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Bruxelles. Palais des Beaux-Arts. 6 et 7-V-2008. Béla Bartók (1881-1945) : concerto pour deux piano et orchestre, BB 121 ; le château de Barbe Bleue, Op. 11, BB. 62 ; Pierre Boulez (né en 1925) : Notations n°I, n°VII, n°IV, n°III et n°II ; Matthias Pintscher (né en 1971) : Osiris ; Arnold Schœnberg (1874-1951) : 5 Orchesterstücke, Op. 16 ; Die Glückliche Hand, Op. 18 ; Igor Stravinsky (1882-1971) : le chant du rossignol, poème symphonique. Pierre-Laurent Aimard, Tamara Stefanovitch, piano ; Michelle DeYoung, mezzo-soprano ; Peter Fried, basse ; BBC Singers, London Symphony Orchestra, direction : Pierre Boulez
London Symphony Orchestra
Après un concert Berg/Mozart avec son ensemble intercontemporain, Pierre Boulez clôt sa résidence au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles par deux concerts exigeants et prestigieux avec le London Symphony Orchestra. Les deux généreux programmes étaient, comme toujours avec Boulez, excellemment conçus avec la mise en perspective de deux pièces presque contemporaines de Schœnberg, deux partitions de Bartók et des œuvres contemporaines : une pièce du maître et une autre du jeune Mathias Pintscher. La perfection orchestrale du LSO a été maintes fois présentée dans ces colonnes et l'entente avec le sage de Montbrison qui les conduit depuis des dizaines d'années, est superlative. La complicité et le plaisir de travailler ensembles sont tels que le vieux chef accepte, chose rarissime, de donner en bis sa Notation n°2.
Fidèle partenaire de Boulez depuis ses années à l'EIC, Pierre-Laurent Aimard s'installait au clavier, en compagnie de sa collègue Tamara Stefanovitch pour interpréter le rare concerto pour deux pianos et orchestre de Bartók qui n'est autre que la version orchestrale de la fameuse sonate pour deux pianos et percussions. Il est peu dire que cette pièce n'est pas du tout meilleur Bartók ! L'interprétation donnée est techniquement ciselée, mais on aurait aimé un petit peu plus d'âme pour dépasser l'excellence instrumentale. Retour à Bartók pour le concert du lendemain avec son unique opus lyrique. La barre était placée très haut, puisque Boulez et le BBC Symphony orchestra avaient livré un concert mémorable dans cette même œuvre et dans cette même salle au début des années 2000. Auteur de deux enregistrements importants de la pièce, Boulez fait briller un LSO magnifique d'ampleur et de cohésion. Cependant, le chef et les musiciens butent sur deux solistes banaux : l'imposante mais impersonnelle Michelle DeYoung et le très terne Peter Fried.
Pierre Boulez connaît son Schœnberg sur le bout des doigts et lance le LSO à l'assaut de deux monuments : les 5 pièces pour orchestre et le bref opéra Die Glückliche Hand. La machine LSO fait rutiler les pièces pour orchestre, mais on préfère penser à l'interprétation de Boulez avec les Berliner Philharmoniker donnée à Aix-en-Provence l'été dernier. Certes, instrumentalement c'est irréprochable et musicalement volcanique. Pourtant, les musiciens allemands allaient plus loin dans la décantation mystique de ce chef d'œuvre. Rien à redire par contre de l'interprétation de Die Glückliche Hand portée par un Boulez qui simplifie et unifie ce langage si caractéristique des incroyables audaces de son auteur.
Bercé par les attentions de grands orchestres et interprètes, l'Allemand Mathias Pintscher ne cesse pourtant de décevoir ! Après le vide sidéral de ses 5 Orchesterstücke, le compositeur récidive avec ce consternant Osiris dédié à maître Pierre. Absence d'idées, effets téléphonés, orchestration hasardeuse et répétitive (ah, ces traits de trompettes !) semblent les seules structures de cette musique au mètre. Sorte de « tube » de leur auteur, les Notations possèdent la force dynamique du meilleur Stravinsky ou Varèse. C'est donc avec une grande conviction doublée d'un enthousiasme débridé que Boulez lance ses musiciens dans cette pièce pour très grand orchestre et porte sa musique vers le triomphe.
Pour conclure et afin de rendre, encore une fois grâce, au LSO de son niveau magistral, il faut saluer la prestation des vents et des cuivres dans une interprétation cataclysmique du Chant du Rossignol où le chef se plaisait à faire ressortir à l'infini les moindres nuances tel un joaillier taillant un diamant brut.
En trois concerts ce cycle Pierre Boulez est l'une des plus grandes réussites artistiques de la saison du Palais des Beaux-Arts. Le public présent en masse, répond systématiquement présent pour acclamer l'une de ses idoles. La rubrique goujaterie du jour, était tristement alimentée par un spectateur borné qui ne devait pas comprendre l'annonce trilingue demandant au public de désactiver les téléphones cellulaires. Bien évidement, son engin se manifesta bruyamment dès les premières notes du concerto pour deux piano de Bartók obligeant un Boulez assez courroucé à reprendre la partition du début !
Crédit photographique : Clive Barda © DGG
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Bruxelles. Palais des Beaux-Arts. 6 et 7-V-2008. Béla Bartók (1881-1945) : concerto pour deux piano et orchestre, BB 121 ; le château de Barbe Bleue, Op. 11, BB. 62 ; Pierre Boulez (né en 1925) : Notations n°I, n°VII, n°IV, n°III et n°II ; Matthias Pintscher (né en 1971) : Osiris ; Arnold Schœnberg (1874-1951) : 5 Orchesterstücke, Op. 16 ; Die Glückliche Hand, Op. 18 ; Igor Stravinsky (1882-1971) : le chant du rossignol, poème symphonique. Pierre-Laurent Aimard, Tamara Stefanovitch, piano ; Michelle DeYoung, mezzo-soprano ; Peter Fried, basse ; BBC Singers, London Symphony Orchestra, direction : Pierre Boulez