La Scène, Spectacles divers

Pippo Delbono : Obscurité féroce

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Dijon, Grand-théâtre. 20-III-2008. Pippo Delbono (né en 1959) : Questo Buio Feroce. Mise en scène : Pippo Delbono. Texte (en français et en italien surtitré) : Pippo Delbono. Scénographie : Claude Santerre. Création lumières : Robert John Restinghini. Lumières : Fabio Saijz. Son : Angelo Colonna. Scénographie et costumes : Théâtre de la Place – Liège. Avec : Dolly Albertin, Gianluca Ballaré, Raffaella Banchelli, Bobò, Margherita Clemente, Pippo Delbono, Lucia Della Ferrera, Ilaria Distante, Gustavo Giacosa, Simone Goggiano, Mario Intruglio, Nelson Larricia, Gianni Parenti, Pepe Robledo.

Jamais le corps n'aura été aussi brillamment mis en scène. , artiste torturé au talent immense, nous livre ici une réflexion abyssale sur la mort, sublimement chorégraphiée par 14 corps meurtris. Ces corps sont ceux des comédiens de sa compagnie, pour la plupart marginalisés par la société : handicapés, anciens pensionnaires d'hôpitaux psychiatriques, ex-SDF… Pour sa dernière création, s'est inspiré de l'autobiographie du poète américain Harold Brodkey, mort du sida, et de son propre vécu. Ainsi est née Questo Buio Feroce (Cette Obscurité féroce), en octobre 2006 au Teatro di Roma.

Questo Buio Feroce est une pièce multiforme, mêlant habilement théâtre, musique, danse, défilé de mode, récit de vie, revisite de conte et autres sketches. Dans ce cocktail détonnant, une multitude de personnages errent, chacun dans leur univers. Ils ne se connaissent pas, parfois se rencontrent, mais le plus souvent s'ignorent. Sommes-nous dans les limbes ? Nul ne le sait. Ici, quelque part hors du temps, les vivants et les morts se croisent. Les costumes colorés des uns font face à la nudité des autres : l'identité est un jeu et la mort nous ramène à la nature, nous dira à la fin.

Véritable succession de tableaux, ce spectacle hypnotique, porté par la voix de Pippo Delbono, nous interroge sur la mort et le sens de la vie. Dans un décor blanc très épuré, prolongement de l'errance des personnages, s'expriment la souffrance, la peur, le sacrifice, la solitude, le silence, la paix. A l'inverse, les costumes riches et colorés révèlent une vision de la vie superficielle, où se côtoient beauté, sexe, gloire, matérialisme, et quête de la jeunesse éternelle. La lumière, elle aussi, oscille entre vie et mort : tantôt faible, tantôt intense, voire éblouissante.

On retiendra du spectacle la diversité des thèmes abordés, illustrés par des tranches de vie et de mort qui s'enchaînent pendant 1h35, accompagnées de nombreuses références littéraires et musicales. De Frank Sinatra à Joan Baez, en passant par la bande originale du film In the Mood for Love, c'est une musique populaire que nous sert Pippo Delbono. Populaire, mais intense et poignante, servant parfaitement le sujet du spectacle. Ce n'est pas seulement la musique mais tous les sons qui semblent habités par la mort, à l'image de la voix des comédiens, diffusée directement par un micro ou préenregistrée et retransmise par les haut-parleurs. Seuls les cris sont purs, car seule la souffrance nous rattache au monde des vivants.

Malgré l'importance des sons, Questo Buio Feroce est un spectacle très peu bavard. Les comédiens sont souvent muets et les gestes de danse, insensés, forment une structure dans laquelle le spectateur est invité à projeter ses propres émotions. Les chorégraphies offrent au spectacle une grande beauté plastique, en dépit de l'imperfection des corps. Dans cet univers riche et interculturel, le moindre détail est sujet à interprétation et devra faire son chemin dans chaque tête venue assister à la représentation. Pippo Delbono ne nous livre qu'un spectacle poétique, fort, sombre, sans toutefois être dénué d'humour. Et le public dijonnais, conquis, ne lui en demande pas plus.

Crédit photographique : © Gianluigi Di Napoli

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Dijon, Grand-théâtre. 20-III-2008. Pippo Delbono (né en 1959) : Questo Buio Feroce. Mise en scène : Pippo Delbono. Texte (en français et en italien surtitré) : Pippo Delbono. Scénographie : Claude Santerre. Création lumières : Robert John Restinghini. Lumières : Fabio Saijz. Son : Angelo Colonna. Scénographie et costumes : Théâtre de la Place – Liège. Avec : Dolly Albertin, Gianluca Ballaré, Raffaella Banchelli, Bobò, Margherita Clemente, Pippo Delbono, Lucia Della Ferrera, Ilaria Distante, Gustavo Giacosa, Simone Goggiano, Mario Intruglio, Nelson Larricia, Gianni Parenti, Pepe Robledo.

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