler durant les diverses heures de la nuit, cette nuit si ardemment désirée par les amants qui font d'elle le cadre bienveillant de leur amour, mais surtout le seul lieu de vérité par opposition au jour trompeur.
Le noir, le gris fer sont des couleurs qui conviennent donc à ce premier degré d'interprétation. L'utilisation d'éléments métalliques y ajoute une impression de brutalité qui suggère des carcans : carcans des conventions sociales, mais aussi carcans des pulsions inexorables liées au sexe et à la mort. L'eau noire et visqueuse représente aussi bien les étendues océaniques que des magmas de souvenirs d'existences antérieures, voire fœtales, comme le suggèrent les apparitions de la mère de Tristan au troisième acte. Le travail minutieux et éblouissant de la mise en scène donne une impression mortifère très prégnante. La seule trace de vie et d'animalité ne réside-t-elle pas dans la chevelure rousse dénouée d'Isolde, voire dans celle plus sage de Brangäne ?
L'extraordinaire deuxième acte, qui est un long chant d'amour évoluant de la passion charnelle vers le détachement du monde et vers la fusion alors possible entre masculin et féminin, est découpé d'une façon originale : les différentes étapes de ce cheminement, qui correspondent d'ailleurs aux différentes séquences musicales, sont suggérées pas le passage des héros de chambre en chambre d'hôtel, tantôt claires ou sombres, ordonnées ou remplies de scories terreuses. Là, on a l'impression d'être des voyeurs : les chambres se découpent à mi-hauteur de l'espace scénique, faisant penser à un théâtre dans le théâtre.
Daniel Kawka a opéré un travail magnifique avec l'orchestre de Dijon. La partition complexe donne l'impression d'être parfaitement maîtrisée : les Leitmotive surgissent avec efficacité, les plans sonores sont différenciés avec habileté, les préludes des premier et troisième actes nous plongent dans l'atmosphère voulue, surtout celui du troisième qui fait retentir superbement le Leitmotiv de la solitude ; le solo de cor anglais relaie cette impression d'une façon angoissante. Des danseurs de capœira apportent du dynamisme à cette ambiance un peu étouffante.
Le plateau est à la fois homogène et convaincant. Le roi Marke est admirablement présent grâce à la voix de basse puissante de Jyrki Korhonen. Elaine McKrill interprète le rôle titre avec subtilité et l'air final «Mild und leise» est conforté par sa musicalité. Le duo d'amour la laisse parfois en dessous du timbre éclatant de Leonid Zakhozhaev : le dialogue entrelacé «O sink Hernieder» ne se fait pas à parts égales. Il faut décerner une mention spéciale à Martina Dike, qui possède une magnifique voix wagnérienne ; elle allie la puissance à la chaleur du timbre, et elle sait aussi se mêler poétiquement à la pâte orchestrale dans «Haben acht» lorsqu'elle est la «gaite de la tour».
Ce qui importe visiblement à Olivier Py, c'est que le spectacle soit cohérent ; son but est effectivement atteint. Et pourtant cette «traduction» personnelle provoque un questionnement chez le spectateur : le cheminement vers la höchste Lust, la joie la plus haute dont parle Isolde, n'est-il possible qu'en gardant en perspective l'image de la mort ? Il semble que la partition de Wagner ne dise pas uniquement cela.
Crédit photographique : Leonid Zakhozhaev (Tristan) & Elaine McKrill (Isolde) © Gilles Abegg / Opéra de Dijon
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Dijon. Auditorium. 17-VI-2009. Richard Wagner (1813-1883) : Tristan und Isolde, opéra en trois actes sur un livret du compositeur. Mise en scène et lumières : Olivier Py. Décors et costumes : Pierre-André Weitz. Avec : Leonid Zakhozhaev, Tristan ; Elaine McKrill, Isolde ; Martina Dike, Brangäne ; Alfred Walker, Kurwenal ; Jyrki Korhonen, le Roi Marke ; Eric Huchet, Melot ; Christophe Berry, un jeune marin / un berger ; Eric Vrain, un pilote. Chœur de l’Opéra de Dijon (chef de chœur : Xavier Ribes et Sandrine Abello), Camerata de Bourgogne – Orchestre de Dijon, direction musicale : Daniel Kawka.