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Les Contes d’Hoffmann, le copier/coller d’Olivier Py

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Genève, Grand-Théâtre. 19-X-2008. Jacques Offenbach (1819-1880) : Les Contes d’Hoffmann, opéra fantastique en 5 actes sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré. Mise en scène et lumières : Olivier Py. Décors et costumes : Pierre-André Weitz. Avec : Marc Laho, Hoffmann ; Patricia Petibon, Olympia ; Stella Doufexis, la Muse / Nicklausse ; Maria Riccarda Wesseling, Giulietta ; Rachel Harnisch, Antonia ; Nicolas Cavallier, Lindorf, Coppelius, Dr Miracle, Capitaine Dapertutto ; Nadine Denize, la voix de la mère d’Antonia ; Eric Huchet, Frantz, Cochenille, Andrès, Pittichinaccio ; René Schirrer, Luther ; Gilles Cachemaille, Crespel ; Bernard Deletré, Schlemil ; Romaric Braun, Hermann ; Francisco Vas, Spalanzani ; Bisser Terziyski, Nathanaël ; Delphine Beaulieu, Stella. Chœur du Grand Théâtre (chef de chœur : Ching-Lien Wu), Orchestre de la Suisse Romande, direction : Patrick Davin

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Après Der Freischütz et La Damnation de Faust, Les Contes d'Hoffmann d'Offenbach ferment le dernier volet du cycle de La Trilogie du Diable conçue par pour le Grand Théâtre de Genève.

À l'heure du bilan de cette confrontation des trois œuvres au programme, apporte la confirmation que d'une mise en scène à l'autre, il opère un subtil copier/coller de son univers scénique et symbolique. Même noirceur, mêmes panneaux de bois peint en noir, mêmes costumes noirs ou blancs, mêmes nus, mêmes mouvements incessants de décors. Seule la musique change. Alors qu'on s'attend à ce qu'un metteur en scène serve les œuvres, se sert des compositeurs pour montrer sinon son propre univers, du moins sa conception d'un spectacle. À parier qu'il réussirait à mettre ces mêmes éléments dans un Barbiere di Siviglia, un Cosi fan Tutte ou un Ritorno d'Ulisse in Patria !

Il faut cependant lui reconnaître une grande habileté à monter des spectacles où l'aspect visuel reste très prenant. Au point de faire oublier la musique, voir l'intrigue à raconter. Ainsi, dans ses Contes d'Hoffmann, bien difficile de comprendre la trame de l'opéra pour qui n'a pas le regard presque constamment fixé sur les surtitres. Ses personnages entrent et sortent de scène par une porte percée dans le décor, montent ou descendent des escaliers qui, sans raison apparente, se désolidarisent de leurs maisons pour y être soudain ressoudés. Puis ce sont les éléments d'un édifice qui ne cessent de se séparer et de se rejoindre en tournant sempiternellement sur eux-mêmes. Projetés sur leurs murs polis, les éclairages aveuglent le public. Ce doit être branché d'éclairer violemment la salle plutôt que la scène. Pour faire disparaître les acteurs de la vue des spectateurs, pas de doute, c'est réussi ! Aussi, l'admirable romance d'Antonia «Ah, elle a fui la tourterelle» chantée devant une lampe d'une blancheur étincelante (alors qu'éclatante aurait fait l'affaire) ne permet que d'entendre la protagoniste sans pouvoir en apprécier sa présence. Belle démonstration du peu de cas qu'Olivier Py fait de ses acteurs. Ne sont-ils donc qu'un autre élément du décor et de la symbolique qu'il tente d'exprimer ? Tiens ! un cheval scellé d'un catafalque où brillent des bougies traverse la scène. Quelques satyres cornus réveillent Hoffmann alors que des créatures sorties d'un Crazy Horse local se pavanent sur le devant de scène. À n'y rien comprendre.

Reste la musique. Et ce soir, l' n'est pas à la fête. semble ne pas avoir la main sur la fosse et le plateau. Désordonnée, sa direction d'orchestre révèle d'innombrables décalages souvent rattrapés par on ne sait trop quel miracle. Probablement parce que le plateau des chanteurs est de qualité. Si (Hoffmann) abat un imposant travail de présence vocale, et se comporte en véritable athlète du chant pour assurer sa partie jusqu'au bout des près de quatre heures de spectacle, les quelques tirades à voix tendue le porte parfois à la limite de la justesse. De son côté, la mezzo (la Muse, Nicklausse) chante avec beaucoup d'application. Son métier aguerri devrait cependant lui donner le courage de se laisser emporter par son personnage. Nue (plutôt vêtue d'un collant singeant la nudité), (Olympia) déchaîne les premiers applaudissements sincères dans son air d'Olympia. Totalement décontractée, sa prestation de la poupée mécanique apporte une bouffée d'air frais dans l'oppressante noirceur du décor. Dans les quatre rôles du Vilain, (Lindorf, Coppelius, Dr Miracle, Capitaine Dapertutto) est des plus convaincants. Quatre ans ont passé depuis sa prise des rôles à Marseille et son interprétation genevoise montre la solide étoffe de son instrument qui n'a plus guère besoin d'une théâtralité débridée pour habiter ses personnages. Avec sa remarquable diction, le chant français trouve en une valeur sûre. Si la prestation de (Giulietta) déçoit quelque peu, peut-être que cette relative contre performance est-elle à attribuer au malaise qu'elle laisse paraître dans un déshabillé de l'Ange Bleu qu'elle peine à endosser. Hormis l'excellente prestation de la soprano Patricia Petitbon, celle de (Antonia) est à relever puisque la soprano suisse apporte sans contredit les moments les plus émouvants de cette soirée. Avec une voix dont la puissance s'est considérablement raffermie, un phrasé d'une rare beauté, elle donne l'entière mesure de ses capacités artistiques. On en redemande.

En résumé, on se souvient des mots de Leonard Bernstein qui en préambule d'un concert avec le pianiste Glenn Gould posait la question de savoir qui était le patron, le chef ou le soliste. Parallèlement, la Trilogie du Diable selon Olivier Py soulève une interrogation similaire : Qui est le maître ? Le compositeur ou le metteur en scène ?

Crédit photographique : (Antonia) et Gilles Cachemaille (Crespel) © GTG/Isabelle Meister

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