Une magnifique Staatskapelle accompagne un prometteur violoniste Daishin Kashimoto
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Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 77. Daishin Kashimoto, violon. Orchestre de la Staatskapelle de Dresde, direction : Myung-Whun Chung. 1 CD Sony Classical 8697062692, code barre 8 86970 62692 7. Enregistré en concert du 5 au 7 novembre 2006 à Dresde. Notice trilingue (allemand, anglais, français). Durée : 43’01’’.
Sony ClassicalC'est à Dresde et en concert qu'a été enregistré ce disque somme toute assez court, puisqu'il ne contient que les 43 minutes du Concerto pour violon de Brahms. Ce minutage, classique du temps des 33 tours, mais un peu limite pour un CD, peut surprendre, surtout pour une œuvre très largement enregistrée et parfois plusieurs fois, par les plus grands violonistes. Le couplage « idéal » serait sans doute avec le Double Concerto pour violon et violoncelle, mais encore faut il disposer du matériel nécessaire. Or, avec un jeune violoniste pas encore trentenaire qui n'a pas encore une discographie pléthorique, puisqu'il s'agit, semble t-il, du troisième enregistrement Sony de Daishin Kashimoto depuis 2001, on peut admettre se « contenter » du seul concerto. D'autant plus que c'est la célèbre Staatskapelle de Dresde qui accompagne notre soliste du jour, dirigée pour l'occasion par Myung-Whun Chung.
Il y a peu, nous nous étions plaint de la sonorité presque anonyme de ce même orchestre dans son récent enregistrement DG du Concerto « Empereur », savourons cette fois notre plaisir de retrouver une grande Staatskapelle, avec son magnifique quatuor capable de sublimes douceurs, y compris dans les emportements ff, sans jamais perdre une once d'unité ni de richesse de timbres, et ses cors, tellement beaux et irréprochables (n'oublions pas qu'il s'agit de prises de concert) qu'ils apportent quand il le faut une réelle émotion musicale. La direction de Myung-Whun Chung, à la fois dynamique et douce, laisse ce magnifique orchestre s'exprimer avec naturel et reste manifestement très attentive à préserver la qualité sonore dont est capable la Staatskapelle. Le chef donne nettement la prédominance expressive aux cordes, laissant le plus souvent aux bois et cuivres un rôle d'accompagnement, parfois un peu trop discret à notre goût, car avec un tel orchestre, on devrait pouvoir jouer plus pleinement cette musique. On peut également regretter un léger manque de tension dans sa direction qui aurait gagnée, en particulier dans le grand Allegro non troppo initial à être un peu plus ferme, dense et tendue. On sent comme une certaine retenue, pleine de dignité, mais retenue quand même, dans la direction du chef, qui ne donne pas toute l'expressivité contenue dans cette musique. Comme s'il voulait rester « neutre » en essayant d'être le plus propre possible – pari d'ailleurs réussi. Cela s'entend par exemple sur les passages en diminuendo qui terminent chaque section (piano puis pianissimo et même ppp) de l'introduction orchestrale, qui manquent un peu de tension et d'avancée. On sait tous à quel point Brahms aime à utiliser les cordes en pizzicato, mais le chef ne leur donne pas un sens expressif, il se contente de les poser là, dans le décor – fort beau, rappelons le, mais l'expression ne peut se limiter à ça. Dernier exemple, le roulement de timbales qui accompagne toute l'entrée, sur un ton énergique, presque combatif, du violon, qui demande en quelque sorte à l'orchestre l'autorisation de jouer avec lui, et l'orchestre lui répond par ce long roulement de timbales pp, comme pour le maintenir sous surveillance, qui est ici totalement neutre, n'exprime aucune menace ou inquiétude au début, et du coup n'évolue pas vers sa résolution 30 mesures plus loin, où orchestre et violon ont trouvé leur harmonie et peuvent commencer à chanter et dialoguer ensemble. Cela peut apparaître comme des détails pour beaucoup, mais importants pour ceux qui chercheront la petite bête brahmsienne. Côté tempo, à part un Adagio un poil rapide, ce qui lui enlève un peu de sa force émotionnelle qui prend à la gorge, c'est impeccable.
Daishin Kashimoto ne cache pas que jouer ce concerto était un de ses rêves et avouons qu'il en a déjà compris, dès son premier essai, bien des facettes. Il a en particulier trouvé cette respiration naturelle et cette liberté d'archet et de rubato qui siéent si bien à Brahms. Son jeu intelligent plus qu'impressionnant, reste quand même en deçà de ses plus grands aînées (Menuhin, Oïstrakh, Milstein, Ferras, plus près de nous Perlman ou Mutter, etc). Il a des progrès à faire sur la qualité du legato, encore perfectible et parfois un peu « pincé », comme sur la sonorité un peu monotone et manquant de chaleur et de luminosité. Mais déjà les intentions sont bonnes.
Un disque très honorable avec de belles qualités, qui vaut particulièrement pour son orchestre superbement magnifié par une prise de son exemplaire, la probité de la direction d'orchestre, même si on aurait aimé plus de complétude expressive et de tension, et la performance prometteuse d'un jeune violoniste.
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Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op. 77. Daishin Kashimoto, violon. Orchestre de la Staatskapelle de Dresde, direction : Myung-Whun Chung. 1 CD Sony Classical 8697062692, code barre 8 86970 62692 7. Enregistré en concert du 5 au 7 novembre 2006 à Dresde. Notice trilingue (allemand, anglais, français). Durée : 43’01’’.
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