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Jane Archibald, Zerbinetta de feu

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Genève. Grand Théâtre. 14-IV-2007. Richard Strauss (1864-1949) : Ariadne auf Naxos, opéra en un prologue et un acte sur un livret d’Hugo von Hofmannsthal. Mise en scène : Christof Loy. Décors et costumes : Herbert Murauer. Lumières : Jennifer Tipton. Chorégraphie : Beate Vollack. Avec : Wolfgang Barta, Le Majordome ; Nina Stemme, Ariadne / Prima Donna ; Jane Archibald, Zerbinetta ; Katarina Karneus, Le compositeur ; Stefan Vinke, Le Ténor / Bacchus ; Henrike Jacob, Naïade ; Clara Ek, Echo ; Nicolas Carré, Le Perruquier ; Lionel Grélaz, L’Officier ; Brett Polegato, Arlequin ; Eike Wilm Schulte, Le Maître de musique ; Alexander Kravets, Scaramouche ; Olivier Ringelhahn, Le Maître à danser ; Martin Snell, Truffaldino ; Bernard Richter, Brighella ; Isabelle Henriquez, Driade ; Phillip Casperd, un laquais. Orchestre de la Suisse Romande, direction : Jeffrey Tate.

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Lorsqu'un des rôles-clé est abandonné par sa titulaire, c'est la panique dans les rangs de la direction d'un théâtre. Trouver celle qui sera libre aux dates des représentations limite souvent le choix à un échantillon de cantatrices désœuvrées ou sans expérience.

Ainsi lorsque la soprano , l'inoubliable Rossignol des Oiseaux de Walter Braunfels a déclaré forfait pour sa Zerbinetta genevoise, on imagine aisément l'agitation qui s'est propagée dans les bureaux du Grand Théâtre de Genève. Qui aujourd'hui pour chanter ce rôle que les Edita Gruberova et autre ont scellé de leur agilité ? Alors que les programmes étaient déjà imprimés, c'est la soprano canadienne , prochaine Reine de la Nuit de Die Zauberflöte de la saison genevoise 2007/2008, qui a accepté de tenter sa chance dans ce rôle qu'elle a appris en quatre semaines ! Avec le feu qu'elle a apporté à son personnage, non seulement d'un point de vue vocal mais encore scéniquement, il a été donné au public genevois de découvrir l'un des plus sûrs talents du théâtre lyrique de demain. D'une voix magnifiquement conduite, la jeune (et très jolie) soprano s'est joué des écueils de la partition straussienne avec une arrogante désinvolture. Son « Grossmächtige Prinzessin » est déroutant d'aisance et superbe d'intelligence. La lecture théâtrale que la jeune femme fait de cet air est un modèle du genre, repoussant loin derrière elle bien des références que l'art lyrique a laissé. Une Zerbinetta de feu !

Mais si sa prestation conquiert le public, c'est aussi que la production genevoise est louable sous bien des points de vue. Ainsi, en choisissant de transposer cette Ariadne auf Naxos dans un monde contemporain, puise sa vérité dans l'essence même de l'œuvre de et de son génial librettiste Hugo von Hofmannsthal.. Illustrant les incongruités de la société actuelle, il brosse un tableau peu complaisant des artistes, de divas à petits rôles. Il plaque ainsi leur image à notre société où les conflits s'entrechoquent entre nantis et petites gens. Acteurs, chanteurs, compositeur, scénariste, chorégraphe, tous bardés de leur suffisance et de leur égocentrisme, se retrouvent au sous-sol d'un immeuble cossu où des loges d'artistes ont été aménagées tant bien que mal. Là, le narcissisme de chacun éclate. Sautes d'humeur, regards dédaigneux, toutes les facettes de l'orgueil et des échelles sociales y sont admirablement montrées. Soignant le détail des comportements à l'extrême, la remarquable direction d'acteurs ne laisse aucun personnage de l'intrigue dans l'inaction. Pourtant, si chacun grouille de mille et mille et un gestes, jamais les seconds plans ne prennent le pas sur les protagonistes du moment.

Fresque humaine des alliances fragiles prêtes à se souder comme à se défaire. Ainsi, lorsque le majordome (excellent Wolfgang Barta) annonce la décision du maître de maison de jouer les deux spectacles prévus en un seul, les artistes contraints aux changements, d'ennemis qu'ils étaient quelques instants auparavant se retrouvent soudain unis contre l'ignorance de l'Art démontrée par les forces de l'argent. On jouera donc la tragédie d'Ariadne aus Naxos en même temps que la pièce comique de quatre acrobates. Seul le compositeur (ou la Musique ?) semble être au-dessus de ces contingences. Il n'a de regard que pour son œuvre dont il exalte la beauté. Dans cet hymne au lyrisme exacerbé, le lustre vocal de la mezzo-soprano Katarina Karneus (Le compositeur) fait merveille. Mais que ne s'est-elle laissé aller à un plus grand engagement théâtral ?

Après ce brillant Prologue, on entre dans la mise en abyme de l'œuvre avec l'acte d'Ariadne, dont on suit le propos théâtral du Compositeur. Le théâtre reprend ses droits avec une relecture du mythe d'Ariadne abandonnée par Thésée. La grotte de la mythologie est remplacée par un sombre boudoir anglais du XVIIIe siècle décoré de peintures murales de Constable. Dans cette ambiance résolument obscure, la fraîche (Naïade), l'étrange voix de (Echo) et l'intéressante vocalité d'Isabelle Henriquez (Driade), toutes trois admirables musiciennes, vêtues de strictes robes noires, s'inquiètent de la tristesse de leur maîtresse. Affaissée sur sa coiffeuse Régence, (Ariadne) laisse alors s'envoler les accents d'une voix dont la beauté hiératique transperce le cœur. Depuis son Elisabeth du Tannhäuser de la saison 2005/2006, la soprano semble ne plus avoir besoin de se mouvoir sur scène tant son personnage existe aux seules couleurs d'une voix chargée d'une profonde et émouvante mélancolie. Le sceau des voix habitées. Elle abandonnera son désespoir lorsque Bacchus () lui proposera de le suivre. Si les premiers pas du ténor ne sont pas très convaincants, son chant se fait plus probant dans la deuxième partie de sa longue intervention. La difficulté d'un air chanté dans le registre élevé de la voix n'est sans doute pas étranger à cette retenue initiale.

A couronner cette très brillante production qui devrait faire date dans les annales du Grand Théâtre de Genève, la direction d'orchestre de est agréablement diversifiée. Très découpée, presque sèche dans le Prologue, elle se fait plaisamment lyrique dans l'Acte, conduisant un plein de charme.

Crédit photographique : © GTG / Isabelle Meister

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Genève. Grand Théâtre. 14-IV-2007. Richard Strauss (1864-1949) : Ariadne auf Naxos, opéra en un prologue et un acte sur un livret d’Hugo von Hofmannsthal. Mise en scène : Christof Loy. Décors et costumes : Herbert Murauer. Lumières : Jennifer Tipton. Chorégraphie : Beate Vollack. Avec : Wolfgang Barta, Le Majordome ; Nina Stemme, Ariadne / Prima Donna ; Jane Archibald, Zerbinetta ; Katarina Karneus, Le compositeur ; Stefan Vinke, Le Ténor / Bacchus ; Henrike Jacob, Naïade ; Clara Ek, Echo ; Nicolas Carré, Le Perruquier ; Lionel Grélaz, L’Officier ; Brett Polegato, Arlequin ; Eike Wilm Schulte, Le Maître de musique ; Alexander Kravets, Scaramouche ; Olivier Ringelhahn, Le Maître à danser ; Martin Snell, Truffaldino ; Bernard Richter, Brighella ; Isabelle Henriquez, Driade ; Phillip Casperd, un laquais. Orchestre de la Suisse Romande, direction : Jeffrey Tate.

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