Plus de détails
Enfant prodige de la danse, produit de l'Ecole de danse de l'Opéra National de Paris, Etoile de cette compagnie dès 1980 puis Directeur de celle-ci de 1990 à 1995, Patrick Dupond malgré les vicissitudes de la vie reste encore dans l'esprit collectif le premier représentant français du ballet classique au niveau mondial. Rencontre avec un artiste exceptionnel qui vient de fêter ses 50 ans.
ResMusica : Vous vous êtes distingué très tôt dans la discipline en remportant à 17 ans à Varna (Bulgarie) la médaille d'or du meilleur danseur du Monde. Seuls Vassiliev et Barychnikov en avaient été jugés dignes avant vous. Cette ascension éclair fut-elle lourde à porter ?
« Je peux certes éprouver de la nostalgie par moments, mais dans la mesure où je continue à exercer mon art et à enseigner, je m'estime satisfait »
Patrick Dupond : Non, je n'ai jamais considéré cette ascension comme lourde à porter : je m'accommodais très vite du succès. Une telle ascension était rarissime et accompagnée d'une fabuleuse effervescence. J'ai vécu tout cela à fond en en profitant pleinement.
RM : Max Bozzoni vous considérait comme son héritier spirituel. Pensez-vous que vous auriez pu accomplir autant de choses sans cette « tutelle artistique » ?
PaD : Si Max n'avait pas été là, je n'aurais sûrement pas pu accomplir tout cela. Il m'a appris à vivre, à respirer, à me protéger, à aller toujours plus loin et à donner le meilleur de moi-même : tout ce qu'un père peut apprendre à son fils. Il y avait entre nous un véritable rapport filial.
RM : Vos partenaires féminines ont toujours loué votre générosité et votre capacité à les faire briller en scène. Quelles sont les figures féminines qui vous ont le plus marqué au cours de votre carrière ?
PaD : Il y en a eu beaucoup : Noëlla Pontois avec laquelle j'ai beaucoup dansé. Sylvie Guillem. Monique Loudières avec qui j'ai dansé Roméo et Juliette à Rome, un ballet marquant qui nécessitait une réelle fusion entre les partenaires. En règle générale, je me suis toujours très bien entendu avec mes partenaires féminines.
RM : Bête de scène, vous étiez un « acteur-danseur » selon vos propres termes. Ce charisme inné n'était-il pas lourd à porter pour vos partenaires ?
PaD : La scène était une aventure commune. Je partageais avec mes partenaires mon succès, ma joie de vivre et ma générosité. Il n'a jamais été dans mon caractère « d'écraser » les autres, bien au contraire : j'aimais faire briller mes partenaires, j'étais dans une relation de partage avec eux.
RM : Ambassadeur de la danse classique partout dans le monde, vous avez bénéficié d'une starification extraordinaire. Un tel phénomène ne s'est jamais reproduit. Qu'aviez-vous de plus que les autres ?
PaD : Je n'en sais rien : il faudrait poser la question aux médias ! Je pense que j'avais le sens des médias, une qualité indispensable pour faire carrière. J'accordais une grande place à la communication : les danseurs ne sont-ils pas des communicants ? Je souhaitais que les médias servent de relais entre le public et moi. J'ai usé et abusé des moyens médiatiques sciemment et consciemment.
RM : Homme caméléon, vous avez fait des incursions dans l'univers cinématographique, télévisuel et pédagogique. Où vous portent aujourd'hui vos envies ?
PaD : Je suis boulimique de tout ; je foisonne de projets. Mais aujourd'hui j'avoue être totalement comblé par ce que j'ai. Ma vie est suffisamment riche.
RM : Quelle est votre vision de la danse classique aujourd'hui ? Suivez-vous la nouvelle génération de danseurs ?
PaD : Je ne suis cette actualité que partiellement et j'avoue ne pas être très au fait des nouvelles têtes d'affiche. Mon emploi du temps ne me laisse pas le temps d'aller voir les spectacles de danse classique ou contemporaine. La danse classique se porte bien en France et draine toujours un large public. Comme tous les arts vivants, elle est en perpétuelle évolution.
RM : Avez-vous des regrets ?
PD : Je n'ai ni regrets, ni remords. Je peux certes éprouver de la nostalgie par moments, mais dans la mesure où je continue à exercer mon art et à enseigner, je m'estime satisfait.
RM : Parlez-nous de Fusion, votre dernière création (en collaboration avec Leila Da Rocha) qui mêle de manière audacieuse danses sacrées et danse occidentale.
PD : C'est un projet qui me tient à cœur. Le concept est autobiographique : c'est la rencontre d'un danseur de 50 ans avec tout ce qu'il a dans ses valises, son histoire, son passé, avec cette danseuse sacrée qui lui apporte en retour son amour. C'est l'histoire d'une rencontre merveilleuse.