Alors que son opéra le Roi Roger commence timidement à s'imposer sur les scènes (entrée au répertoire de l'Opéra de Paris et une nouvelle production au festival de Bregenz) le label Hyperion publie l'intégrale des œuvres pour violon et piano de Karol Szymanowski.
Ces partitions pour piano se répartissent tout au long de son œuvre. Créée par le pianiste Arthur Rubinstein, un ami indéfectible du compositeur et le violoniste Pawel Kochanski, la Sonate pour violon et piano (1905), montre l'influence dominante de Scriabine alors que le compositeur tâtonne à se chercher un style.
Dès la Romance en ré mineur on sent poindre cette esthétique exotique et songeuse qui tire ici vers le côté rhapsodique. Mythes et Nocturnes et tarantella sont certainement les deux partitions majeures de Szymanowski pour violon et piano. Le compositeur était particulièrement fier de ses Mythes (1915), il estimait y avoir inventé «un nouveau mode d'expression pour le violon». La beauté des phrases musicales et l'élaboration du discours piano/violon emmènent l'auditeur dans un monde sonore aux mystères insondables. Nocturne et tarentelle (1915) poursuivent ce voyage sonore avec des réminiscences de danses de la méditerranée et nocturnes qui évoquent Debussy et Busoni.
Deux «petites pièces» pour terminer ce disque : Trois caprices de Paganini et La Berceuse d'Aïticho Enia. Cette dernière, composée en 1925, est une transition brutale après les Variations sur des thèmes de Paganini, vers un monde sonore plus abrupt et noir dans ses teintes.
Le duo réunit pour l'occasion nous comble par son alliance de flamme sauvage et de raffinement. Le côté «barbare» est incarné par la violoniste Alina Ibragimova à la sonorité ample et avec ce qu'il faut de rauque pour cerner le côté rebelle de ces pièces. De son côté Cédric Tiberghien multiplie les couleurs et les nuances tirant les parties de piano vers la sensualité spontanée d'un Debussy ou d'un Ravel.