La culture en Belgique
Pour faire simple dans le maquis institutionnel belge, la culture, comme l’éducation, sont des compétences des Communautés (1), ainsi l’Orchestre Philharmonique de Liège Wallonie-Bruxelles et le Vlaamse Opera d’Anvers et Gand sont subventionnés exclusivement par les Communautés française et flamande. Mais certaines institutions bruxelloises (2) de grand rayonnement international ou d’intérêt national, autant musicales que muséales et patrimoniales, restent l’apanage financier du gouvernement fédéral.
Or, dans le cadre des négociations qui doivent déboucher sur un nouvel accord institutionnel entre les acteurs politiques, le gouvernement flamand vient de remettre au groupe chargé de mener les discussions un mémo où il demande une régionalisation des derniers joyaux culturels fédéraux du royaume. Sur le fond, il n’y a rien de neuf, cela fait maintenant de nombreuses années que des électrons libres flamands réclament, à corps et à cris, cette réforme ; mais le fait nouveau est que ce document émane des trois composantes démocratiques du gouvernement flamand (les socialistes du SPa, les libéraux de l’Open VLD et des catholiques du CD&V, le parti d’Yves Leterme le vainqueur des élections de juin 2007). De plus, le ton de ce texte s’avère d’un radicalisme inattendu et marque un retour à des positions sévères de la part des politiques du Nord du pays. Selon eux, la gestion des institutions se ferait dans le cadre d’un accord de coopération entre les deux Communautés.
Il existe à Bruxelles un exemple de ce que pourrait donner ce projet : l’ancienne maison de la radio Flagey. Ce magnifique bâtiment, chef-d’œuvre de l’art déco bruxellois et dont la salle principale (le studio 4) possède une acoustique de grande qualité, est une association financée par les deux Communautés. Or, les tensions entre la Communauté flamande et la Communauté française émaillent la bonne gestion de cette institution. En 2004, Bert Anciaux, le ministre flamand de la culture avait menacé de faire du Flagey, une institution exclusivement flamande. Même si la tempête s’est un peu calmée, l’orage menace toujours alors que l’orchestre et le chœur de la radio flamande (VRO et VRK) ont quitté leur base de Louvain pour prendre résidence à Flagey, renforçant déjà ainsi la présence flamande au sud de Bruxelles.
Dès lors, les directeurs d’institutions fédérales rivalisent d’éloquence pour refuser tout départ du giron fédéral. Dans le dernier numéro du Magazine de La Monnaie, Peter de Caluwé, le directeur de l’Opéra National Belge, s’exprime ainsi : « dépendre de deux pouvoirs symétriques qui ne partagent pas la même vision et ne seront pas nécessairement disposés à accorder le même montant en matière de subside pour notre institution mènerait à une impasse d’un point de vue pratique. Les Communautés flamande et française de Belgique ont été jusqu’ici incapables de conclure le moindre accord entre elles : comment pourraient-elles s’entendre sur la gestion d’institutions culturelles communes, dans un contexte communautaire qui reste très tendu ? » (3). On ne peut que souscrire à ces propos. La Monnaie reste l’une des meilleures scènes européennes, son service pédagogique et sa politique envers les jeunes sont des modèles pour tous les opéras ; le Palais des Beaux-Arts propose des saisons ambitieuses et variées alors que l’Orchestre National de Belgique amorce un sain renouveau sous la direction du grand Walter Weller. La Belgique culturelle rayonne à travers le monde et l’on ne peut que souhaiter que ces velléités communautaristes restent, pour longtemps, lettre morte et que l’intelligence et la raison, l’emportent sur les consciences régionalistes excessivement exacerbées, thème qui en ce début de XXIe siècle, n’est pas le meilleur vecteur d’humanisme.
La réforme institutionnelle de 1970 créée les communautés. Elles sont au nombre de trois : communauté flamande, communauté française et communauté germanophone. La réforme de 1980 renforce leurs compétences.
Peter de Caluwé, « Une maison d’opéra fédérale pour l’Europe », Magazine de La Monnaie, janvier-mars 2008, p. 66
Note de la Rédaction : le « gel de précaution » de 6% du budget du Ministère de la Culture commence à faire ses dégâts. L’Orchestre National des Pays de Loire, qui avait pour projet de monter l’imposante Symphonie n°8 de Mahler en juin prochain, est contraint d’y renoncer pour raisons budgétaires. L’entreprise, certes titanesque, s’inscrivait pourtant dans une logique de décentralisation et de diffusion locale, en y impliquant les chœurs amateurs régionaux et un travail avec les écoles pour la formation du chœur d’enfants. (Source : La Lettre du Musicien n°353)
Crédit photographie : ©Théâtre royal de La Monnaie/DR ; Flagey /DR