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Paris. Opéra-Bastille. 14-II-2008. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Luisa Miller, opéra en 3 actes sur un livret de Salvatore Cammarano. Mise en scène : Gilbert Deflo. Décors et costumes : William Orlandi. Lumière : Joël Hourbeigt. Avec : Ildar Abdrazakov, Il Conte di Walter ; Ramon Vargas, Rodolfo ; Maria José Montiel, Federica (Duchessa d’Ostheim) ; Kwangchul Youn, Wurm ; Andrzej Dobber, Miller ; Ana Maria Martinez, Luisa ; Elisa Cenni, Laura ; Vincent Morell, Un contadino. Chœur de l’Opéra National de Paris (chef de chœur : Alessandro Di Stefano), Orchestre de l’Opéra National de Paris, direction : Massimo Zanetti
Après la si remarquable Traviata proposée voici quelques mois à Garnier, l'Opéra de Paris programme à Bastille Luisa Miller.
Un opéra qui, contrairement à ce que pourrait laisser croire la discrétion de sa réputation, a marqué, une fois la maturité venue, l'engagement de Giuseppe Verdi sur une nouvelle voie, ce qu'il nous avait déjà été donné de relever, dans ces mêmes colonnes, à l'occasion de la production vénitienne de 2006.
À Paris, sans présenter le moindre caractère exceptionnel, la mise en scène se signale par son efficace simplicité. Parti pris louable qui vaut d'ailleurs pour les divers paramètres de la scénographie : des costumes classiques pour tous les protagonistes, un beau paysage de montagne tyrolienne en guise de décor, un espace en arc de cercle créant un effet « boule à neige » à laquelle rien ne manquerait sauf la neige ! D'où l'inutilité de changer quoi que ce soit à ce fond naturaliste, hors la variante à colonnes probablement chargée de donner toute sa dimension sarcastique à l'univers du comte Walter. À noter que chaque acte était délibérément placé sous l'intitulé choisi par le compositeur lui-même : l'amore, l'intrigo, il veleno (l'amour, l'intrigue, le poison).
Si les quelques mesures d'entrée pouvaient laisser craindre le pire (déséquilibre entre le chœur et l'orchestre, décalages systématiques des masses chorales), les musiciens n'ont cessé de gagner en cohésion tout au long de la représentation grâce à la direction enlevée, dynamique et très verdienne de Massimo Zanetti. Reste qu'à plusieurs reprises, l'intensité de l'orchestre ne laissa aucune chance de se faire entendre à des chanteurs, dont l'ouverture buccale attestait pourtant l'activité vocale ! Mais est-il vraiment judicieux d'avoir choisi pour rôle-titre la soprano Ana Maria Martinez ? En difficulté dans le périlleux quatuor a cappella « Come cellar le smanie », elle fit certes toujours preuve d'une certaine délicatesse et put sporadiquement séduire par le velouté de son timbre, mais le défaut de puissance est une tare rédhibitoire, surtout dans cette œuvre dont nombre accents se colorent déjà d'un vérisme en germe. Même reproche à l'endroit de Ramon Vargas, dont personne ne songera à contester la brillante virtuosité technique, évidente de la première à la dernière mesure, mais dont la faiblesse dans le registre aigu – particulièrement fâcheuse dans le répertoire verdien – ne pouvait être sauvée par les plus ingénieux artifices scéniques. C'est finalement en raison directe de la singularité discutable de cette distribution que la tentation est grande de saluer bien plus chaleureusement les seconds rôles : Andrzej Dobber campa ainsi un Miller d'une très haute tenue artistique, ne reculant point, à l'occasion, devant certaines prises de risque tout à son honneur (notamment dans le duo « Andrem, Raminghi e poveri ») et Kwangchul Youn (Wurm) donna à son antipathique personnage une épaisseur dramatique en tout point admirable. Un mot encore pour Ildar Abdrazakov (le comte Walter) et pour Maria José Montiel (la duchesse d'Ostheim) ; le premier ne ménagea pas ses efforts, la seconde ne soigna guère ses nuances ! De la belle musique, donc, et des artistes respectables ; mais pourquoi taire cette insatisfaction perplexe qui nuançait tant de commentaires au sortir de cette soirée lyrique : par quelle étrangeté l'un des plus luxueux opéras du monde se montre-t-il incapable, en matière lyrique, de se hisser au rang des grandes scènes italiennes ?
Crédit photographique : Andrzej Dobber (Miller), Ana Maria Martinez (Luisa) & Ramon Vargas (Rodolfo) © F. Ferville/ Opéra national de Paris
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Paris. Opéra-Bastille. 14-II-2008. Giuseppe Verdi (1813-1901) : Luisa Miller, opéra en 3 actes sur un livret de Salvatore Cammarano. Mise en scène : Gilbert Deflo. Décors et costumes : William Orlandi. Lumière : Joël Hourbeigt. Avec : Ildar Abdrazakov, Il Conte di Walter ; Ramon Vargas, Rodolfo ; Maria José Montiel, Federica (Duchessa d’Ostheim) ; Kwangchul Youn, Wurm ; Andrzej Dobber, Miller ; Ana Maria Martinez, Luisa ; Elisa Cenni, Laura ; Vincent Morell, Un contadino. Chœur de l’Opéra National de Paris (chef de chœur : Alessandro Di Stefano), Orchestre de l’Opéra National de Paris, direction : Massimo Zanetti