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Il était une fois… L’Or du Rhin à Strasbourg

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Strasbourg. Opéra national du Rhin. 24-II-2007. Richard Wagner (1813-1883) : Das Rheingold, drame lyrique en un acte et quatre tableaux sur un poème du compositeur. Mise en scène : David McVicar. Décors et costumes : Rae Smith. Lumières : Paule Constable. Chorégraphie : Andrew George. Avec : Jason Howard, Wotan ; Hanne Fischer, Fricka ; Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, Loge ; Oleg Bryjak, Alberich ; Colin Judson, Mime ; Julian Tovey, Donner ; Carsten Suess, Froh ; Ann Petersen, Freia ; Clive Bayley, Fasolt ; Günther Groissböck, Fafner ; Alexandra Kloose, Erda ; Cécile de Bœver, Woglinde ; Susanne Reinhard, Wellgunde ; Sylvie Althapparo, Flosshilde. Petits chanteurs de Strasbourg (chef de chœur : Philippe Utard), Orchestre Philharmonique de Strasbourg, direction : Günter Neuhold

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Production très attendue de la saison strasbourgeoise, cet Or du Rhin marquait tout d'abord le début d'une nouvelle Tétralogie en terre rhénane, répartie sur quatre saisons successives.

Mais l'événement était surtout dans la toute première mise en scène du Ring (et la première incursion dans l'univers wagnérien) de , devenu en quelques années un incontournable de la scène lyrique, tant par l'abondance que la fréquente réussite de ses spectacles, au caractère souvent décapant.

Le metteur en scène surprend à nouveau, cette fois par une lecture très littérale, collant au texte, à cent lieues de la transposition ironique ou des arrière-plans psychologiques voire politiques qu'on attendait. C'est un conte limpide et finalement tout simple qu'il nous donne à voir, une histoire féerique que même les enfants sont à même d'appréhender et de comprendre. Tenant compte des moyens techniques limités de l'Opéra du Rhin, le décor unique de Rae Smith s'adapte très fonctionnellement aux diverses péripéties de l'action. L'évocation des mondes successifs traversés est laissée aux éclairages très colorés et très réussis de Paule Constable : bleu et vert dans les profondeurs du Rhin, blanc éclatant pour le séjour des Dieux, rouge et or dans le monde souterrain des Nibelungen et, comme il se doit, toutes les irisations de l'arc-en-ciel pour la montée finale au Walhalla. Quant aux costumes, ils évoquent un Moyen-âge teinté d'un orient hindou (Loge) ou nippon (Donner).

Comme à son habitude, c'est dans une direction d'acteurs chorégraphiée d'une précision exceptionnelle et qu'on imagine longuement travaillée que trouve l'essentiel de sa réussite. Les Filles du Rhin nagent vraiment en rampant sur la scène. Les Dieux, tant qu'ils restent dans leur rôle de divinité, portent des masques de kabuki mais dévoilent leur visage dès qu'ils se laissent gouverner par des passions trop humaines et se font voler ces masques en même temps que Freia. Les géants, montés sur des cothurnes, évoquent des guerriers Masai. Les Nibelungen « à tête de patate » sont visuellement moins convaincants mais les Petits Chanteurs de Strasbourg, qui les incarnent, donnent une belle illustration de cette troupe servile et terrorisée. Enfin, le rôle essentiel de Loge, véritable meneur du jeu comme l'avait si bien montré Patrice Chéreau à Bayreuth, bénéficie d'un traitement de faveur ; rouge de la tête aux orteils, le Dieu du feu apparaît comme une image de Shiva à six bras (deux figurants le complètent en quasi permanence) et danse son rôle autant qu'il ne le chante. Enfin, l'illusionniste Paul Kieve apporte sa compétence pour nous donner à « voir » réellement et de manière crédible les scènes de magie et de transformation.

Les chanteurs s'investissent avec plus ou moins de bonheur dans cette direction d'acteurs au cordeau. Impérial de bout en bout, le Loge de est idéal (et pourtant, il s'agit d'une prise de rôle !) ; la voix a la tessiture exacte du rôle, avec ce caractère insinuant et fourbe qui fait les grands titulaires, la liberté du jeu d'acteur est totale, la diction parfaite. Quasiment au même niveau, l'Albérich de est impressionnant, puissant et superbement chantant. Le Wotan de (prise de rôle encore) nous est apparu en retrait. Son Dieu suprême est effacé, quasi-dépressif et manquant singulièrement d'autorité, choix de mise en scène peut-être mais aussi en raison d'un timbre inhabituellement clair dans ce rôle, d'une diction pâteuse qui ne parvient pas à faire claquer les consonnes et allitérations du texte wagnérien et d'une fatigue perceptible en fin de représentation. Les sonores Fasolt de Clive Bayley et Fafner de Günther Broissöck, la Fricka très « femme au foyer » de Hanne Fischer, l'émouvante Erda de Alexandra Kloose et un trio de Filles du Rhin assez homogène complètent, entre autres, cette distribution plutôt réussie. N'oublions pas le Mime bondissant de Colin Judson, qu'on espère retrouver plus longuement dans Siegfried.

Spécialiste de Wagner et de Strauss, le chef livre une lecture assez classique mais attentive et soignée (mise en évidence des leitmotive par exemple). Il n'est malheureusement pas suivi dans ses intentions par un en très petite forme, aux pupitres trop souvent défaillants (problèmes récurrents aux cuivres notamment) et aux tutti malingres.

Les nostalgiques d'un Wagner mythique avec scénographie hollywoodienne et voix de format historiques, comme l'ont connu le XIXe et la première moitié du XXe siècle auront été certainement déçus. L'auront été plus encore les tenants d'une relecture psycho-sociologique de la mythologie, comme tant de productions de la seconde moitié du XXe siècle s'y sont essayé avec des bonheurs divers. a fait le choix d'un retour aux origines de la légende, dans toute sa simplicité (certains diront simplisme) et dans son universalité atemporelle et multi-ethnique. Osons le dire, cette vision très illustrative, fraîche, presque naïve mais, théâtralement, formidablement assumée fonctionne de manière remarquable. Et on a hâte de voir comment elle va évoluer dans les volets suivants…

Crédit photographique : © Alain Kaiser

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