Des Américains à Pyongyang

La musique adoucit les mœurs, dit-on ! Banalité affligeante ou réalité encourageante ? En tout cas le documentaire intitulé «Des Américains à Pyongyang» incite plutôt à l'optimisme. Pour la première fois de son histoire le New York Philharmonic se rend en Corée du Nord, pays presque totalement isolé.

Le public asiatique passe lentement et très progressivement de l'hostilité muette et polie à un enthousiasme presque naïf et sincère. Le documentaire et le concert lui-même rendent compte de cette métamorphose tout à l'honneur du genre humain quand elle s'avère spontanée et apolitique. Que dire du concert lui-même, dirigé par Lorin Maazel, prochainement octogénaire et toujours superbe et maître de ses immenses capacités de chef d'orchestre de renommée mondiale.

Si le Prélude de l'acte III de Lohengrin de Wagner nous a paru un peu lointain et insuffisamment habité, la Symphonie n° 9 dite «du Nouveau Monde» a bénéficié d'une interprétation chaleureuse, enthousiaste mais d'un niveau artistique étonnamment à la limite inférieure de ce que l'on est en droit d'attendre de la part de cette phalange prestigieuse. Les Etats-Unis se devaient de faire entendre (et sans doute également découvrir) deux compositeurs nationaux de la trempe d'un George Gershwin (avec Un Américain à Paris de grande tenue, jubilatoire et entraînant) et de Léonard Bernstein (dont l'ouverture de Candide, vive et chaleureuse, s'est déroulée sans le chef qui proposa au public de s'imaginer les fameuses gesticulations du compositeur et chef que fut longtemps Bernstein jadis à la tête de ce même orchestre). Le public apprécia avec de plus en plus de chaleur, laquelle atteignit son apogée avec l'exécution de Arirang, un air traditionnel cher au cœur des coréens, dans un arrangement très sensuel de Sung-Huan Choi. Ce concert du 26 février 2008 s'acheva avec une évidente communauté de sentiments partagés. Ce commencement fut à lui seul un événement.