Karajan intime et fascinant

Le titre de ce livre correspond assez parfaitement à son contenu. A cet égard, il s'agit à parties égales d'une autobiographie d'Eliette Mouret et d'un récit à entrées multiples de l'existence concrète et des réalisations artistiques de son mari Herbert von Karajan (1908-1989) dont on célèbre ces jours-ci le centenaire de la naissance.

De nombreuses manifestations musicales, filmographiques et discographiques se trouvent largement relayées par la plupart des médias, généralistes ou spécialisés. Celle qui accompagna le célèbre et mondialement respecté chef d'orchestre (elle fut sa troisième et dernière épouse à partir de 1958), une jeune française, longtemps mannequin vedette chez Dior, s'imprégna intimement de la culture autrichienne et de l'art sublimé d'un maestro fêté sur tous les continents.

Par le biais d'une écriture fluide et efficace, concise et vivante, elle parcourt des pans entiers et variés de leur vie familiale, sociale et musicale. Fidèle et discrètement présente aux côtés du chef d'orchestre, elle le suit, bienveillante et disponible, lors de nombreuses tournées germaniques mais aussi européennes et bien au-delà. Elle partage patiemment ses multiples projets et agrée à son ambition dévorante, déguste l'intimité de son mari jouant du piano pour elle seule. Défilent encore des séquences familiales attendrissantes, d'innombrables comptes-rendus brefs et précis de passionnantes rencontres avec des personnalités célèbres de l'époque (des hommes politiques comme le pape Jean-Paul II, un chef spirituel comme le dalaï-lama, le chancelier allemand Helmut Schmidt… ; des vedettes du monde artistique de la trempe de Luciano Pavarotti, Glenn Gould, Placido Domingo, Elisabeth Schwarzkopf, Carlos Kleiber, Léonard Bernstein, Anne- Sophie Mutter… ; et encore des cinéastes, des acteurs…). Des pages entières font revivre l'atmosphère de multiples répétitions ainsi que les réminiscences de quantité de soirées de concert enthousiasmantes et inoubliables aux quatre coins du monde.

Eliette von Karajan, en hagiographe avisée, aborde bien des aspects de sa proximité avec son mari, excellent poste d'observation s'il en fut, tout en éludant discrètement les aspects moins immédiatement sympathiques du personnage (adhésion opportuniste au parti nazi dès 1933, luttes pour quérir ou conserver la suprématie et la maîtrise de son parcours artistique, besoin impérieux de reconnaissance universelle…). Un éclairage néanmoins édifiant, intime et modéré du « miracle Karajan ».