Plus de détails
Paris. Opéra Bastille. 28-V-2008. Vincenzo Bellini (1801-1835) : I Capuleti e i Montecchi, opéra en deux actes sur un livret de Felice Romani. Mise en scène : Robert Carsen ; décors et costumes : Michael Levine ; lumières : Davy Cunningham. Avec : Giovanni Battista Parodi, Capellio ; Anna Netrebko, Giulietta ; Joyce DiDonato, Romeo ; Matthew Polenzani, Tebaldo ; Mikhail Petrenko, Lorenzo. Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris, direction : Evelino Pidò.
Toujours là où on ne l'attend pas, Gerard Mortier a surpris son monde en programmant un spectacle aux antipodes de ce qu'il présente habituellement à son public durant ses mandats. Pour Les Capulets et les Montaigus, la première scène lyrique française réunit une affiche digne du Metropolitan Opera de New-York ou du Staatsoper de Vienne, c'est-à-dire des chanteurs médiatisés et place au glamour !
L'événement était de taille, pas tant parce que l'œuvre est rarement donné à l'Opéra de Paris que parce que la production conjuguait les débuts très attendus de la soprano Anna Netrebko sur la scène de l'Opéra national de Paris et le retour sur cette même scène d'artistes connus et appréciés du public parisien : une grande mezzo souvent applaudie à l'ONP ; un ténor très remarqué la saison passée en Edgardo pour les Lucia bastillaises de Natalie Dessay ; un metteur en scène à qui l'on doit d'incontestables réussites ; le tout sous le baguette de Monsieur bel canto, Evelino Pidò.
La prestation d'Anna Netrebko, nouvelle star de l'art lyrique dont les partisans louent aussi fort les extraordinaires qualités que les détracteurs rejettent un produit marketing, était donc très attendue. La soprano n'a pas déçu, révélant une voix très puissante et souple, une vraie pâte vocale d'une grande richesse et un timbre séduisant. En bref une grande voix de soprano lyrique qui ne s'interdit pas le suraigu. Soit quelque chose d'à peu près idéal dans ce répertoire puisque l'on conserve l'aigu tout en évitant les instruments trop légers qui y sont souvent distribués. Le public lui pardonne sans peine quelques aigus peu maîtrisés et une émission parfois étrange, au vu de la situation (la cantatrice est enceinte de cinq mois). C'est « l'autre Juliette » qu'incarne Netrebko, familière de l'héroïne de Gounod.
Peut-être plus admirable encore que la vedette du jour, Joyce DiDonato est un Romeo remarquable. Tout au long de la représentation, la mezzo ne cesse d'impressionner par sa musicalité, son sens de la nuance, sa ligne de chant irréprochable qui s'appuie sur une voix longue et homogène. On a peine à croire que cette incarnation très aboutie d'un héros juvénile et idéaliste, profondément touchant et vocalement somptueux, soit une prise de rôle pour Joyce DiDonato !
Chez Bellini, les deux rôles principaux confiés à deux voix féminines différentes, selon les canons de l'époque, isolent les deux héros innocents du reste du plateau entièrement masculin (père, rival, médecin et chœurs), tout en en différentiant le genre (soprano pour Giulietta, mezzo travesti pour Romeo). Mais de même que lors de la création parisienne au Théâtre-Italien, un glissement se produisit – on reprocha aux sœurs Grisi qui interprétaient les amoureux de Vérone d'avoir des timbres trop semblables –, à l'Opéra Bastille s'opère un autre glissement, le timbre d'Anna Netrebko étant plus sombre et capiteux que le mezzo clair de Joyce DiDonato, ce qui n'a toutefois entamé en rien notre plaisir !
Tebaldo de prestance, Matthew Polenzani ne séduit pas immédiatement, mais lorsqu'il trouve ses aises (après son air d'entrée), c'est pour ne plus cesser d'être parfait. Il sauve ainsi l'honneur des hommes de la distribution, où un passable Lorenzo côtoie un fruste Capellio.
Mettre en scène ces Montaigus belcantistes était une gageure, tant l'ouvrage semble parfois statique. L'homme de métier qu'est Robert Carsen sauve les meubles, avec quelque chose comme une mise en espace, respectueuse de l'œuvre mais peu inventive. La scénographie joue surtout sur les couleurs, le rouge et le noir opposant les deux familles. C'est surtout la belle mise en lumière de Davy Cunningham qui soutient les changements de décor, plus que les grands panneaux rouges assez uniformes qui servent de décor. Mais on venait applaudir un grand moment de bel canto et le flacon importait peu ! La soirée est une très belle soirée lyrique également grâce à l'orchestre de l'ONP, qui répand sous les pieds d'Anna Netrebko et de Joyce DiDonato un tapis gracieux, répondant de façon ductile à la direction peu sensible mais efficace d'Evelino Pidò.
Crédit photographique : Anna Netrebko (Giulietta) & Giovanni Battista Parodi (Capellio) – Anna Netrebko (Giulietta) & Joyce DiDonato (Romeo) © C. Leiber / Opéra National de Paris
Plus de détails
Paris. Opéra Bastille. 28-V-2008. Vincenzo Bellini (1801-1835) : I Capuleti e i Montecchi, opéra en deux actes sur un livret de Felice Romani. Mise en scène : Robert Carsen ; décors et costumes : Michael Levine ; lumières : Davy Cunningham. Avec : Giovanni Battista Parodi, Capellio ; Anna Netrebko, Giulietta ; Joyce DiDonato, Romeo ; Matthew Polenzani, Tebaldo ; Mikhail Petrenko, Lorenzo. Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris, direction : Evelino Pidò.