Variations déviées ou déviantes ?

Comment réussir un objet sonore non identifié ? Pour cela, prenez un monument du répertoire (les Variations Goldberg BWV988), cinq compositeurs d'horizons, de pays et de générations différents et un ensemble instrumental rompu à tous les styles. Le résultat est surprenant : les extraits des Goldberg alternent clavecin (Aria, Aria da capo, Quodlibet), quatuor à cordes (canons) et piano (finale). Entre chaque partie sont insérées des compositions contemporaines, de styles divers, pour ensembles instrumentaux hétéroclites : improvisations (Garth Knox), néoclassique (Ton de Kruyf), spectral (Brice Pauset), jazz (Bernard Struber) ou inclassable (Marcel Reuter). Chaque variation de Bach a été enlevée au profit de ces nouvelles œuvres, à la fois entités indépendantes et pièces d'un tout. Les morceaux s'enchaînent ainsi avec naturel, confrontant les langages et les style de jeu en faisant un grand écart de 260 ans d'une plage de CD à une autre.

Ce genre d'exercice est monnaie courante depuis des lustres. Ces derniers temps, Bach semble avoir la préférence. L'interprétation de l'United Ensemble of Lucilin, ensemble de musique contemporaine qui joue du baroque avec l'acquis porté depuis ces dernières décennies, n'appelle aucun reproche. L'ensemble s'écoute aisément, les surprises sont agréables, le projet est intelligemment ficelé, mais ne concernera guère qu'une poignée d'auditeurs aventuriers.