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Paris, Salle Pleyel. 11-VI-2009. Luciano Berio (1925-2003) : Formazioni ; Anton Webern (1883-1945) : Cinq pièces pour orchestre op. 10 ; Bruno Mantovani (né en 1974) : Le Livre des illusions (hommage à Ferran Adrià), création mondiale. Orchestre de Paris ; Réalisation informatique : Benoit Meudic ; Direction : Jean Deroyer
Festival Agora 2009
La première rencontre de l'IRCAM avec l'Orchestre de Paris faisait l'événement du Festival Agora, ce jeudi 11 Juin à la Salle Pleyel. C'est Bruno Mantovani qui était en ligne de mire avec la création très attendue de son Livre des illusions, un « composé » explosif né de la rencontre de deux artistes catalans de génie.
On savait le penchant gourmand du fin palais qu'est Bruno Mantovani ; on fit la connaissance – puisqu'il était invité sur scène par le compositeur pour nous parler cuisine – d'un des chefs les plus originaux de la gastronomie, Ferran Adria, inventeur de la cuisine moléculaire.
Après Quelques effervescences (2006) convoquant l'alto et le piano pour transcrire musicalement les sensations éprouvées lors de séances de dégustation de vins, c'est un menu que Mantovani dressait ce soir, celui des 35 plats (citons, pour se mettre en appétit, « Fleur de horchata », « Concombres de mer avec cannelloni d'algues » ou encore « Haricot géant à l'ail japonais ») d'» El Bulli », le restaurant très prisé du catalan Ferran Adria. La partition, copieuse elle aussi, (une demi-heure de musique) table sur les correspondances « savoureuses » entre les réactions du palais et leurs transpositions sonores tel ce premier crash orchestral, au tout début de l'œuvre, répercutant musicalement l'explosion de « L'olive sphérique » en bouche. Dans l'élaboration de ces textures « goûteuses » relevant d'une imagination de haut vol de la part d'un compositeur déclarant avoir un rapport quasi charnel à la partition, le traitement électronique en direct intervient en surimpression pour « pimenter », « granuler » voire « acidule » » le composé. Pour Mantovani, c'est aussi la stratégie opérante pour créer « des configurations acoustiques inouïes »- en projetant l'orchestre dans la salle – et monter, page à page, avec une virtuosité éblouissante, chaque « chapitre » de son Livre des Illusions.
Décidément riche de projets originaux, la soirée avait débuté par une des pièces orchestrales les plus singulières et ambitieuses de Luciano Berio, Formazioni, écrite entre 1985 et 1987. S'il reste dans le domaine de la musique pure, Berio n'en conçoit pas moins une sorte de mise en scène, celle du dispositif orchestral imaginé selon des configurations inhabituelles qui bousculent les normes conventionnelles et mettent le chef d'orchestre au défi : dans Formazioni, les contrebasses devancent les violons relégués au fond de l'orchestre ; les vents sont répartis de part et d'autre d'un axe central, les graves au premier plan, les aigus à l'arrière, induisant des rapprochements inattendus, un nouvel équilibre des masses que Berio recherche en fin acousticien, conduisant son propos aventureux avec une maîtrise étonnante – le compliment s'adresse aussi, bien évidemment, à la direction irréprochable de Jean Deroyer – pour donner à cette expérience d'écoute une pertinence éclatante.
Inscrites en creux entre ces deux monuments, les Cinq pièces pour orchestre op. 10 de Webern (à peine 6'!) nous transportaient dans les hauts pâturages de ce mystique viennois servi par les musiciens de l'Orchestre de Paris avec une délicatesse et une grâce toute rafraîchissante.
Crédit photographique : Bruno Mantovani – DR
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Paris, Salle Pleyel. 11-VI-2009. Luciano Berio (1925-2003) : Formazioni ; Anton Webern (1883-1945) : Cinq pièces pour orchestre op. 10 ; Bruno Mantovani (né en 1974) : Le Livre des illusions (hommage à Ferran Adrià), création mondiale. Orchestre de Paris ; Réalisation informatique : Benoit Meudic ; Direction : Jean Deroyer