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Luci miei traditrici – Une Tragédie Florentine : le match Sciarrino contre Zemlinsky

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Lyon. Opéra. 17-IV-2007. Salvatore Sciarrino (né en 1947) : Luci miei traditrici, opéra en deux actes sur un livret du compositeur. Alexander von Zemlinsky (1871-1942) : Une Tragédie Florentine, opéra en un acte sur un livret du compositeur. Mise en scène et lumières : Georges Lavaudant. Costumes et décors : Jean-Pierre Vergier. Avec : Maria Riccarda Wesseling, La Duchesse Malaspina / Bianca ; Urban Malmberg, Le Duc Malaspina / Simone ; Matthias Koch, L’Hôte ; Andreas Jeaggi, Le Serveur ; Hugh Smith, Guido Bardi. Orchestre de l’Opéra de Lyon, direction musicale : Jonathan Stockhammer.

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Avec le compositeur sicilien , c'est le dépaysement musical total.

Malgré un très bel intermezzo aux étonnants accents baroques, la musique de Sciarrino n'offre aucun repère, aucune mélodie, aucun air auquel le chanteur pourrait se raccrocher. Au début, l'articulation vocale dérange, énerve même. Un chant saccadé d'où sont supprimés les toniques de la langue rendant la prosodie fréquemment incompréhensible. Comme si les protagonistes communiquaient par onomatopées, par hoquets successifs. Leurs mots susurrés, confidents, sont suivis de touches musicales légères comme un prolongement des mots. Mais, peu à peu s'installe un étrange climat forçant le spectateur à s'immerger dans cette musique.

C'est alors que le théâtre prend ses quartiers. Devant deux portes surprenantes de gigantisme comme de perspectives, des projections de vols d'oiseaux varient avec l'intensité de l'intrigue. met en scène ce crime d'honneur alors que Jean-Pierre Vergier en dessine le décor et les somptueux costumes. Comme dans un ballet au ralenti, quelques gestes, quelques regards en révèlent les atmosphères. Inconscient messager de la Mort, le Duc de noir vêtu, dévoile sa fragilité lorsqu'il défaille à la vue d'une goutte de sang perlant au doigt de son épouse. Puis, l'infidélité de son épouse divulguée par un valet suscite sa vengeance. Par son honneur bafoué, il dépasse sa crainte du sang en tuant le dénonciateur, l'amant et enfin la Duchesse avant de partir rongé à jamais par le tourment.

Dans cette épreuve musicale d'une complexité incroyable, la mezzo-soprano (La Duchesse Malaspina) enveloppe cette mélopée de «tachiste» dans un manteau vocal superbe. Le langage déstructuré du livret ne l'empêche pas de colorer son chant pour que l'expression du sentiment dépasse la parole. Un travail de dentellière auquel se joint l'agilité phénoménale du basse-baryton (Le Duc).

Aussi déroutante que soit cette musique, elle reste l'expression d'une nouveauté d'un intérêt majeur. Bien au-dessus des habituels canons si souvent attachés à la musique contemporaine.

Si l'intrigue de La Tragédie Florentine s'articule dans un parallélisme absolu avec celle de , la musique d' est autrement plus descriptive des atmosphères dramatiques qu'elle veut exprimer. Les canons de la Grande Guerre résonnent encore dans les assénements orchestraux de Zemlinsky. Puisant aux tréfonds de son âme bouleversée par ses complexes d'homme repoussé par les femmes, le compositeur viennois ne pouvait qu'en ressentir la douleur dans ce drame de la jalousie et de l'avidité.

Usant du même décor (Jean-Pierre Vergier), semble plus à l'aise que dans Luci miei traditrici, son discours scénique clair faisant merveille (aucun besoin de lire les surtitres). Le geste inspiré par la musique au lyrisme exacerbé de Zemlinsky est inévitablement plus proche de notre réalité que le minimalisme musical de Sciarrino. La main caressante de Guido se retirant subitement du dessous de la robe de Bianca dès l'irruption de Simone, son mari, suffit à montrer la trahison.

Dans ce concerto pour baryton-basse, l'excellent acteur est impressionnant. Après un début un peu hésitant, la voix souffrant d'un vibrato excessif, il se ressaisit pour offrir une prestation d'un niveau artistique exceptionnel. Avec ses moyens pleinement retrouvés, ne ménageant aucunement son instrument, il crée une tension dramatique de plus en plus insoutenable au fur et à mesure que transparaissent la trahison de son épouse et les sarcasmes de son amant. Malheureusement, engoncé dans un costume ne le mettant pas en valeur, l'imposante stature et la vaillance du ténor (Guido Bardi) (dernièrement Lohengrin dans ce même opéra) ne suffisent pas à faire oublier l'impossible et piètre acteur. Quant à elle, expressive jusqu'au bout des ongles, la mezzo-soprano (Bianca) régale son auditoire d'une voix envoûtante et musicale à souhait.

On s'étonnera enfin de la liberté prise par le metteur en scène lorsque, après avoir tué l'amant, Simone étrangle son épouse alors que le texte et la musique de Zemlinsky décident de lui garder la vie sauve. De quel droit un metteur en scène ne respecte-t-il pas l'aspect héroïco-pathétique de ce revirement subit issu de l'essence créatrice du librettiste et compositeur ?

Reste que dans ce «match» entre Sciarrino et Zemlinsky, l'école contemporaine de l'écriture musicale contre celle mahlérienne des débuts du XXe siècle, le minimalisme de Sciarrino ne perd en rien de la dramaticité expressive par rapport à Zemlinsky. Chacun, à sa manière, réussit à sublimer l'émotion de la trahison et de la vengeance. Une preuve parfaitement administrée dans cette belle et intéressante production lyonnaise.

Crédits photographiques : © Bertrand Stofleth / Alain Franchella

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Lyon. Opéra. 17-IV-2007. Salvatore Sciarrino (né en 1947) : Luci miei traditrici, opéra en deux actes sur un livret du compositeur. Alexander von Zemlinsky (1871-1942) : Une Tragédie Florentine, opéra en un acte sur un livret du compositeur. Mise en scène et lumières : Georges Lavaudant. Costumes et décors : Jean-Pierre Vergier. Avec : Maria Riccarda Wesseling, La Duchesse Malaspina / Bianca ; Urban Malmberg, Le Duc Malaspina / Simone ; Matthias Koch, L’Hôte ; Andreas Jeaggi, Le Serveur ; Hugh Smith, Guido Bardi. Orchestre de l’Opéra de Lyon, direction musicale : Jonathan Stockhammer.

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