Portraits, tombeaux et pièces diverses

Le Tombeau pour Mr de Ste Colombe, hommage de Marin Marais à son maître, est bien connu du grand public grâce à la bande originale du film Tous les Matins du monde (1991) d'Alain Corneau, interprété par Jordi Savall et ses musiciens du Concert des Nations. La version de Marianne Müller est ici beaucoup plus introvertie que celle de Jordi Savall au son plus rond et au vibrato plus marqué.

C'est effectivement sous le signe de l'hommage et du portrait qu'est placé ce dernier enregistrement de l'ensemble Spirale dirigé par Marianne Müller, comme elle le résume très justement : «Notre nouveau programme se plaît à dépeindre un groupe de musiciens français, qui tout au long du XVIIe et du XVIIIe siècle, se sont fait le portrait, voire l'autoportrait, le plus souvent avec beaucoup d'esprit.» Il suffit, pour s'en convaincre, d'écouter le touchant Tombeau de Mr Lully du même Marin Marais qui, outre le fait de rendre hommage à l'un des compositeurs les plus marquants de sa génération, fait ressortir très nettement la sensibilité introvertie héritée de Sainte Colombe. Il faut d'ailleurs préciser que, si l'usage était de rendre hommage aux personnalités – musicales ou non – de leur époque, comme Forqueray qui intitule l'une de ses pièces La Rameau, ou encore La Leclair, certains compositeurs iront jusqu'à se prendre comme sujet d'une de leurs œuvres, à l'instar de Rameau qui compose… La Rameau !

Tendresse, chaleur, moments introvertis ou passionnés… tous ces termes peuvent s'appliquer à ce très beau CD selon les moments. Marianne Müller, qui adopte ici la double casquette de violiste et de chef d'ensemble, montre à nouveau tous ses talents à travers la précision et l'exigence des détails dans un discours précis, coloré musicalement et sensible. Les autres instrumentistes, à l'écoute et inspirés également, paraissent en totale osmose.

Laissons lui, pour terminer, la parole. Marianne Müller résume en effet autant ses intentions interprétatives que l'interprétation elle-même : «Pour une fois, toutes ces musiques ne forment pas de suites de danses, si typiquement françaises, mais une sorte de visite au travers d'un foisonnement de timbres, grâce aux instruments aussi variés que la guitare, le clavecin ou le théorbe qui forment avec la deuxième basse de viole, un continuo fourni, léger quand il le faut, vif et coloré. C'est la visite d'un véritable petit « musée sonore » que nous nous proposons de faire entendre, regard à la fois plein de respect et de sourires complices, face à tant d'invention à décrire tous ces grands musiciens. »

Tout est dit !