Don Pasquale : la veine comique-sentimentale de Donizetti

Don Pasquale, comédie musicale bourgeoise, témoigne bien du grand sens de l'humour de Donizetti et inaugure le genre comique-sentimental. Il ne s'agit pas d'un opéra « larmoyant », mais d'une nouvelle veine pathétique et mélancolique dans laquelle le compositeur enveloppe ses personnages.

Composé en onze jours, l'opéra fut représenté au Théâtre Italien de Paris le 3 janvier 1843. À cette époque, Donizetti est le compositeur italien le plus connu à l'étranger. Pour son opéra, il s'inspire d'une comédie de Stefano Pavesi, Ser Marcantonio, même si les personnages et la situation appartiennent à une tradition comique italienne plus ancienne.

Ce dramma buffo en trois actes dépeint l'atmosphère bourgeoise et de « salon » de Rome au début du XIXe siècle. Le metteur en scène Stefano Vizioli, suivant à la lettre l'indication temporelle, nous montre une Rome à cheval sur l'époque moderne et le monde antique : des vestiges de colonnes occupent le devant de la scène ; le bureau de Don Pasquale révèle son intérêt pour l'Antiquité, les vêtements de Norina rappellent le style Empire.

Le livret écrit par Giovanni Ruffini n'est pas un exemple d'œuvre littéraire. Probablement pour cette raison, son auteur refusa de le signer. En tous cas, le rythme serré et la théâtralité de l'écriture se prêtent d'une façon excellente à la mise en musique, dont le trait caractéristique est le constant contrepoint entre lyrisme et mélancolie, ou encore entre malice et ironie. La réussite de l'opéra réside dans la l'harmonie d'ensemble de la musique et des paroles : le compositeur suit parfaitement les inflexions du texte pour en faire ressortir sa signification profonde et la mélancolie sous-jacente.

Tous les personnages sont précisément caractérisés, autant mélodiquement que rythmiquement. Ils se fondent dans la fluidité de l'action tout en gardant leur propre indépendance. Donizetti crée des moments lyriques indépendants du fait scénique pour en tirer des mélodies d'une beauté très romantique. L'air Cercherò lontana terra, s'inspirant d'une situation que Norina et Malatesta sont en train de bouleverser, en est un exemple.

Riccardo Muti, avec un respect absolu de la partition, caractérise cette production d'une grande souplesse et d'un équilibre extraordinaire entre chanteurs et orchestre. Il a pour principe de prendre au sérieux l'humour de l'œuvre.

Excellente interprétation lyrique et scénique des chanteurs ; impeccables passages d'agilité de Don Pasquale avec de superbe effet choral. La clarté de la diction, la juste accentuation de chaque mot et la grande sensibilité des nuances du langage restituent l'élégance et la fraîcheur propres à cet opéra.