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Paris. Opéra Garnier. 27-V-2009. Proust ou les intermittences du cœur. Chorégraphie et mise en scène : Roland Petit (1974). Musiques : Ludwig van Beethoven, Claude Debussy, Gabriel Fauré, César Franck, Reynaldo Hahn, Camille Saint-Saëns, Richard Wagner. Décors : Bernard Michel. Costumes : Luisa Spinatelli. Lumières : Jean-Michel Désiré. Orchestre de l’Opéra national de Paris, direction musicale : Kœn Kessels. Avec les danseurs du Ballet de l’Opéra national de Paris : Isabelle Ciaravola, Albertine ; Hervé Moreau, Proust jeune ; Stéphane Bullion, Morel ; Manuel Legris, Monsieur de Charlus ; Florian Magnenet, Saint-Loup. Vladimir Kapshuk, baryton. Orchestre de l’Opéra National de Paris, direction musicale : Kœn Kessels
Le propos de Roland Petit lors de la création de Proust ou les intermittences du cœur en 1974 pour le Ballet de Marseille était de faire «danser les sentiments». Vingt cinq ans plus tard, la dimension érotique se fait plus évidente dans cette transposition chorégraphique du roman monde de Marcel Proust.
Tout, dans Proust ou les intermittences du cœur nous ramène aux émois amoureux et aux tourments sexuels des personnages de La recherche, plutôt qu'à la sensibilité de Proust. La société bourgeoise et aristocratique de la Belle Epoque à peine esquissée dans un tableau d'ouverture à l'esthétique Musée Grévin, le chorégraphe entre dans le vif du sujet avec un tableau intitulé La petite phrase de Vinteuil, duo sophistiqué où Laura Hecquet se montre d'une élégance folle, fine, légère et précise. Elle cède la place à la juvénile Gilberte, incarnée avec espièglerie par les délicieuse Mathilde Froustey dans Les Aubépines.
Au son du Morceau de concert pour harpe et orchestre de Camille Saint-Saëns, la pétillante Eve Grinsztajn joue une Odette coquette et frivole qui tente d'ensorceler un Swann, dansé par Alexis Renaud, visiblement torturé et amoureux. Souriante, la danseuse ressemble pourtant plutôt davantage à une arlésienne qu'à une demi-mondaine. Un bouquet de jeunes filles en fleurs leur succède devant un paysage de falaises normandes. Celles-ci s'offrent à Albertine, une Isabelle Ciaravola aux bras anguleux, qui se cabre comme un cheval sauvage. Son amie Andrée (Caroline Bance) se roule sur le sable, attendant Albertine avec sensualité.
Dans le dernier tableau du premier acte, La regarder dormir, Proust Jeune (Hervé Moreau), danse devant Albertine endormie. Ce long solo est la seule partie gestuellement et émotionnellement forte d'un acte justement intitulé Quelques images des paradis proustiens. Avec un physique à la fois féminin et dramatique, Isabelle Ciaravola emplit toute entière le long pas de deux qui suit, comme un rêve.
Changement de ton au second acte, intitulé Quelques images de l'enfer proustien où le baron de Charlus, Morel et Saint-Loup se partagent la vedette. Bondissant et gesticulant, le baron de Charlus est attiré par l'extrême jeunesse insaisissable de Stéphane Bullion (Morel). Manuel Legris trouve dans le rôle de Charlus un rôle de caractère absolument irrésistible ! Alors qu'il vient de faire ses adieux à l'Opéra de Paris, on imagine qu'il pourra encore jouer les guest stars dans les années futures pour des rôles où l'interprétation compte à ce point.
Dans le tableau suivant, Morel, éphèbe tentateur qui montre son corps nu à un vieil homme, met Charlus à la torture. Suit une scène très réaliste où Charlus s'encanaille avec quatre soldats bleu horizon dans un coupe-gorge. C'est une prestation très physique pour Manuel Legris, malmené et rudoyé pour son plaisir par ces quatre malabars.
Le quatuor en ombres chinoises qui suit ces scènes de débauche est plus sexualisé encore par les seins nus de Peggy Dursort dans cette séquence fortement évocatrice. Roland Petit fait du désir frustré une abstraction pour un quatuor très proche du style de John Neumeier. Dans le tableau suivant, Florent Magnenet, très féminin dans le rôle de Saint-Loup livre un solo tenu et sensuel. Rejoint par Morel, leur duo prend des accents dignes de Maurice Béjart tout en étant explicitement sexuel. Deux danseurs magnifiques, au demeurant…
Le ballet se clôt par un tableau final ridicule et figé, dans lequel les principaux personnages réapparaissent. Les conventions sociales y sont transcrites par des gestes d'automates orchestrés par la duchesse de Guermantes (Stéphanie Romberg) devant un Proust caricatural et immobile.
Si le découpage du ballet en scènes inégales a voulu refléter la structure du roman, il semble avec le recul du temps que les passages les plus abstraits soient ceux qui vieillissent le mieux. Proust ou les intermittences du cœur, entré il y a deux ans au répertoire du Ballet de l'Opéra de Paris a par ailleurs le mérite d'offrir des parties solistes à de nombreux danseurs du Ballet, mais aussi aux musiciens d'un Orchestre de l'Opéra national de Paris au meilleur de sa forme.
Crédit photographique : Mathilde Froustey ; Florian Magnenet et Stéphane Bullion © Julien Benhamou / Opéra national de Paris
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Paris. Opéra Garnier. 27-V-2009. Proust ou les intermittences du cœur. Chorégraphie et mise en scène : Roland Petit (1974). Musiques : Ludwig van Beethoven, Claude Debussy, Gabriel Fauré, César Franck, Reynaldo Hahn, Camille Saint-Saëns, Richard Wagner. Décors : Bernard Michel. Costumes : Luisa Spinatelli. Lumières : Jean-Michel Désiré. Orchestre de l’Opéra national de Paris, direction musicale : Kœn Kessels. Avec les danseurs du Ballet de l’Opéra national de Paris : Isabelle Ciaravola, Albertine ; Hervé Moreau, Proust jeune ; Stéphane Bullion, Morel ; Manuel Legris, Monsieur de Charlus ; Florian Magnenet, Saint-Loup. Vladimir Kapshuk, baryton. Orchestre de l’Opéra National de Paris, direction musicale : Kœn Kessels