Une fourmi poète

Actes sud Junior

Billie est une petite fourmi rouge qui a fui la vie monotone de la fourmilière. Ce qu’elle aime avant tout, c’est passer du temps avec ses amis, les cigales ou les lucioles qui, comme elle, partagent le goût de la musique et de la poésie. Tandis que la journée, tout ce petit monde se repose ; la nuit, place à la musique dans la forêt des trois clairières. Mais le moment arrivera où ce mode de vie montrera ses dangers.

« Je suis la nuit, c’est dans mes bras que l’on s’endort, mais aussi que l’on chante et que l’on danse ». Dès les premiers mots du texte, la tonalité est donnée. L’œuvre d’Emmanuel Da Silva est poétique par son écriture et son histoire. L’auteur sort des schémas habituels du conte pour enfant, ce qui fait sa force. En effet, on ne retrouve pas les thèmes généralement abordés dans les livres pour enfants comme l’aspect moralisateur ou la question de la relation parent / enfant. Ce qui compte ici, c’est l’amour de Billie pour ses amis et pour la vie. La fin de l’ouvrage montre à quel point cet amour peut se vivre de façon personnelle.

Les supports de lecture rajoutent de la force aux mots. La lectrice n’est autre que Coralie Clément, jeune chanteuse à la voix douce et calme. Si elle n’est pas habituée à raconter des histoires pour enfants, elle excelle dans cet exercice et réussit à apaiser l’auditeur. Le second support est celui de la musique. Le groupe Folk des Churchfitters apporte un brin de gaieté à l’ensemble et rend l’histoire un peu plus vivante en interprétant les rôles des amis musiciens de Billie. Da Silva a aussi composé trois chansons sympathiques mais nous insistons surtout sur la dernière : Le souffle d’une fourmi, qui est particulièrement réussie. Enfin, les illustrations de Cécile Gambini jouent un rôle à part entière. Faits de collages et de coups de crayon, ses dessins sont à la fois enfantins et gracieux à l’image de l’ouvrage entier.

Da Silva propose un conte apaisant, agréable et très bien conçu. Toutefois, au-delà du conte pour enfant, celui-ci n’est-il pas plutôt destiné à des adultes ? Si la fin est joliment tournée, elle apparaît tout de même assez difficile pour les plus jeunes. Bruno Bettelheim dans la Psychanalyse des contes de fée dit que ce genre littéraire doit préparer l’enfant aux réalités de la vie et non pas le protéger de celles-ci. En faisant l’acquisition de ce livre, il appartient à chaque parent de faire ce choix. Doit on épargner à l’enfant la tristesse de perdre son héros ou lui offrir les moyens de comprendre que la mort n’est pas inéluctable mais qu’elle n’est pas pour autant le signe de la fin ?