Mendelssohn à l’ancienne par Cyril Huvé : une belle nouveauté !

Quoi de plus judicieux pour rendre hommage à Mendelssohn l'année du bicentenaire de sa naissance que de présenter un florilège varié et coloré de ses principales œuvres pianistiques en terminant par… Erinnerung 4 XI 1847, courte pièce composée par Schumann le jour du décès de celui qu'il considérait comme un «véritable dieu» ? Une belle page, d'ailleurs, que l'auteur du Carnaval inclua dans son Album pour la Jeunesse.

C'est le parti-pris de Cyril Huvé dans ce très bel enregistrement réalisé sur un piano Broadwook des années 1840 pour la firme Paraty, enregistrement dont la prise de son claire et précise est à saluer. On connaît l'affection que porte ce pianiste aux instruments anciens, grâce à ses nombreux enregistrements, à l'instar des œuvres de Liszt, comme son intégrale des Lieder (Adda), ses Paraphrases sur Verdi (Coda) sur son piano Erard 1850, l'Album d'un Voyageur (Euterpe) sur un pianoforte de 1835. Ajoutons également les Ballades et Scherzi de Chopin sur pianos Pleyel (Emi), etc. Aujourd'hui, c'est donc Mendelssohn qui est interprété sur un piano à la mécanique si particulière et au timbre si caractéristique de l'époque romantique. L'auditeur peut donc bénéficier de cette clarté de jeu, cette lisibilité du texte, texte que Cyril Huvé rend toujours intelligible grâce à un très bon équilibre entre les deux mains, une utilisation mesurée et habile de la pédale, un parfait sens du legato…

Les thèmes et éléments mélodiques chantent, nostalgiques («introduction» du Rondo Capriccioso, Barcarolle vénitienne) inspirés (Romance op. 38 n°2, Deux Souvenirs op. 19 n°1…), espiègles (La Fileuse) ou encore passionnés («presto» de la Sonate écossaise, Prélude op. 35 n°1, l'Etude op. 104b n°1…). Ils passent d'une main à l'autre dans une continué éloquente du discours (Rondo Capriccioso, Fugue op. 35 n°1…). Les accents sont bien pensés, pesés, comme l'illustre éloquemment le début du 2e mouvement de la Sonate écossaise par exemple.

Ce sont sans doute les Variations sérieuses qui synthétisent le mieux les différentes sources d'inspiration mendelssohniennes (en particulier Bach, les classiques dans la manière générale de varier le thème et bien sûr Beethoven) réappropriées magistralement dans une œuvre on en peut plus romantique. Cyril Huvé s'y révèle également magistral, avec une parfaite maîtrise des grandes difficultés techniques, un choix très convaincant des tempi, et surtout une pensée unificatrice qui donne sens à l'ensemble de ces différentes variations et de ce thème façonné comme un choral. Une version à ranger à côté de celle des meilleures, comme celle de Murray Perahia (CBS Masterworks) sur piano moderne.

Au total, un CD que tout mélomane se doit d'écouter, réécouter, tant pour les choix esthétiques de l'interprète que pour le très bel instrument du XIXe siècle.