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Paris. Bibliothèque Nationale de France. III-IV-2008. Paris 1553 : lyres et délires. Véronique Bourin, soprano ; Philippe Vallepin, comédien ; Pascal Boquet, luth et guitare Renaissance ; Evelyne Moser, vièle à archet et lira da braccio. Ensemble Doulce Mémoire. Direction : Denis Raisin Dadre.

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Doulce Mémoire

Ce concert a eu lieu dans le cadre du colloque Paris, 1553 : audaces et innovations poétiques, organisé à la B. N. F et à l'Université de Paris VII par le Professeur Jean Vignes (Paris VII) et Olivier Halevy (Grenoble III). Félicitons très vivement ces responsables qui, dans un colloque littéraire, ont voulu introduire une réflexion sur la mise en musique des textes poétiques, de Ronsard notamment, avec un concert illustrant le propos. L'excellent qui allie, comme l'on sait, curiosité intellectuelle et exigence musicale, a conçu un programme centré sur l'année 1553, disons plus exactement, les années 1552-1553. Concert-atelier, pour reprendre l'expression de son directeur artistique , riche d'enseignements issus de la confrontation de plusieurs interprétations de textes d'abord déclamés puis chantés avec l'accompagnement d'instruments différents. On entendit notamment l'ode célébrissime Mignonne, allons voir si la rose (Amours de 1553), que Véronique Bourin, à la diction sobre et claire, récita avec une prononiation resttituée, puis chanta avec un accompagnement au luth puis à la lira da braccio, dans l'une des six versions musicales de ce poème, celle du recueil de Chardavoine datant de 1576, appartenant donc à la deuxième grande période de la mise en musique des œuvres de Ronsard. L'expérience fut renouvelée avec d'autre textes, dont l'ode à Michel de l'Hospital mise en musique par Claude Gopudimel pour le Supplément musical aux Amours 1552, ou encore Quand ce beau printemps je voys, j'apperçoy mis en musique par Nicolas de la Grotte, toujours en 1576.

La lira da Braccio, l'instrument favori de Léonard de Vinci, qui, avec ses sept cordes correspondant aux sept planètes, symbolise le rapport harmonieux du microcosme et du macrocosme, était particulièrement appréciée par Ronsard. Sous les doigts d'Evelyne Moser, elle soutenait le chant avec une voix intérieure, secrète et envoûtante.

La grande préoccupation de Ronsard était d'obtenir que l'appréhension de la poésie ne se fasse pas à travers une lecture oculaire et muette mais à travers la transmission vocale, parlée ou chantée. Et le poète souhaitait si ardemment le retour de l'union de la poésie et de la musique telle qu'elle se pratiquait dans l'Antiquité et durant l'époque médiévale, qu'il mit tout son soin, toute son ingéniosité, à composer ses premiers livres d'Odes et Les Amours de 1552 de telle sorte que ces poèmes puissent être chantés. Il s'imposa, pour cela, l'alternance des rimes masculines et féminines et fit en sorte que l'ensemble des sonnets des Amours ne comporte que quatre schémas de rimes différents. Ainsi, une même musique pouvait convenir à tous les poèmes ayant un schéma identique de rimes. L'événement majeur de l'année 1552 fut la parution du recueil de ces Amours de 1552 ( Amours de Cassandre) suivi du cinquième livre des Odes, accompagné, fait unique dans l'histoire de la poésie française, d'un Supplément musical à quatre voix permettant de chanter la quasi totalité des sonnets, (8 sur les 182 échappèrent au système et ne furent pas mis en musique). Quatre musiciens de renom y participèrent : Pierre Certon, Clément Janequin, Claude Goudimel et Marc-Antoine Muret, qui écrivirent une, voir deux musiques sur quatre sonnets ayant chacun un type de rimes différent. Cette publication eut un succès immédiat et foudroyant qui nécessita une réédition dès la fameuse année 1553. Or, on n'entend jamais ces pièces.

Le concert –atelier de fut l'occasion d'en proposer des exemples. Hélas, il fallut se contenter du Superius, avec accompagnement de trois instruments, faute de crédits pour une réalisation polyphonique à quatre voix. On ne peut que le regretter, même si cette pratique du XVe siècle était encore courante chez les amateurs. Ainsi, le sonnet Qui vouldra voir comme un dieu me surmonte, mis en musique par Clément Janequin, fut d'abord dit puis chanté. Or, un nombre particulièrement élévé de sonnets des Amours de 1552

(92 !), peut être chanté, sur cette musique de Janequin, dont Ces deux yeux bruns, deux flambeaux de ma vie que l'on put entendre immédiatement après, ce qui permit d'apprécier les avantages mais surtout les limites de l'utilisation d'un « timbre » plaqué sur un texte poétique. Le véritable commentaire madrigalesque qu'en proposera plus tard dAnthoine de Bertrand (1575) est, quant à lui, un chef-d'œuvre digne de ce poème, l'une des plus belles pages que Ronsard ait consacré à la célébration de Cassandre.

attache une grande importance au travail sur le texte poétique, ses rythmes, ses accents, sur l'expression de ses affects. Il nous en offrit deux exemples, quelques vers d'une tragédie et de longs dithyrambes. Il se trouve que l'année 1553 est celle de la naissance de la tragédie française : la Cléopâtre captive de Jodelle est représentée à l'occasion de la célébration de la victoire, à Metz, des troupes du duc de Guise sur l'armée impériale. Philippe Vallepin en déclama des extraits. Suivirent les Dithyrambes à la pompe du bouc, composés par Jean-Antoine de Baïf pour fêter à l'antique la naissance de cette tragédie dans le cadre pastoral d'Arcueil, en compagnie d'un groupe de poètes et d'humanistes, dont Ronsard. Dithyrambes quelque peu délirants en l'honneur de Bacchus à qui les anciens sacrifiait un bouc après la représentation d'une tragédie. L'acteur éblouit le public qui s'amusa un bon coup : présence scénique et qualité de la diction poétique font sans doute de Philippe Vallepin un des meilleurs récitants actuels.

On pouvait alors retrouver les bonnes vieilles chansons dans la tradition gauloise et médiévale : telle lamentation de mal mariée, tel blason de la vermeillette fante étaient là pour rappeler que le catullien et coquin Livret des Folastries de Ronsard, parut en 1553 et qu'il fut condamné au feu par la justice royale. Quant le gril chante joyeusement chanté, dansé et mimé par Véronique Bourin, qui fut acclamée, acheva ce concert. Que d'autres, du même type, suivent et que se mette enfin en place une pluridisciplinarité indispensable à la recherche, dont cette journée peut être considérée comme le coup d'envoi.

Pour l'abondante discographie et pour les nombreux concerts de Doulce Mémoire, consulter le site www. doulcememoire. Mise à jour en voie d'achèvement.

Crédit photographique : © Fabrice Maître

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