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Grigory Sokolov, un extraterrestre

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Dijon, Auditorium, 29-I-2009. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate pour piano n° 2 en la majeur op. 2 n°2 ; Sonate pour piano n° 13 en mi bémol majeur « Quasi una fantasia » op. 27 n°2. Franz Schubert (1797-1828) : Sonate pour piano en ré majeur op. 53 D. 850. Grigory Sokolov, piano.

Après avoir assisté à un récital de , on comprend aisément que celui-ci ait ses groupies qui guettent fiévreusement ses moindres concerts. Il est difficile de brosser meilleur panégyrique de ce pianiste d'exception après l'article écrit suite à la soirée dijonnaise mémorable du 2 décembre 2004. Il est vrai aussi que le physique du pianiste russe, sa tenue vestimentaire, sa froideur affectée en font déjà un être surprenant pour nous, qui sommes habitués aux conventions de la communication : il y a chez cet homme comme une mécanique inexorable et cela rappelle la façon dont Hitchcock traverse le champ de la caméra dans ses films, comme s'il n'était que de passage, mais comme si, en même temps, il y apposait sa signature.

L'interprétation des deux sonates de Beethoven permet de mesurer l'évolution du style du musicien entre 1795 et 1801. sait mettre en valeur la fraîcheur de la première œuvre, écrite dans un style charmant et limpide, mais finalement assez conventionnel. Le sens du phrasé du pianiste se manifeste jusque dans les moindres détails : phraser un accompagnement pour mettre en valeur la variation du thème dans le second mouvement, il faut le faire !

La treizième sonate est beaucoup plus intéressante, et son écriture est plus épaisse et plus typique du style personnel de Beethoven : l'aspect «phantasiert» (improvisé) de cette œuvre nous plonge en plein romantisme. Les talents d'improvisateur qui firent en partie sa réputation à Vienne sont habilement suggérés : le pianiste russe sait faire attendre le retour d'un thème et il sait passer sans transition d'un sentiment de révolte à celui de la douceur ; sa grande connaissance de la partition lui permet de mettre en valeur les modulations grâce à un toucher sensible ou vigoureux qui met en valeur les diverses émotions. Il retrouve aussi le jeu percussif du compositeur lui-même quand il attaque avec force la fugue du troisième mouvement.

La sonate de Schubert nous est présentée comme une œuvre joyeuse et d'une fraîche naïveté. On y retrouve les accents juvéniles du début de La Belle Meunière, un côté populaire avec des harmonies «en cor de chasse», de délicates nostalgies et quelque chose d'enfantin qui se manifeste dans les redites des tournures mélodiques ; parfois même de fausses maladresses apparaissent, comme dans la forme du Rondo conclusif. L'interprète a réussi à surmonter une difficulté majeure : en effet les mouvements très développés de cette sonate sont tous bâtis sur leur propre figure rythmique et sur des cellules mélodiques brèves. sait se servir d'une gamme de nuances recherchées et mettre en valeur par son toucher sensible la palette de modulations étonnantes parcourue par Schubert ; ainsi au cours du mouvement chaque thème s'enrichit d'un petit quelque chose de plus que l'on n'aurait pas soupçonné.

C'est donc du grand art que de faire découvrir deux musiciens contemporains en employant pour chacun une technique différente. Les artistes russes ne sont jamais avares de leurs bis : six pièces supplémentaires choisies d'une manière éclectique récompensent le public des ses acclamations. Cela finit par devenir un jeu : les paris sont ouverts, va-t-il nous enchanter de nouveau, ce pianiste débarqué d'une autre planète ?

Crédit photographique : © DR

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Dijon, Auditorium, 29-I-2009. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate pour piano n° 2 en la majeur op. 2 n°2 ; Sonate pour piano n° 13 en mi bémol majeur « Quasi una fantasia » op. 27 n°2. Franz Schubert (1797-1828) : Sonate pour piano en ré majeur op. 53 D. 850. Grigory Sokolov, piano.

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