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Paris. Salle Pleyel. 11-VI-2008. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Partita n°2 en ut mineur BWV 826 ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°32 en ut mineur Op. 111 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Klavierstücke Op. 119 ; Karol Szymanowski (1882-1937) : Variations sur un thème polonais op. 10. Krystian Zimerman : piano.
Si le couplage Bach, Beethoven, Brahms est finalement assez classique dans les concerts de piano, l’ajout d’une œuvre de Szymanowski est plus rare. On y verra évidemment la touche personnelle apportée par Kristian Zimerman, pianiste polonais honorant ainsi un compositeur compatriote. Données dans l’ordre chronologique, on aurait pu imaginer entendre quatre styles différents adaptés à chaque période, presque à chaque siècle, montrant ainsi l’évolution de l’écriture pianistique en près de deux cent ans. Mais cela n’a pas été vraiment le cas, le style choisi par Zimerman étant sans doute dicté par une vision personnelle et unificatrice, réduisant assez considérablement les différences entre les œuvres, mettant nettement plus en évidence ce qui pouvait les unir.
Ainsi donc le Bach n’était ni un clavecin revu et corrigé ancré dans le XVIIIe siècle, ni une mécanique de précision gouldienne, ni du piano romantique. Les tempi rapides choisis par le pianiste ne favorisaient pas toujours le suivi de la ligne musicale qui ici ou là se perdait momentanément. Quant à la clarté du contrepoint, elle n’était pas non plus sa première préoccupation. Les plus réussis étaient les mouvements lents, où la profondeur du discours allié à l’absence de toute lourdeur nous enchantait. Le final, un peu trop droit et abrupt à notre sens, a ainsi manqué de progression.
Mettre la Sonate n°32 de Beethoven en seconde position est toujours délicat, car lorsque l’interprétation est réussie, on se demande bien ce qu’on peut jouer après ce morceau tellement génial et éternellement moderne, qu’il génère ainsi presque toujours une baisse d’intensité pour tout ce qui suit. Ce qui n’a pas été ce soir, oserons nous dire « malheureusement ». Car, comme dans son Bach précédent où Zimerman lui refusait en quelque sorte son caractère typiquement Bach, il revisitait Beethoven en usant d’une dynamique moins fulgurante, en adoucissant les contrastes entre les différentes sections, en refusant le caractère fugué des fugato, comme celui du rythme syncopé swinguant au cœur de l’Arietta qui, par ailleurs et comme le Capriccio de la Partita manquait un peu de progression. Attention cela restait du magnifique piano, mais dans une vision originale assez personnelle qui pouvait laisser sur sa faim, ou au moins ne pas emporter notre adhésion totale au premier coup d’oreille. Inconvénient du concert sur le disque, on ne peut pas corriger la sensation immédiate par une réécoute approfondie.
Après l’entracte vint un Brahms à l’évidence pensé et réfléchi dans ses moindres recoins au point de manquer un peu de spontanéité, mais pas de vigueur dans le tempo, faisant que ces quatre pièces pour piano nous ont semblé un peu vite expédiées. Néanmoins les couleurs du piano étaient magnifiques, tirant ici où là vers Debussy, là encore surprenant au premier abord, mais pas tant si on pense aux belles réussites passées de Zimerman dans ce répertoire. Finalement c’est dans les Variations de Szymanowski que notre pianiste s’est montré le plus convaincant, jouant d’ailleurs d’une dynamique plus étendue qu’il s’était gardé d’utiliser jusque là, caractérisant bien les différentes variations en préservant une progression logique et perceptible jusqu’à la fin, produisant un son toujours beau mais emplissant enfin bien mieux le vaste volume de Pleyel.
On savait Kristian Zimerman musicien accompli, intelligent, réfléchissant profondément à sa façon de jouer, produisant ainsi des interprétations intéressantes et personnelles plus que spontanées et éruptives. C’est exactement ce qu’on a entendu ce soir, même s’il déclare lui même à propos de l’évolution de sa propre interprétation de Beethoven «l’interprétation calculée avait cédé la place à un Allow it to happen qui se révéla être la formule longtemps recherchée ». Certes, mais pas encore si perceptible que ça.
Crédit photographique © DR
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Paris. Salle Pleyel. 11-VI-2008. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Partita n°2 en ut mineur BWV 826 ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°32 en ut mineur Op. 111 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Klavierstücke Op. 119 ; Karol Szymanowski (1882-1937) : Variations sur un thème polonais op. 10. Krystian Zimerman : piano.