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Dijon. Les Dominicains. 30-III-2007. Jean Françaix (1912-1997) : Octuor pour quatuor à cordes, contrebasse, clarinette, cor et basson (1972). Franz Schubert (1797-1828) : Octuor en fa majeur pour cordes et vents, opus posthume 166 D. 803 (1824). Régis Pasquier, violon et direction ; solistes de la Camerata de Bourgogne : Jean-François Corvaisier, violon ; Valérie Pélissier, alto ; Laurent Lagarde, violoncelle ; Pierre Sylvan, contrebasse ; Eric Belleudy, clarinette ; Patrick Vilaire, basson ; Martial Prost, cor.
Camerata de Bourgogne
Heureux Dijonnais, à qui l'éventail des sorties culturelles du vendredi soir offre un large choix ! Et bien avisé le public qui aura arrêté le sien à ce concert donné en l'ancienne église des Dominicains ; un lieu particulièrement cher aux chambristes, musiciens et amateurs. Même qu'on eût souhaité, pour le bonheur des uns et des autres, affluence plus massive de ces derniers ; car outre l'attrait représenté par la notoriété des interprètes : Régis Pasquier, chef invité de la Camerata, et le gratin des solistes de l'ensemble, réunis en octuor, le programme était particulièrement motivant. Juxtaposer – et non confronter, encore moins opposer – les octuors de Franz Schubert et de Jean Françaix, que voilà une bonne idée ! Surtout si l'on se souvient que Jean Françaix composa le sien « à la mémoire vénérée » du maître viennois. Modeste, l'élève de Nadia Boulanger considérait que cette initiative pouvait évoquer « l'amitié hasardeuse entre le pot de terre et le pot de fer, laquelle semble peu recommandable aux yeux du fabuliste La Fontaine ». Aussi, engageait-il le public à « juger de [sa] témérité ».
Qu'il soit alors rassuré, du haut du Walhalla des musiciens : son octuor, conçu pour la même formation instrumentale que celui de Schubert, cette terre-là est digne des plus nobles (et solides !) céramiques. Et cette œuvre s'écoute toujours avec un réel plaisir. S'adressant à ceux qu'il appelait son « cher public averti », Jean Françaix, à l'instar des Poulenc, Sauguet et autre Tomasi, pour qui importe la notion de plaisir, lui recommande d'» écraser de [son] fondement puissant le snobisme, la mode et les envieux ; et surtout de se laisser aller à [son] plaisir…si toutefois il en éprouve. » Si plaisir il y a déjà en germe, dans la partition, Régis Pasquier et les musiciens de la Camerata s'emploient magnifiquement à le distiller et l'épanouir, avec un jeu tout d'équilibre et de rondeur dans le son, une grande précision des attaques et des rythmes et un soin tout particulier à souligner la fraîcheur et l'humour de l'œuvre. Un humour déjà présent dans le concertino pour piano et dans la sérénade pour petit orchestre ; une intention malicieuse qui n'est pas sans rappeler certaines pièces de Stravinsky ou même Chostakovitch, dans les deux mouvements les plus allants : le second, Scherzo et trio et surtout le quatrième (et dernier) Mouvement de valse, finement caricatural.
Thierry Caens (directeur-fondateur de la Camerata) et le staff ayant sympathiquement convié leur public à déguster, en toute convivialité, un verre de chablis à l'entracte, c'est l'esprit parfaitement préparé à l'ambiance « schubertiade » que l'auditoire peut alors goûter au « pot de fer »…
Avec les derniers quatuors, les deux grands trios et le quintette à deux violoncelles, l'octuor en fa occupe naturellement une place de choix dans la musique de chambre du compositeur. Œuvre de proportions considérables (en six mouvements ! Et d'une durée dépassant l'heure), elle exige d'abord une bonne homogénéité de l'ensemble instrumental : huit solistes qui « font leur numéro », ça craint, comme on dit familièrement. Mais nos musiciens, fort aguerris à la discipline chambriste, ne tomberont pas dans ce travers. Les talents individuels – indéniables – fondus dans un collectif d'exemplaires cohésion et connivence fournissent une version forcément convaincante ; même si on eût pu souhaiter, côté vents (clarinette, cor) – Ah ! Les habitudes d'écoute…– un peu plus de mœlleux, de « velours » dans le son, ici ou là. Mais la parfaite justesse d'intonation, la clarté du discours, le bel équilibre général, le brio de la technique instrumentale, autant de qualités réunies ici, confèrent à cette interprétation valeur d'incontestable réussite. Et s'il faut hiérarchiser les plans de réussite, on mettra volontiers en avant le populaire et joyeux Allegro vivace du troisième mouvement, superbement enlevé, de même que le quatrième mouvement Andante à variations, qui permet, plus ici qu'ailleurs, d'apprécier les qualités individuelles ; enfin, l'Andante molto de « clôture » et le magnifique rendu de soudaine dramatisation dans les premières mesures par les cordes graves en trémolos. La discrète – mais efficace – direction de Régis Pasquier (mouvement d'épaule, de menton ou simple haussement de sourcil) n'est sans doute pas étrangère à ce parcours sans faille. Et son sens exquis de la justesse de style, de la musicalité, de même que les aigus adamantins qu'il obtient de son violon participent grandement de son agrément.
Merci donc et bravo aux musiciens de la Camerata et à leur chef invité pour ce délicieux « moment musical ».
Crédit photographique : © Patrice Thomas
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Dijon. Les Dominicains. 30-III-2007. Jean Françaix (1912-1997) : Octuor pour quatuor à cordes, contrebasse, clarinette, cor et basson (1972). Franz Schubert (1797-1828) : Octuor en fa majeur pour cordes et vents, opus posthume 166 D. 803 (1824). Régis Pasquier, violon et direction ; solistes de la Camerata de Bourgogne : Jean-François Corvaisier, violon ; Valérie Pélissier, alto ; Laurent Lagarde, violoncelle ; Pierre Sylvan, contrebasse ; Eric Belleudy, clarinette ; Patrick Vilaire, basson ; Martial Prost, cor.