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Paradoxal concert illuminé par le violon de Gidon Kremer

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Paris. Salle Pleyel. 18-IV-2008. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Roméo et Juliette, ouverture ; Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Concerto pour violon n°2 ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie n°6 en fa majeur « Pastorale » op. 68. Gidon Kremer, violon. Orchestre National de Russie, direction : Mikhaïl Pletnev

Tour à tour pianiste et chef d'orchestre, c'est ce soir en sa qualité de chef, qui plus est fondateur de l', que était l'hôte de la salle Pleyel où il partageait l'affiche avec le toujours très attendu Gidon Kermer.

Programme mi-russe mi-allemand, à l'exécution finalement assez paradoxale, très sagement classique dans Tchaïkovski et Chostakovitch, et plus engagée et personnelle dans Beethoven. On pouvait en effet s'attendre, venant de la part d'interprètes russes, à plus d'exubérance et de romantisme dans Roméo et Juliette, dont la version de ce soir, bien en place, jouée avec une belle harmonie et une précision sans défaut par un très bon orchestre au quatuor ne manquant pas de puissance, ne semblait jamais vouloir s'emballer, et nous soulever de notre siège. Néanmoins les différents épisodes étaient fort bien caractérisés, la lecture était intelligente, il manquait juste un peu de flamme pour emporter complètement l'adhésion.

Le Concerto pour violon n°2 de Chostakovitch créé en 1967 par David Oïstrakh et Kiril Kondrachine est assez rarement joué et constituait sans doute le principal intérêt de ce concert, d'autant que en assurait la partie soliste. Autant les créateurs avaient alors joué la carte de l'animation et des contrastes, autant les deux interprètes de ce soir ont joué celle de l'homogénéité et de la profondeur, sinon de l'austérité, usant de tempi retenus, de phrasés amples et d'une sonorité sans agressivité. Cela nous a donné une interprétation peu démonstrative, sans doute moins apte à accrocher l'attention du néophyte que la version plus brillante des créateurs, mais qui faisait l'effort de concentration nécessaire était récompensé par cette lecture intelligente, émouvante, au dialogue soliste orchestre parfaitement équilibré. Bien sûr la prestation de y était, dans cette optique, absolument admirable. On aurait peut être aimé un tout petit plus de contraste entre le Moderato initial et l'Adagio central, tous deux très sombres et désolés, mais comme parfois chez Chostakovitch, l'optimisme arrive dans le final, ce qu'ont fort bien réussi les interprètes. Comme dans le Roméo l'orchestre s'est montré excellent, rigoureux, sans cette sonorité rauque voire acide qui caractérisait bien des orchestres russes d'autrefois (il faut dire que le National de Russie n'a été fondé qu'en 1990, ceci expliquant sans doute en partie cela). Il y a sans doute d'autres façons de jouer ce concerto, mais celle choisie ce soir était fort bien défendue par les interprètes.

Malheureusement on en dira pas autant de la Symphonie « Pastorale », certes très « personnelle » de Pletnev, qui avait entièrement perdu la sobriété qui faisait le prix de la première partie du concert. Il faut dire que la « Pastorale » est sans doute, dans ses deux premiers mouvements, la symphonie de Beethoven qui a donné le plus de différences entre les interprétations, de lent à speedé, de métronomique à souple, de décoratif à profond, de léger à pesant etc … Preuve que, dans sa simplicité apparente, son premier mouvement, en particulier, est un des plus difficile à interpréter. Mais l'essentiel dans le choix interprétatif n'est il pas d'abord d'en faire un, de s'y tenir, et qu'il soit cohérent. Et c'est là que le bas blesse, car dès les premières mesures, la logique musicale a volé en éclat. Pletnev a en effet joué la première citation du thème (aux violons) très retenue, voire staccato là où est indiqué legato, mais, sans doute voulant faire sien la célèbre maxime des non moins célèbres Monthy Python « and now something completly different », a aussitôt enchaîné sur un tempo ultra rapide sans rapport avec ce qui précède. En huit mesures on venait d'entendre deux œuvres différentes. On ne nous enlèvera pas de l'idée, qu'il ne faut jamais faire une chose pareille.

Néanmoins, c'était fait ! Nous voilà donc embarqués dans un tempo rapide transformant « l'éveil d'impression joyeuse » en un « réveil en sursaut » qui peut présenter l'avantage d'être une solution aux problèmes des répétitions (tout le mouvement est basé sur de petites cellules mélodiques répétées immédiatement plusieurs fois), mais qui en contrepartie gommera une partie de la progression dramatique, amenuisera l'effet magique de la géniale orchestration beethovénienne, et au final effacera l'émotion pure. C'est exactement ce qui s'est passé ce soir et tout du long de la symphonie. Sans compter que Pletnev ne s'est jamais tenu à un tempo de base, mais a coupé plus d'une fois l'élan avec des ralentissements exagérés, des alanguissements incongrus, des sonorités hors propos (comme tel appel de cor nous plongeant dans Siegfried, ailleurs on se serait cru dans Mahler). Bref, le chef nous a semblé avoir oublié une des règles de base de l'interprétation beethovénienne : la simplicité. Etre original et personnel c'est bien, mais cette fois le résultat était plus que contrariant, parfois désespérant. Dommage.

Crédit photographique : © Sasha Guzov EMC Records

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