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Les Sacqueboutiers / La Caravaggia : Musica del Duque de Lerma

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Une invitation pour un concert des Sacqueboutiers en l'Abbatiale Saint-Pierre de Moissac, l'un des plus beaux ensembles architecturaux français avec ses extraordinaires sculptures romanes, ne se refuse pas. C'est même un privilège. Nous avons été accueillis dans le narthex monumental puis installés dans la nef, sous le buffet du magnifique orgue construit au milieu du XVIIe siècle.

Le jeune ensemble catalan La Caravaggia s'est joint ce soir aux Sacqueboutiers, leurs aînés en musique, pour interpréter ces musiques dites «de Ménestrels», dans la formation typique de ce répertoire qui se jouait aussi bien à la Cour qu'à l'Eglise, avec les instruments à vent présents ce soir : , Lluis Coll (cornets), Béatrice Delpierre, (chalemies), Daniel Lassalle, Simeon Galduf, Fabien Dornic, Jordi Jimenez (sacqueboutes), Josep Borras, Joaquim Guerra (dulcianes). Aucun n'a usurpé la réputation dont ils jouissent. Sans oublier Pedro Estevan aux percussions, impressionnant par son assise rythmique.

Leur prestation se fait à géométrie variable, passant tantôt de 4 à 11 interprètes au gré des œuvres, divisés, ou non, en double, voire triple chœur. À plusieurs reprises, certains des musiciens viennent même jouer sous la petite absidiole dans notre dos et nous fûmes pris entre deux feux, sous les vagues de cette musique étonnamment vivante, comme si le temps avait suspendu son vol. Le programme rassemble des œuvres sacrées et profanes, d'anonymes ou de très connus comme ou Francisco Guerrero. Nous passons d'évocations colorées de La guerre, d'après Clément Janequin, ou des Dames françaises, à celle, populaire et légère, de Margot qui laboures les vignes à un poignant Ave Maria de Josquin Despres. Egalement au programme des œuvres d'autres grands compositeurs de la polyphonie hispanique et franco-flamande du XVIe siècle (, Giovanni Maria Nanino, Cristóbal de Morales et Philippe Rogier).

A l'écoute de cette musique harmonieuse, empreinte de spiritualité, il est difficile d'imaginer que le Duc de Lerma, un des hommes les plus puissants de la péninsule ibérique sous le règne de Philippe III, était «spéculateur, corrompu, chapardeur…», ainsi que le décrivent les livres d'histoire. Il fut le premier des validos (favoris), au travers desquels les monarques Habsbourg d'Espagne ont régné. Grand protecteur des arts, il engagea des musiciens de qualité pour interpréter les œuvres du répertoire que nous dégustons ce soir. Sans doute, parce que cette musique profonde avait des résonances intimes pour cet hidalgo castillan en proie à de multiples tumultes intérieurs. Mais certes, doué d'un goût artistique très sûr.

C'est cela qui a poussé à célébrer le 400e anniversaire du Cancionero del Duque de Lerma, retrouvé dans les archives. Le moins que l'on puisse dire est qu'ils ont réussi leur pari en beauté. Ce concert sera diffusé mercredi 6 mai à 14h 30 sur France-Musique.

E. Fabre-Maigné

Crédit photographique : © Michel Laborde

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