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Jordi Savall et Wieland Kuijken, divins sons de violes au grand cellier de la Confrérie du Tastevin

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Vougeot Château du Clos de Vougeot. 21-V-2007 Diego Ortiz (v. 1510-v. 1570) : extraits des Recercadas sobre tenores ; Tobias Hume (1570-1645) : Musicall Humors ; Christopher Simpson (v. 1605-1669) : extraits The Division Viol, Préludes I et II ; Thomas Ford (v. 1580-1648 ?) : Musicke of Sundrie Kindes ; Mr de Sainte-Colombe, le père (1640-1701) : Prélude et Chaconne ; extraits des Concerts à deux violes égales ; Mr de Sainte-Colombe, le fils (1660 ?-1720 ?) : Fantaisie ; Marin Marais (1656-1728) : Couplets-Variations des Folies d’Espagne. Wieland Kuijken et Jordi Savall, viole de gambe.

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Qui l'eût (grand) cru ? Le prestigieux Château du Clos de Vougeot, haut-lieu des vignes et vins de Bourgogne, accueillant, dans le cadre du festival « Meslanges de Printemps », les deux figures les plus emblématiques de la viole de gambe… A vrai dire, point n'est tellement lieu de s'en étonner, si l'on veut bien considérer qu'une certaine aristocratie du vin s'entend parfaitement avec l'idée longtemps véhiculée d'un instrument – la viole de gambe – lui-même un peu symbole d'aristocratie et d'Ancien Régime. Et puis rien d'incongru dans cet assemblage-là, tant musique et jus de la treille ont réputation de faire bon ménage. Mais surtout, et concernant l'instrument, devenu quasi populaire depuis un certain film de fin 1991, dont il n'est même plus besoin de rappeler le titre, depuis ce film-événement donc, mettant en lumière deux des plus fameux compositeurs-interprètes s'y rapportant, certain vocabulaire relatif au vin convient tout à fait à la viole, si l'on veut bien opérer quelque glissement de sens, du gosier à l'oreille. Ainsi la musique pour viole est-elle perçue délicieusement gouleyante, légère et délicate, tel un vin fin de Bourgogne dans les tons rubis, ou se fait-elle plus sombre, plus ou moins rêche, frappée de cette astringence propre aux bordeaux jeunes, cependant toujours, dans ses accords ou ses finales, prolongeant dans l'oreille séduite, la plaisir, comme à vos papilles, le bon vin « long en bouche ».

Programme copieux que ce récital, qui propose, en première partie, après les dansants Recercadas d'Ortiz (Folias et autres Passamezzi) joués avec élégance et raffinement, des pièces d'éminents violistes anglais. Les deux grands maîtres-gambistes de la soirée, jouant tous deux une basse de viole à 7 cordes (de facteurs anonymes, fin XVIIe siècle, début XVIIIe), s'expriment alternativement en duo et solo, variant aussi plaisamment les caractères des pièces choisies. Les plus originales étant sans doute (jouées par ), ces extraits de Musicall Humors de Tobias Hume. Curieux personnage que ce musicien-soldat, qui semble avoir fait de la musique son « repos du guerrier ». enchaîne ces cinq pièces en déployant superbement un large éventail des techniques du violiste, parmi lesquelles nous retiendrons les irrésistibles effets de sonneries de trompette en écho et de roulements de tambour. C'est d'ailleurs au compositeur que l'on doit, semble-t-il, l'usage du col legno, qui consiste à jouer avec le bois de l'archet. Autre pièce originale dans cette première partie de concert (ne serait-ce qu'en raison de son unicité, concernant Thomas Ford), cette musique en manuscrit, datée de 1607 et conservée à la Bibliothèque Nationale de Paris : Musicke of Sandrie Kindes, mêlant, souriante, humour et entrain, et qui, avec la complicité amusée des deux musiciens, éblouissants d'aisance dans l'exercice, transporte l'auditoire.

Plus austère, naturellement, et intériorisée, se révèle la seconde partie, puisque essentiellement réservée au désormais fameux , dont l'identité est toujours sujet de controverse : Augustin d'Autricourt (Dautricourt ou Dandricourt ?), au pseudo emprunté de Sainte-Colombe, ou tout simplement – et réellement – Jean de Sainte-Colombe ? Les doutes perdurent à ce sujet. , histoire de nous installer dans ce nouveau climat, joue, sobrement, un prélude suivi d'une chaconne, avant que les deux violes nous plongent au cœur du Sainte-Colombe intime, celui que le film d'Alain Corneau a pris le parti de nous montrer, miné de solitude et de chagrin, et muré dans une farouche misanthropie. Le Tombeau Les Regrets, le Quarillon, l'Appel du Charron, Les Pleurs…musique bouleversante, aux accents de violes, tour à tour caressants, amers, éplorés, interrogateurs, révoltés ou soumis, qui touche chacun, au plus intime de son être et selon son vécu ; quelque chose, pour parodier Colette, « qui bat à [vos] oreilles comme le sang-même de [votre] cœur ». Il faudra bien cette Fantaisie de Sainte-Colombe, le fils, et surtout le coup de Folies final, celles de , bien sûr (larges extraits des Folies d'Espagne) pour que se dissipe l'oppressante émotion. A propos de ces Folies, et pour l'anecdote, précisera qu'il les joua pour la première fois, il y a…42 ans ( !) avec le même , qui, pour l'occasion, avait été son professeur.

Sensibles à l'ovation du public, les deux illustres gambistes jouent, en bis, une Gavotte de Sainte-Colombe et une Muzette de .

Outre l'immense talent des interprètes, c'est aussi la gentillesse et l'humour dont ils ont fait preuve tout au long de cette soirée, qu'il convient de saluer ; Ainsi, lors d'un changement d'accord des violes, Savall avouant malicieusement qu'il ne s'agissait que d'atteindre une tonalité facilitant le doigté ( !), ou les deux compères permutant leur place pour, disent-ils « permettre au public – disposé en demi-lune – une perception des artistes sous un autre angle », ou encore, après leurs saluts au public, se saluant mutuellement, avec force courbettes.

Enfin, autre élément gratifiant de ce concert ; la radieuse présence de , en simple auditrice, solidaire et fidèle compagne, aux côtés d'un Dominique Vellard, heureux directeur du festival des « Meslanges de Printemps ». Prochain rendez-vous des Meslanges : le 8 juin prochain, à Dijon, avec l'Ensemble « Recherche » de Fribourg.

Crédit photographique : © DR

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Vougeot Château du Clos de Vougeot. 21-V-2007 Diego Ortiz (v. 1510-v. 1570) : extraits des Recercadas sobre tenores ; Tobias Hume (1570-1645) : Musicall Humors ; Christopher Simpson (v. 1605-1669) : extraits The Division Viol, Préludes I et II ; Thomas Ford (v. 1580-1648 ?) : Musicke of Sundrie Kindes ; Mr de Sainte-Colombe, le père (1640-1701) : Prélude et Chaconne ; extraits des Concerts à deux violes égales ; Mr de Sainte-Colombe, le fils (1660 ?-1720 ?) : Fantaisie ; Marin Marais (1656-1728) : Couplets-Variations des Folies d’Espagne. Wieland Kuijken et Jordi Savall, viole de gambe.

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