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Dijon. Ancien couvent des Dominicains. 15-VI-2007. Joseph Haydn (1732-1809) : Quatuor en ré majeur op. 76 n°5 ; Luigi Boccherini (1743-1805) : Quintette « del Fandango » pour quatuor à cordes et guitare ; Federico García Lorca (1898-1936) : Chansons populaires espagnoles pour guitare et alto ; Johannes Brahms (1833-1897) : Quintette à deux altos n°2 en sol majeur op. 111. Robert de Visée (v. 1658-1725) : deux pièces pour guitare ; Francisco Guerau (1649-1720) : Jacaras et Canarios pour guitare ; Gaspar Sanz (1640-1710) : Instruccion de musica sobre la guitarra española pour guitare et violoncelle. Antonin Dvořák (1841-1904) : Sextuor à cordes en la majeur op. 48 B80. Christophe Gaugué, alto ; Christian Rivet, guitares ; Raphaël Pidoux, violoncelles ; Quatuor Manfred : Marie Béreau, violon 1 ; Luigi Vecchioni, violon 2 ; Vinciane Béranger, alto ; Christian Wolf, violoncelle.
Quatuor Manfred et consorts
Quand les Manfred convient leurs amis (musiciens et public aujourd'hui solidement fidélisé) à leur soirée-concert de fin de saison…on n'est pas couché !
Qu'on en juge : commencée à 20h 45, elle s'éteint, sous les derniers bravos, très précisément à 1 heure du matin ; le temps d'une des journées d'un Ring de Wagner ! Et cependant, pas une seconde d'ennui au cours de ces quatre heures (bien sonnées) placées sous l'égide de l'ABC (Association Bourguignonne Culturelle), en compagnie de ces excellents musiciens, en toute convivialité (deux entractes agrémentés de sympathiques collations, dans l'accueillant jardin du cloître) et – c'est bien là l'essentiel – avec un programme grandement diversifié, tout à fait « prismatique », eu égard au thème choisi (Prismes) pour cette saison 2006/07. Quand sont présents au rendez-vous la haute qualité musicale des artistes et leur public (venu très nombreux), chaleureux et comblé, c'est dire assuré le succès de cette soirée exceptionnelle.
Exceptionnelle d'abord, par la composition – curieuse et plantureuse – du menu. La curiosité, ce sont ces antipasti, ou plutôt tapas, que constituent ces pièces pour guitare (baroque) seule ou avec violoncelle de Robert de Visée et Gaspar Sanz voisinant avec Dvořák. Ce sont aussi les chansons populaires de García Lorca (Eh oui, le poète-dramaturge était aussi musicien) préludant, en quelque sorte, au Quintette de Brahms. On ne craint pas ici, dans ce contexte un peu festif, les contrastes « osés ». Cela dit, nous goûtons ces pièces, toutes de fine et riche saveur : subtiles et délicatement perlées (De Visée), sous les doigts d'un Christian Rivet toujours intensément concentré ; plus « corsées » et « typées » (Lorca), quand la voix – l'alto de Christophe Gaugué – de splendide sonorité et mêlée à la guitare, épouse les accents, les inflexions et parfois la raucité du Romancero ; agréablement croustillantes (F. Guerau) dans les Canarios et plaisamment, car diversement « épicées », dans les pièces de Sanz, où le violoncelle baroque de Raphaël Pidoux (un superbe instrument) compose, avec la guitare, un équilibre tout d'hispanique noblesse.
Quant au « consistant » (non que ce qui vient d'être évoqué fût inconsistant, loin de là ! Mais il faut bien établir quelque distinguo avec ce qu'on a coutume de nommer le « grand répertoire »), cela commençait très fort avec un op. 76 n°5 de Haydn éblouissant ; peut-être le plus grand moment de cette soirée un peu folle ; de parfaite cohésion, avec un largo à pleurer (le violon de Marie Béreau !), un irrésistible Minuetto, dans le trio duquel triomphe le violoncelle de Christian Wolf, et – époustouflant – le Finale enlevé quasi prestissimo, avec une fougue extraordinaire par les « Quatre Archets ». Voilà qui laisse bien augurer de l'intégrale Haydn, qu'à l'instar des Ysaÿe (réalisée sur 5 ans, dans le cadre plus étroit du festival de Besançon), ils nous préparent ici, sur 3 ans, dès la prochaine saison.
Le quintette – avec guitare – de Boccherini, l'un des plus populaires, avec son Finale en Fandango, connaît le même traitement scrupuleux, rigoureux, du style et de l'esprit quant à la partition, où se distinguent encore ici, tout particulièrement les aigus, au violoncelle, de Christian Wolf (aigus dont on sait friand le compositeur toscano-madrilène, lui-même excellent violoncelliste) ou, en l'absence de castagnettes, le malicieux effet de ses glissandi descendants ; et, naturellement, la superbe sonorité de la guitare « Pappalardo » d'un Christian Rivet exemplaire de maîtrise.
S'il faut maintenant qualifier, en quelques mots, l'interprétation des deux autres « grandes » œuvres au programme, nous soulignerons, dans l'opus 111 de Brahms, l'élégance des phrasés (magnifique Adagio, au « parfum » de mélancolie hongroise, et où les deux altos mènent la danse, en parfaite connivence, Christophe Gaugué, en chambriste consommé, quêtant toujours de l'œil et du sourire la complicité de ses partenaires) et l'articulation collective, incisive et de grande clarté, tout spécialement dans l'entraînant Vivace alla czardas.
Pour ce qui concerne le sextuor de Dvořák (peu souvent joué ; en tout cas tellement moins que ceux de Brahms ou que le Souvenir de Florence de Tchaïkovski), il vaut surtout par ses deux mouvements médians : le délicieux poco Allegretto, dans le style dumka cher au compositeur, que nos musiciens jouent à ravir, car particulièrement grazioso, et le presto qui suit, tenant lieu de scherzo, par son caractère slave et dansant : instant magique.
Aussi, l'auditoire transporté…Du nord au midi (sans trompette guerrière, toutefois) et réciproquement, comme du siècle de Louis XIV au XXe siècle, avec une appréciable pause romantique, ne ménage-t-il pas ses applaudissements aux Manfred et à leurs invités, professionnels et magnifiquement « engagés » jusqu'au bout de ce long programme : visiblement, le plaisir aura été partagé.
Crédit photographique : Quatuor Manfred © Jacques Blanchard, Christian Rivet © Alvaro Yanez
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Dijon. Ancien couvent des Dominicains. 15-VI-2007. Joseph Haydn (1732-1809) : Quatuor en ré majeur op. 76 n°5 ; Luigi Boccherini (1743-1805) : Quintette « del Fandango » pour quatuor à cordes et guitare ; Federico García Lorca (1898-1936) : Chansons populaires espagnoles pour guitare et alto ; Johannes Brahms (1833-1897) : Quintette à deux altos n°2 en sol majeur op. 111. Robert de Visée (v. 1658-1725) : deux pièces pour guitare ; Francisco Guerau (1649-1720) : Jacaras et Canarios pour guitare ; Gaspar Sanz (1640-1710) : Instruccion de musica sobre la guitarra española pour guitare et violoncelle. Antonin Dvořák (1841-1904) : Sextuor à cordes en la majeur op. 48 B80. Christophe Gaugué, alto ; Christian Rivet, guitares ; Raphaël Pidoux, violoncelles ; Quatuor Manfred : Marie Béreau, violon 1 ; Luigi Vecchioni, violon 2 ; Vinciane Béranger, alto ; Christian Wolf, violoncelle.