L’abus d’Opium est excellent pour la santé…

Ces dernières années, quelques contre-ténors de renom (Brian Asawa, David Daniels entre autres) avaient approché la mélodie française avec bien peu de réussite, leurs tentatives se transformant plutôt en «Opération Castafiore» ! A son tour, notre contre-ténor national Philippe Jaroussky se lance dans l'aventure et démontre avec brio et grâce qu'on peut tendre à la perfection dans ces expériences. Opium est un disque somptueux et une réussite exceptionnelle, l'un de ces enregistrements rares, qui envoûte, captive et fascine.

Philippe Jaroussky l'avoue lui-même : «Il est certain que ce disque constituera une surprise pour beaucoup. Pourquoi un contre-ténor dans ce répertoire ? Pour ma part, j'ai toujours éprouvé une affinité particulière avec l'univers raffiné et intimiste de la mélodie française. » Et dès la première écoute, on reste bouche bée devant son interprétation éblouissante. On connaît sa puissance vocale et sa virtuosité tourbillonnante (exprimées dans les opéras de Vivaldi), mais dans cet Opium, le chanteur joue la carte d'une voix retenue et conduite à la perfection, usant d'une infinité de nuances et de couleurs. Il évite aussi tous les pièges des effets vocaux, de l'affectation ou de la sensiblerie. Et l'on succombe aussi à sa gourmandise à «chanter / dire» les poèmes.

Avec l'excellent Jérôme Ducros, Renaud et Gautier Capuçon ainsi qu'Emmanuel Pahud, Philippe Jaroussky a su construire un programme d'une réelle cohérence, donnant à entendre des pages fort connues, mais offrant aussi des pièces rares de Guillaume Lekeu (Sur une tombe), de Vincent d'Indy (Lied maritime) ou de Cécile Chaminade (Sombrero).

Ce disque est un diamant ! On voudrait tout citer : A Chloris de Reynaldo Hahn, où la voix du contre-ténor épouse de manière envoûtante le poème de Théophile de Viau ; Nell, de Gabriel Fauré, dont la fougue juvénile place à jamais notre jeune chanteur dans les pas des plus grands mélodistes… Camille Maurane, par exemple !

Et lorsqu'on écoute Le temps des lilas, d'Ernest Chausson, on se prend soudainement à rêver : Philippe Jaroussky dans une version intégrale du Poème de l'amour et de la mer, cette fois dans la version orchestrale… Décidément cet Opium incite à d'extravagants et délicieux songes !