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Suite de la série « Pollini Perspectives » avec un concert réellement exceptionnel car pouvoir entendre Maurizio Pollini interpréter Bach n’est pas si fréquent. L’occasion était trop belle, ce qui n’a pas échappé au public parisien qui fit comble la Salle Pleyel. Pourtant mettre au programme Le Clavier bien tempéré tient toujours de la gageure, tant il n’est pas sûr que cette œuvre, ou plutôt ces 48 Préludes et fugues fussent conçues pour être écoutés dans la continuité, puisque qu’au bout que quelques minutes, on remet les compteurs à zéro et recommence une nouvelle œuvre construite sur le même et immuable principe d’un prélude suivi d’une fugue plus ou moins complexe, changeant chaque fois de tonalité pour ainsi explorer la totalité des 48 modes chromatiques. Comment donc faire de la pure musique et maintenir l’attention de l’auditeur avec ces exercices un peu abstraits au premier abord ? Reconnaissons que le pur génie du compositeur ne suffit pas toujours ici et que l’inspiration et l’intelligence musicale de l’interprète sont alors essentielles. Et sur ce point Maurizio Pollini ne nous a pas déçus, nous offrant, une fois de plus, une grande soirée.
Précisons tout de suite que seul le Livre I représentant la moitié des 48 BWV était au programme de la soirée, ce qui fit déjà deux copieuses heures de musique. Et que, bien sûr, Pollini a utilisé son traditionnel grand Steinway pour jouer ces pièces écrites pour clavier, sans autre précision. L'intemporalité de Johann Sebastian Bach a amené toute sorte de styles interprétatifs, de l'austère, voire rigide et métronomique (le fameux Bach « machine à coudre » des moins inspirés) jusqu'aux versions jazzies, et si nous avions une seule certitude avant ce concert, c'est qu'il ne fallait attendre aucun de ces deux extrêmes sous les doigts du pianiste italien. Pour le reste, il suffisait d'ouvrir tout grand ses oreilles.
Et nous avons entendu un Bach tout sauf dogmatique, où l'intelligence de la conception rivalisait au plus haut avec la qualité de la réalisation. Les préludes, à la forme plus libre que les fugues, furent joués avec toute la variété possible : retenu, voire très retenu mais sans jamais dissoudre la ligne musicale, jusqu'à rapide et tonique sans jamais noyer la phrase, le tout soutenu par un équilibre des deux mains tout « pollinien ». La dynamique contrôlée au millimètre jouait avec mesure mais sans hésiter des possibilités du grand Steinway, tout comme les phrasés au légato évident comme rarement dans cette musique, bien sûr très éloigné de cette même œuvre jouée au clavecin. Ainsi avait-on l'impression que chacun de ces préludes racontait une petite histoire, à chaque fois nouvelle, belle réussite face à une des difficultés majeures de l'exécution de cette œuvre dans sa continuité. Les fugues avaient la rigueur que leur forme assez contraignante exige, tout en conservant une qualité de respiration subtile et une constante progression musicale, leur permettant de se développer sans ennuyer un seul instant.
Sans chercher à imiter quoi que ce soit, sans souci d'exactitude historique, trop souvent vaine si l'inspiration musicale n'est pas au rendez-vous, Pollini nous a offert sa vision, résolument et fondamentalement musicale, libre de toute contrainte comme si cette œuvre venait tout juste d'être écrite, appliquant à Bach les mêmes principes fondamentaux qu'à toute grande musique. Le résultat fut impressionnant, personnel et sans doute inimitable, mais toujours convainquant, déclenchant dès le troisième rappel une standing ovation quasi générale comme on en voit peu.
Crédit photographique : © Fred Toulet
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Suite de la série « Pollini Perspectives » avec un concert réellement exceptionnel car pouvoir entendre Maurizio Pollini interpréter Bach n’est pas si fréquent. L’occasion était trop belle, ce qui n’a pas échappé au public parisien qui fit comble la Salle Pleyel. Pourtant mettre au programme Le Clavier bien tempéré tient toujours de la gageure, tant il n’est pas sûr que cette œuvre, ou plutôt ces 48 Préludes et fugues fussent conçues pour être écoutés dans la continuité, puisque qu’au bout que quelques minutes, on remet les compteurs à zéro et recommence une nouvelle œuvre construite sur le même et immuable principe d’un prélude suivi d’une fugue plus ou moins complexe, changeant chaque fois de tonalité pour ainsi explorer la totalité des 48 modes chromatiques. Comment donc faire de la pure musique et maintenir l’attention de l’auditeur avec ces exercices un peu abstraits au premier abord ? Reconnaissons que le pur génie du compositeur ne suffit pas toujours ici et que l’inspiration et l’intelligence musicale de l’interprète sont alors essentielles. Et sur ce point Maurizio Pollini ne nous a pas déçus, nous offrant, une fois de plus, une grande soirée.