Henning Kraggerud joue Ysaÿe

Ce jeune violoniste norvégien est habité. Pour preuve, cet enregistrement des sonates d'Eugène Ysaÿe qui ne manque ni de tempérament, ni d'imagination. Ce n'est pas un hasard s'il joue avec Martha Argerich, Leif Ove Andsnes ou Truls Mørk.

Il s'est fait sien le langage de tous ces mondes que les sonates traversent : l'indignation volcanique, la terreur souterraine, l'émerveillement ou la confiance angélique, … A tout effet technique, il donne une portée expressive. Rien n'est laissé au hasard mais tout respire la liberté. Finalement, mentionner une virtuosité irréprochable serait presque superflu si elle n'apportait ce bouillonnement de vie qui en repousse les limites. Une virtuosité olympienne, sauvage mais élégante, qui éclaire les passages les plus fouillés. Avec ses sonorités stellaires, sa pâte voluptueuse ou enfiévrée, il atteint la candeur comme le dramatisme les plus extrêmes. Car cohabitent chez cet artiste ces éléments complémentaires que sont le feu et l'air. Ils s'attisent, se jouent l'un de l'autre et se savourent.

L'intimité de la prise de son fait prendre toute la mesure du legatissimo soutenu jusqu'à la lie (même dans les accords), entendre le grain des pianissimi sul tasto, l'imminence du silence, bref, un jeu qui vient des tripes. Le livret est de la main- même du violoniste. Erudit, clair, ponctué d'extraits et d'anecdotes parlantes, quand Henning Kraggerud se donne, ce n'est pas à moitié. Une lecture enflammée et magistrale qui ne peut laisser indifférent.