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Comment 15’ de Schubert volent la vedette à 1h15 de Brahms

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Paris. Salle Pleyel. 15-X1-2007. Johannes Brahms (1833-1897) : Variations sur un thème de Haydn op. 56a  ; Rhapsodie pour alto, chœur d’homme et orchestre op. 53  ; Symphonie n°1 en ut mineur op. 68. Franz Schubert (1797-1828) : Gruppe aus dem Tartarus D. 583  ; An Schwanger Kronos D. 369 (transcriptions de Johannes Brahms) ; Gesang der Geister über den Wassern D. 714. Nathalie Stutzmann, alto. The Monteverdi Choir. Orchestre Révolutionnaire et Romantique, direction: John Eliot Gardiner.

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Brahms et Gardiner à Pleyel, concert I

Curieux qui déclare dans la brochure d'accompagnement : « Ce projet auquel nous avons consacré deux ans, visait à replacer cinq des œuvres les plus importantes et les plus célèbres de Brahms – Un Requiem Allemand et les quatre symphonies – dans leur contexte historique », pour conclure une demie page plus tard : « Au bout du compte, notre seul objectif était de découvrir la façon dont sa musique peut sonner à notre époque : ce qu'elle signifie pour nous aujourd'hui. ». Un peu contradictoire de prime abord, la première affirmation a conduit au choix, assez judicieux, des compositeurs et des œuvres pour accompagner celles de Brahms dans ces trois concerts, quant à la seconde, c'est dans l'esthétique sonore et expressive de l'interprétation que nous devrons la chercher.

Car ce n'était pas le son familier de l'orchestre symphonique moderne qui nous attendait, mais celui de l', fondé par Gardiner lui-même en 1989, avec ses instruments à l'ancienne, théoriquement plus proches de ceux que Brahms a pu entendre et utiliser. Certes, ce procédé n'est plus original depuis longtemps, mais il a plus rarement été appliqué à Brahms (on pense à Herreweghe). C'était donc porté par une intense curiosité que nous avons ouvert tout grand nos oreilles à cette nouvelle expérience.

Evidemment la verdeur de la sonorité, en particulier des cordes (aucune sensualité à attendre ce soir), a immédiatement sauté aux oreilles, dès l'exposé du Chorale St Antoni qui constitue le thème sur lequel Brahms va développer huit variations et un finale. « Il (Brahms) détestait autant la rigidité métronomique et le manque d'inflexions que l'expressivité tarabiscotée et calculée » dit Gardiner dans la brochure. On ne peut plus vrai, mais alors pourquoi le même Gardiner a si vite oublié cette règle en introduisant de « l'expressivité tarabiscotée » sur le pp en plein milieu de cet exposé moins d'une minute après la première note ? C'est l'exposé du thème que diable ! Il y a neuf variations pour faire tous les effets souhaités, mais pas là ! Si l'expression « mauvais goût » a un sens en musique, c'est ici ou jamais. Bon, oublions ce détail entièrement de la faute du chef, et remarquons des bois très vivants et expressifs, des cordes alertes mais peu à l'aise avec le legato (par exemple la troisième variation basée sur un immense dolce legato était de ce fait un peu ratée), à l'amplitude dynamique un peu courte, ce qui amenuisa bien des crescendo ou diminuendo, des contrebasses aux abonnées absentes (ça semble être une manie, tout orchestre confondu !), et des timbales très intéressantes, parfaitement à leur place. Le plus gros problème venait des cuivres qui avaient du mal à sonner ensemble, ne produisaient qu'à peu près deux sons, un piano et un forte, en dehors de ça le désert, et des couacs à répétitions, à tel point qu'au nième, notre voisine d'un soir, au demeurant blonde, jeune et charmante, n'a pu s'empêcher d'esquisser un rire rapidement réprimé comme la bienséance l'exige. Tout cela nous a donné des variations bien problématiques, très loin des meilleures.

A l'autre bout du concert nous attendait la Symphonie n°1, que Brahms a mis si longtemps à oser écrire. Cette fois-ci Gardiner a oublié que le silence avant la musique était aussi de la musique, nous privant de cette tension préalable au sostonuto introductif, qu'il a attaqué sitôt le pied posé sur le podium, alors que le brouhaha de la salle ne s'était pas encore éteint. En plus, le tempo choisi était plutôt alerte et le sostonuto bien peu tendu ce qui fait que Gardiner a littéralement expédiée cette introduction comme si ce passage ne l'intéressait pas du tout, pressé qu'il était de passer à la suite. De quoi donner envie de fuir au bout de 30 secondes. Heureusement Gardiner trouve du grain à moudre dans la suite, prenant un rythme allant, essayant de favoriser une sorte de rebond musical, toutefois au détriment de la ligne de fond et de l'architecture de chaque mouvement (avec reprise dans le premier), plus à l'aise à chaque fois que le tempo s'accélérait, plus en difficulté quand il ralentissait, le meilleur passage étant incontestablement le finale. Et toujours les mêmes problèmes techniques, des cors qui sonnaient comme s'ils étaient en coulisse, même le hautbois s'y est mis, comme ici, en plein milieu d'une sublime phrase où il nous comblait jusqu'au « Aie ! lui aussi ! ».

Mais il y avait une vraie pépite dans ce concert, une réussite totale, le Gesang der Geister über den Wassern de Schubert, pour chœur d'homme et petite formation de cordes (sans violons). La grande satisfaction, prévisible, venait du , parfait dans toutes ses interventions (clarté de l'articulation et de la polyphonie, parfaite dynamique, couleur prenante), donnant intérêt et relief aux quatre œuvres avec chœur jouées ce soir. Mais on y a trouvé enfin un Gardiner inspiré, parfaitement dans le ton, et un ensemble à cordes cette fois sans reproche, la partition étant quand même moins exigeante que les Brahms du soir. Bref, ces quinze minutes de sublime Schubert, à thésauriser à jamais dans notre mémoire, ont volé la vedette à ce qui aurait du être le clou de la soirée, mais qui n'a été qu'un Brahms mi-figue mi-raisin manquant sérieusement de plénitude sonore et expressive, Gardiner ne nous ayant pas convaincu du tout qu'il avait la fibre brahmsienne naturelle (sans parler des boulettes techniques du chef et de l'orchestre). Si on pense à ce que fait Philippe Herreweghe dans le même type répertoire, force est de constater le net avantage du belge sur l'anglais.

Crédit Photographie : © DR

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