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A propos de ma transcription de Rondes de printemps de Debussy pour piano à deux mains, par Gérard Gasparian

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Crédit photographique : Claude Debussy – DR ; Soir florentin de Maurice Denis © Musée des beaux-arts de Nancy ; Baigneuses à Perros-Guirec © Musée du Petit Palais, Paris

 

Rondes de printemps

ResMusica vous dévoile dans ce dossier les réflexions et démarches d’une transcription pour piano d’une pièce pour orchestre, Rondes de printemps de Debussy par le pianiste Gérard Gasparian. Comment donner une autre lecture d’une œuvre sans la dénaturer ni l’altérer.

Ma démarche est née lorsque j’ai découvert que le thème « Nous n’irons plus au bois » était utilisé par Debussy non seulement dans Jardins sous la pluie, mais également dans la troisième des Images oubliées pour piano, dans la mélodie La belle au bois dormant, ainsi que donc dans Rondes de printemps où il est exposé très généreusement, de façon polyphonique même, et dans divers tons. J’ai tout de suite voulu mettre toutes ces pièces en regard dans divers programmes de concert, et donc songer à transcrire cette dernière pour piano seule.

Ne pas trahir l’original

Mon souci dans ce travail était, tout en restant fidèle à la partition originale, de trouver des astuces d’écriture pianistique pour ne pas trahir la transparence de l’atmosphère sonore voulue par le compositeur – « léger et fantasque » – c’est-à-dire d’éviter une écriture verticale, massive, ou encore de tomber dans le brio et la virtuosité des transcriptions lisztiennes.

L’auteur lui-même n’a-t-il pas écrit à son éditeur : « La musique de ce morceau a ceci de particulier qu’elle est immatérielle, et qu’on ne peut, par conséquent, la manier comme une robuste symphonie qui marche sur ses quatre pieds… ». Immatérialité et intemporalité, tendances propres à cette période, que l’on peut également ressentir dans la peinture, les tableaux d’un Maurice Denis, par exemple, avec sa série Soir Florentin ou Baigneuses à Perros-Guirec, peintes la même année (1909), aux tons, c’est vrai, plus proches du Prélude à l’après-midi d’un faune par ses silhouettes antiques, ou même de Pelléas par ses couleurs, mais d’où se dégage en même temps une extraordinaire joie de vivre printanière, le tout, sous un rythme de danse, de ronde autour d’une fontaine…

Pistes de travail

Pour la réduction de cette pièce, j’avais d’un côté la partition d’orchestre, de l’autre la réduction pour quatre mains faite par André Caplet. Je me suis inspiré également de la réduction de Fêtes réalisée par Borwick pour deux mains, que j’ai à mon répertoire, mais aussi de Masques pour piano seul, que j’ai mis à mon répertoire récemment. On trouve dans ces deux pièces des passages rapides en 6/8 ou 9/8 abondamment, comme dans Rondes, même si l’on a à faire dans Fêtes à un orchestre beaucoup plus massif. Observez que toutes trois se terminent en la majeur, et notamment la ressemblance dans le grave, pianissimo, de la fin entre Fêtes et Masques est saisissante.

C’est justement en découvrant l’enregistrement de la transcription de Fêtes par Emile Guilels dans les années 30 (étonnant, n’est-ce pas ?), que j’ai eu envie de la travailler et de la donner plusieurs fois en concert, au même titre que Nuages ou le Prélude à l’après-midi d’un faune, ce dernier plus souvent joué.

Pourquoi Rondes de printemps ?

Je ne trouve pas de raison à ce que La mer, Iberia, les Nocturnes, le Faune ou Jeux (très difficile, par moments injouable) existent en transcription à 2 mains, et pas Rondes de printemps. A propos de Jeux, sans vraiment connaître les sources et l’ordre de sa composition (j’entends l’ordre orchestre/piano), je présume que la réduction pour 2 mains de l’auteur, géniale, mais injouable lorsque ça passe sur 3, voire 4 portées, ainsi que dans les moments d’accords de 3 sons en doubles à une main (en tout cas au tempo), ne devait pas être conçue par Debussy pour être jouée en concert, mais pour être « consultée », et, avant la création chorégraphique, être répétée avec les danseurs.

Cela me permet d’avoir quelque échange de réflexions sur le style, l’esprit du compositeur, et pourquoi pas, d’affiner ensemble encore un peu, s’il y a lieu. Après tout, ce n’est qu’un travail de transcription, et dans toute transcription d’orchestre il y a forcément des choix à faire par rapport à la partition originale.

Quelques réflexions sur la partition

Fallait-il, comme je l’ai fait, rajouter quelques doigtés dans des endroits difficiles, si l’on considère que l’auteur y était hostile dans ses partitions ? Une réduction a-t-elle le droit de se « libérer » de cette « éthique » debussyste? D’autres éditeurs le font maintenant, et dans des œuvres pour piano seul.

Fallait-il, comme je ne l’ai fait à aucun moment, écrire certaines parties difficiles sur 3 portées ? Je suis parti du principe d’ordre « psychologique », que la crainte de la difficulté, déjà là a priori (réduction d’orchestre !), aurait sans doute doublé avec une portée en plus, ou plutôt triplé, aux yeux d’un pianiste surtout !

Une autre raison, c’est qu’au regard des œuvres pour piano du compositeur, et hormis le 2e cahier des Images, quelques Préludes du 2e livre et quelques pièces séparées, on peut constater que tout le reste est noté sur deux portées uniquement, y compris les pages à l’écriture polyphonique complexe, ou celles aux multiples plans sonores.

J’ai ramené la notation des mesures 22 à 26, 45 à 46, 119 à 132, 134 à 162 en ternaire (9/8 ou 15/8), comme c’est le cas dans la version pour orchestre, changées partiellement en binaire (3/4 ou 5/4) dans la version pour 4 mains. Je n’ai doublé aucune ligne à l’octave, si elle ne figure pas comme telle dans la version originale pour orchestre.

A part le début, où il n’y a pas grand-chose d’autre à faire, j’ai essayé autant que possible d’éviter les trémolos au piano, pourtant assez présents dans la partition d’orchestre. Mais dans ses œuvres pour piano, Debussy lui-même n’en use pas beaucoup, sauf cas particulier, comme par exemple Poissons d’or.

Gérard Gasparian, pianiste, compositeur et pédagogue

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Crédit photographique : Claude Debussy – DR ; Soir florentin de Maurice Denis © Musée des beaux-arts de Nancy ; Baigneuses à Perros-Guirec © Musée du Petit Palais, Paris

 
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