Concerts, La Scène, Musique symphonique

Marc Albrecht, anti-climax toute !

Plus de détails

Paris, Salle Pleyel. 24-III-09. Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano n°1 en ré mineur op. 15. Richard Strauss (1864-1949) : Une vie de héros op. 40. Nicholas Angelich, piano ; Orchestre Philharmonique de Strasbourg, direction : Marc Albrecht.

Voilà un programme plein d'énergie, de relief, puissamment expressif, du moins c'est ce qu'on croyait avant le concert de ce soir où les interprètes nous ont quelque peu surpris par une vision personnelle et originale, assez différente des canons habituels.

Le plus surprenant, voire déstabilisant, a été le Concerto pour piano n°1 de Brahms qui avait perdu presque tout aspect héroïque, grandiose, survolté, contrasté, au profit d'une lenteur, se voulant sans doute majestueuse, et d'une homogénéité expressive unificatrice. L'introduction orchestrale donnait immédiatement le ton, avec une façon de ne pas marquer les accords comme s'il s'agissait d'une mélodie continue, et un phrasé sans tension. Ce n'était pas exactement le sostenuto brahmsien (même s'il n'est pas explicitement indiqué) que l'on a l'habitude d'entendre dans ce passage. Et on sentait que le chef avait choisi de retenir ses fauves dès que la partition suggérait le moindre emballement, appliquant presque systématiquement ralentissement et diminution de l'énergie sonore là où, instinctivement ou habituellement, on attend une accumulation d'énergie et un resserrement du temps. Comme s'il avait voulu gommer tout climax symphonique de cette partition et en faire presque une musique de chambre. Avouons que dans une telle œuvre c'est un pari quelque peu risqué, pour ne pas dire un contresens. Mais au moins l'entente pianiste chef était parfaite, tous deux allaient dans le même sens. Ce qui donna par moment la sensation d'entendre du Chopin plus que de Brahms. Déstabilisant ! Et doublement risqué, car cette optique interprétative nécessite, pour emporter l'auditeur avec elle, une grande intimité acoustique entre les instrumentistes et l'audience, or on sait que la Salle Pleyel est dans ce cas un handicap plutôt qu'un atout. Et ça n'a pas raté, ce qui a fini par générer par moment dans ce «très» long concerto un certain ennui. D'autant que même entre les mouvements, les contrastes étaient amoindris, surtout entre les deux premiers.

Et si le final Rondo Allegro non troppo apportait enfin une rupture par une introduction franchement Allegro vivace, cette soudaine recrue d'énergie ne fut pas maintenue jusqu'au bout, comme s'il fallait là encore absolument raboter les climax. Enfin, si l'orchestre s'est montré instrumentalement correct, avec de belles couleurs et une certaine transparence, le pianiste n'a pas totalement réussi les passages les plus complexes où la ligne musicale était momentanément et malheureusement perdue. Tout ceci aboutit finalement à une version frustrante de ce concerto, où les interprètes ne se sont pas vraiment sortis du double handicap qu'ils se sont eux même donné en voulant jouer intimiste une œuvre que ne l'est fondamentalement pas dans une salle qui l'est encore moins.

Moins d'intimisme dans l'exécution du poème symphonique Une vie de héros même si, là encore, la direction du chef, si elle ne niait plus les climax, les amoindrissait quand même un peu. Mais ce n'était pas là le problème de cette interprétation, qui, sans doute voulant être originale et apporter un éclairage personnel, nous a semblé manquer de cohérence, en particulier dans les tempi choisis. Avouons que nous avons eu un peu de mal à comprendre pourquoi tel épisode était vif et tel autre lent, sinon pour séparer et mieux baliser les épisodes successifs, même si cela devait sembler arbitraire. Le résultat fut une sensation de décousu qui, du coup, ne parvenait pas à donner une grande unité à cette œuvre riche et touffue, mais néanmoins parfaitement cohérente. Ainsi pouvait-on l'écouter sans déplaisir mais sans passion non plus. Et puis vint le bis, Prélude Acte III de Lohengrin, et immédiatement nous est venu à l'esprit la classique réflexion «Et bien voilà ! pourquoi n'ont ils pas joué comme ça depuis le début». Vivant, énergique, expressif, plus classique oui, mais ça marchait.

Crédit photographique : © Nina

(Visited 61 times, 1 visits today)

Plus de détails

Paris, Salle Pleyel. 24-III-09. Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano n°1 en ré mineur op. 15. Richard Strauss (1864-1949) : Une vie de héros op. 40. Nicholas Angelich, piano ; Orchestre Philharmonique de Strasbourg, direction : Marc Albrecht.

Mots-clefs de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.