La Scène, Spectacles divers

Le Bourgeois Gentilhomme par le Poème harmonique

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Reims, Grand Théâtre de Reims. 16-V-2009. Molière (1622-1673) et Jean-Baptiste Lully (1632-1687)  : Le Bourgeois Gentilhomme, comédie-ballet. Mise en scène : Benjamin Lazar ; Chorégraphie : Cécile Roussat. Avec : Olivier Martin Salvan, Monsieur Jourdain ; Nicolas Vial, Madame Jourdain ; Louise Moaty, Lucile ; Benjamin Lazar, Cléonte / le maître de philosophie ; Anne Guersande Ledoux, Dorimène ; Lorenzo Charoy, Dorante/ le maître d’armes ; Alexandra Rübner, Nicole / le maître de musique ; Jean-Denis Monory, Covielle / le maître tailleur ; Julien Lubek, Le maître à danser. Chanteurs : Arnaud Marzorati, le Mufti / le vieux bourgeois babillard / l’élève ; Claire Lefilliâtre, la musicienne / la femme du bel-air / l’Italienne ; François-Nicolas Geslot, le premier musicien / la vieille bourgeoise babillarde / un Espagnol / un Poitevin ; Serge Goubioud, un Gascon / un Poitevin / un chanteur ; Davide Ghilardi, un Gascon / un chanteur ; Emmanuel Vistorky, un Espagnol / l’homme du bel-air / un chanteur ; Arnaud Richard, l’Italien / le Suisse ; Le Poème Harmonique, Orchestre Musica Florea. Direction musicale et guitare baroque : Vincent Dumestre

Quel bonheur de retrouver la troupe du Poème Harmonique, dans cette reprise du Bourgeois Gentilhomme ! Et le public est venu trop nombreux, obligeant le Théâtre de Reims à refuser du monde.

Dans cette magnifique salle à l'acoustique généreuse et chaude, cette soirée fut un instant de partage comme peu de spectacles en offre aujourd'hui.

Lorsqu'en 2004, la production du Bourgeois Gentilhomme du Poème Harmonique est née, l'esthétique retenue par Vincent Dumestre et Benjamin Lazar, a de suite acquise l'adhésion de tous, dont la critique qui pour une fois ne s'en est pas prise au français dit restitué, utilisé ici. Mais invité à retrouver son âme d'enfant, le public fut à jamais séduit par cette redécouverte du sens d'une œuvre et ainsi de son étrange modernité. Associant au théâtre la musique et la danse, elle donne et invite à nouveau à rêver sur cette mélancolie des sentiments et ce rire aux larmes, qui donne à la vie toute sa valeur.

Cinq ans après, ce Bourgeois n'a pris aucune ride, au contraire la maturité que ce spectacle et ces interprètes ont acquis, nous montre combien ce travail de troupe sur la durée voulue par est si «provocateur» qu'il crée un lien sacré entre le public, la fosse et la scène.

La mise en scène de Benjamin Lazar est une splendeur. Elle associe l'éclairage à la bougie, les costumes chatoyants et d'une simplissime beauté d'Alain Blanchot, la poésie de cette langue du conte et de la gestuelle baroque qui fait de chaque déplacement un pas de danse, et de chaque mot une note. Elle nous redonne ainsi à voir et à entendre la dernière des comédies ballets de Lully. Entre acteurs, danseurs, chanteurs et musiciens, la complicité est telle que tout y est d'un naturel bouleversant. Le texte de Molière y danse comme la flamme des bougies. Il danse de ses ombres qui pourraient être tragiques tant l'humaine folie de Monsieur Jourdain, pourrait d'un rien basculer. y montre dans ce rôle un art accompli d'un funambuliste touchant proche de la folie ordinaire. Mais les comédiens se jouent du rire. S'il est parfois provoqué par des situations, des gestes, des chutes, il n'est jamais facile et toujours d'une grâce confondante. Le rire y devient une émotion impalpable et irréelle. Ainsi, le philosophe de Benjamin Lazar, dont l'élégance sur scène et l'éloquence sont les armes du poète, qui se jette si tendrement dans les bras de Monsieur Jourdain. Ou l'Arlequin de qui allie la souplesse du danseur à la beauté mélancolique du mime lorsqu'il se jette à son tour dans ceux de l'Italienne avec la légèreté inouïe d'une bulle d'air. Enfin le dialogue de et d'Arlequin, tous deux à la guitare, provoque un enchantement sonore et visuel, le rire nous y étreint dans ce qu'il a de plus subtil.

La langue, ce français restitué est une musique à la fois gourmande, qui fait de la scène du repas un délice d'imagination, et exotique comme dans la turquerie si chatoyante. Elle nous donne à entendre l'ivresse et le chagrin des cœurs. Dans la première partie, les dialogues entre les comédiens et le théorbe à la luminosité mélancolique de Massimo Moscardo et la viole de gambe aux draperies moirées de Silvia Abramowicz, soulignent la musicalité des mots. Ces mots qui arrivent même alors que l'orchestre ne joue pas à nous en faire percevoir la flamme qui ne s'éteint jamais.

Les musiciens du Poème Harmonique et de multiplient les couleurs à l'infini. Leur palette fait revivre tous les peintres baroques. Les ombres surgissent des cordes, les velours des bassons, le chant du monde pastoral des hautbois ou de la cornemuse… L'onde s'en écoule comme le sang dans les veines, et semble ne faire battre qu'un seul cœur. La chorégraphie de (qui co signe la mise en scène comme dans la Turquerie…) en est le courant gracieux et vif.

Les chanteurs que ce soit dans l'air du Grand Mamouchi, tellement enlevé, ou dans le trio de la pastorale «qu'il est doux d'aimer», ou dans les intermèdes de la fin, nous montrent combien la maturité acquise au cours des tournées du Bourgeois, est au profit de l'équilibre et de la plénitude. , dans l'air de l'italienne y révèle une souplesse dans les graves, qui donne à son timbre une profondeur qui fait de son air un instant d'éternité.

On pourrait ainsi continuer pour tenter de n'oublier personne et tenter vainement de décrire l'émotion qui nous étreint quand les «dieux, même les dieux», ne peuvent prolonger ce songe, où ombres que nous sommes nous aimerions rester. Le bonheur partagé ainsi a valu un triomphe à l'ensemble des interprètes du Poème Harmonique. Alors n'hésitez pas, si vous l'avez déjà vu ou ne l'avez jamais vu, ce Bourgeois Gentilhomme vous invitera au bonheur.

Crédit photographique : © Poème Harmonique ; Grand-Théâtre de Reims

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Reims, Grand Théâtre de Reims. 16-V-2009. Molière (1622-1673) et Jean-Baptiste Lully (1632-1687)  : Le Bourgeois Gentilhomme, comédie-ballet. Mise en scène : Benjamin Lazar ; Chorégraphie : Cécile Roussat. Avec : Olivier Martin Salvan, Monsieur Jourdain ; Nicolas Vial, Madame Jourdain ; Louise Moaty, Lucile ; Benjamin Lazar, Cléonte / le maître de philosophie ; Anne Guersande Ledoux, Dorimène ; Lorenzo Charoy, Dorante/ le maître d’armes ; Alexandra Rübner, Nicole / le maître de musique ; Jean-Denis Monory, Covielle / le maître tailleur ; Julien Lubek, Le maître à danser. Chanteurs : Arnaud Marzorati, le Mufti / le vieux bourgeois babillard / l’élève ; Claire Lefilliâtre, la musicienne / la femme du bel-air / l’Italienne ; François-Nicolas Geslot, le premier musicien / la vieille bourgeoise babillarde / un Espagnol / un Poitevin ; Serge Goubioud, un Gascon / un Poitevin / un chanteur ; Davide Ghilardi, un Gascon / un chanteur ; Emmanuel Vistorky, un Espagnol / l’homme du bel-air / un chanteur ; Arnaud Richard, l’Italien / le Suisse ; Le Poème Harmonique, Orchestre Musica Florea. Direction musicale et guitare baroque : Vincent Dumestre

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