Yehudi Menuhin, musicien humaniste du XXe siècle
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Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Concerto pour deux violons en ré mineur BWV 1043 ; Sonate pour violon n°4 en ut mineur BWV 1017. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour violon n°4 en ré majeur KV 218 ; Sonate pour violon n°34 en la majeur KV 526. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour violon en ré majeur op. 61. Robert Schumann (1810-1856) : Concerto pour violon en ré mineur. Henri Vieuxtemps (1820-1881) : Concerto pour violon n°4 en ré mineur op. 31. Edward Elgar (1857-1934) : Concerto pour violon en si mineur op. 61. Carl Nielsen (1865-1931) : Concerto pour violon op. 33. Béla Bartók (1881-1945) : Concerto pour violon n°2 en si mineur. Yehudi Menuhin, violon ; Gioconda de Vito, violon. Louis Kentner, piano ; Hephzibah Menuhin, piano. Philharmonia Orchestra, direction : Anthony Bernard, John Pritchard, Wilhelm Furtwängler, Walter Süsskind. New York Philharmonic-Symphony Orchestra, direction : Sir John Barbirolli. London Symphony Orchestra, direction : Edward Elgar. Danish State Radio Orchestra, direction : Mogens Wöldike. 4 CD Artone 222351-354. ADD. Enregistré de juillet 1932 à décembre 1954. Notices bilingues (allemand-anglais) excellentes avec photos. Durées : 77’11’’ ; 71’21’’ ; 72’57’’ ; 71’07’’.
MembranLes enregistrements de Yehudi Menuhin (1916-1999) sont innombrables, et leurs rééditions ne le sont guère moins, surtout sous leurs labels d'origine EMI, et, en tant que chef d'orchestre, Virgin. Certains d'entre eux étant dorénavant dans le Domaine Public, nous les retrouvons dans cette avantageuse publication Artone, label allemand qui ne compte pas moins d'une soixantaine d'albums de quatre CDs chacun, dévolus à de grands interprètes, et dont nous avons déjà chroniqué une dizaine, dont ceux consacrés à Lucia Popp, Rudolf Kempe, Hans Knappertsbusch, Thomas Beecham, Dimitri Mitropoulos et Charles Münch.
Cette publication peut se subdiviser en deux périodes distinctes relatives aux enregistrements du grand violoniste américain : la première concerne ses gravures 78 tours/mn électriques accomplies entre juillet 1932 et février 1938 qui nous ont valu ces incunables irremplaçables du Concerto pour violon d'Elgar dirigé par le compositeur, celui de Schumann en création mondiale de la version originale sous la direction de Barbirolli et cette merveilleuse Sonate en la majeur de Mozart (1787) où Yehudi est accompagné par sa sœur non moins douée Hephzibah ; la seconde est consacrée à ses enregistrements mono du tout début du microsillon, en l'occurrence d'avril 1951 à décembre 1954, une période où Yehudi Menuhin, dans la bonne trentaine, était à l'apogée de son art, et où nous le retrouvons en compagnie de ces immenses chefs d'orchestre que furent Wilhelm Furtwängler et Walter Süsskind.
L'intérêt de cet album Artone est d'avoir regroupé intelligemment des enregistrements d'œuvres bien connues avec d'autres qui le sont moins. Ainsi aux côtés du Concerto n°4 en ré mineur de Vieuxtemps (1851) malheureusement entaché des coupures orchestrales traditionnelles à cette époque, on sera assez surpris de retrouver le grand violoniste dans le rare Concerto de Carl Nielsen (1911) avec des forces danoises dirigées par Mogens Wöldike, un chef autrefois réputé pour ses admirables interprétations d'œuvres de Haydn. Une autre œuvre sans doute moins rare, quoique peu souvent exécutée, est le Concerto pour violon n°2 de Bartók (1938) où l'on retrouve Furtwängler dans son enregistrement incomparable avec le Philharmonia Orchestra londonien : inutile de préciser l'apport de Menuhin à l'œuvre violonistique du compositeur hongrois dont il créa la Sonate pour violon seul (1944) qui lui fut dédiée.
Également relativement peu connu, ce beau Concerto en ré mineur de Schumann (1853) dont le destin insolite mérite d'être conté : la redécouverte de la partition au temps du régime Nazi incita les dirigeants à vouloir se l'approprier et en imposer l'exclusivité d'enregistrement avec Georg Kulenkampff comme soliste ; ironiquement Georges Enesco, au nez et à la barbe des Nazis, parvint à envoyer la partition par photostat en Amérique à son élève juif Yehudi Menuhin qui en assura superbement le premier enregistrement intégral repris ici ; Kulenkampff et les Nazis durent se résigner et se contenter d'une édition édulcorée captée par Telefunken à Berlin, dénaturée par des coupures et révisions prétentieuses d'une œuvre que Menuhin préféra graver, à juste titre d'ailleurs, dans sa version intègre originale.
Enfin, Menuhin fut toujours l'avocat convaincu du vaste Concerto en si mineur d'Edward Elgar (1910), et il en laissa trois versions au disque, la première sous la direction du compositeur, la deuxième en stéréophonie sous celle de Sir Adrian Boult (EMI), et la dernière dont il dirige lui-même le commentaire orchestral du soliste Dimitri Sitkovetsky (Virgin). Dédiée à Fritz Kreisler, cette œuvre fit de la part de EMI l'objet de demandes d'enregistrement réitérées à son dédicataire qui en fin de compte ne la grava jamais, et l'honneur revint à un jeune Menuhin de 16 ans d'en réaliser cet enregistrement miraculeux, pour l'éternité, sous la baguette d'un Elgar de 75 ans, totalement émerveillé par son juvénile admirateur.
Il est permis de préférer l'un ou l'autre violoniste à Menuhin dans les œuvres plus courantes de Bach, Mozart ou Beethoven qui nous sont offertes dans cet album, tout cela n'étant d'ailleurs qu'une question de goût personnel. Il suffit de dire que les enregistrements proposés par Artone font tous partie de la période où le violoniste maîtrisait au mieux son art – ce qui ne fut pas toujours le cas à la fin de sa carrière – et il est heureux que ces témoignages nous soient à nouveau restitués ainsi regroupés.
Si la présentation de l'album montrant un Menuhin vieilli aurait pu mieux correspondre à l'époque de ces enregistrements, les reports en CD sont constamment bons à excellents, même si les bruits de fond des disques et des bandes ont été radicalement expurgés – ce qui peut parfois amener des sonorités extra-terrestres dans les pianissimi – et si les pauses entre mouvements – et pis, entre œuvres – ont été ramenées à un strict minimum. C'est donc un des albums recommandables dans cette série parfois techniquement inégale.
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Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Concerto pour deux violons en ré mineur BWV 1043 ; Sonate pour violon n°4 en ut mineur BWV 1017. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour violon n°4 en ré majeur KV 218 ; Sonate pour violon n°34 en la majeur KV 526. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour violon en ré majeur op. 61. Robert Schumann (1810-1856) : Concerto pour violon en ré mineur. Henri Vieuxtemps (1820-1881) : Concerto pour violon n°4 en ré mineur op. 31. Edward Elgar (1857-1934) : Concerto pour violon en si mineur op. 61. Carl Nielsen (1865-1931) : Concerto pour violon op. 33. Béla Bartók (1881-1945) : Concerto pour violon n°2 en si mineur. Yehudi Menuhin, violon ; Gioconda de Vito, violon. Louis Kentner, piano ; Hephzibah Menuhin, piano. Philharmonia Orchestra, direction : Anthony Bernard, John Pritchard, Wilhelm Furtwängler, Walter Süsskind. New York Philharmonic-Symphony Orchestra, direction : Sir John Barbirolli. London Symphony Orchestra, direction : Edward Elgar. Danish State Radio Orchestra, direction : Mogens Wöldike. 4 CD Artone 222351-354. ADD. Enregistré de juillet 1932 à décembre 1954. Notices bilingues (allemand-anglais) excellentes avec photos. Durées : 77’11’’ ; 71’21’’ ; 72’57’’ ; 71’07’’.
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