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Nancy. Salle Poirel. 8-II-2007. Maurice Ravel (1875-1937) : Pavane pour une Infante défunte ; Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Concerto n°3 pour violon et orchestre en si mineur op. 61 ; César Franck (1822-1980) : Symphonie en ré mineur ; Olivier Charlier, violon ; Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy, direction : Pascal Verrot.
Olivier Charlier et l'Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy
Qui a dit que les Français n'aimaient pas la musique française ? Un ancien Ministre de la Culture, un compositeur contemporain un peu égocentrique, ou… on ne sait plus. A vrai dire, c'est peu important, car on a la preuve du contraire. A en croire l'accueil fait hier soir à la Salle Poirel à Ravel, Saint-Saëns et Franck, le public de Nancy est bien en phase de devenir un champion du goût français, et son orchestre… une phalange de premier choix dans l'interprétation de son répertoire. Est-il besoin de rappeler que c'est précisément l'O. S. L. N. qui réalise en ce moment le premier enregistrement intégral (chez Timpani) des Symphonies d'un autre Français, Joseph-Guy Ropartz, qui fut longtemps le directeur musical en ces lieux. Orchestre français, soliste et chef français, programme français ; adéquation parfaite ?
Le concert débute par une pièce courte, la Pavane pour une Infante défunte, dans sa version symphonique de 1910. L'œuvre, basée sur la version pour piano créée vingt et un ans auparavant, est dédiée à la Princesse de Polignac, mais elle est aussi pleine du souvenir de Ravel de cette côte basque de sa jeunesse, et projette d'éphémères effluves hispanisantes. Simplicité du thème et des ses variations, sobriété de l'orchestration, c'est une pièce simple que Ravel portera en affection, mais dont, comme le Boléro, il ne comprendra pas le succès phénoménal. Dommage, car sous la baguette de Pascal Verrot, le Symphonique de Nancy trouve une belle interprétation, aussi simple que l'œuvre peut l'être elle-même, homogène et douce. Après un timide début du cor solo, l'orchestre a fait entendre de merveilleux passages, dans un charmant legato et une belle sonorité d'ensemble, sans lyrisme exacerbé, mais tout en finesse et en douceur.
Puis entre en scène Olivier Charlier, grand violoniste qui se présente lui-même comme l'héritier de l'Ecole française du violon de Ginette Neveu et de Christian Ferras : qui donc mieux placé que lui pour interpréter le Concerto n°3 de Saint-Saëns. Composé en 1880, dédié à Pablo de Sarasate, il est composé de manière traditionnelle en trois mouvements, sans cadence, mais laissant tout de même la part belle au violon, qui se doit d'être virtuose sans excès, mais raffiné et élégant à l'extrême. Olivier Charlier semble tout approprié pour ces qualités : un son racé, un jeu d'archet parfait et rapide (le troisième mouvement !), une technique inébranlable (les harmoniques à la fin du second mouvement, quasi-parfaites). Il propose ici une interprétation plutôt joyeuse et dynamique de ce concerto, usant souvent de marcato, d'accents dynamiques, mais sans en oublier la sensibilité, comme dans le second mouvement, l'Andantino, empreint de rêverie et de douceur. Tout juste pourra-t-on lui reprocher un tempo un peu rapide dans les deux premiers mouvements, mais ce choix reste compréhensible dans l'optique d'une vision plus légère et moins « sage » de ce Concerto. C'est dans le troisième mouvement que la virtuosité d'Olivier Charlier s'affirme le plus, sans en faire trop, très brillamment accompagné par un orchestre souple, incisif, et très équilibré, sous la direction rapide de Pascal Verrot. Un magnifique accelerando final du soliste, parfaitement suivi par l'orchestre, clôt cette interprétation d'une façon explosive et brillante. En bref, une très belle exécution de ce Concerto, tant du côté du soliste, inspiré, que de l'orchestre, enjoué, qui permet à Olivier Charlier de prétendre très dignement à sa place dans la grande lignée des Francescatti, Thibaud et autres…
La dernière œuvre de ce programme français est la Symphonie en ré mineur de César Franck, unique symphonie du compositeur, créée en 1889 et qu'il décrit lui-même comme « osée » : une forme cyclique domine dans les trois mouvements (en fait quatre, puisque l'Allegretto contient l'Andante et le Scherzo), créant un lien thématique et une grande homogénéité dans la symphonie, les thèmes majeurs et mineurs se liant, se transformant, réapparaissant, sans complexe, comme dans un grand brassage musical. Clin d'œil à Beethoven dans le premier mouvement, qui contient le thème du Muss es sein, variations de timbres et de tonalités tout au long de l'œuvre, la Symphonie en ré mineur explore une grande partie des possibilités orchestrales de l'époque. A ce jeu là, l'O. S. L. N. a proposé une merveilleuse version, saluée chaleureusement par le public. Il emploie une gestique très particulière : curieux mélange de Seiji Osawa dans l'exubérance de ses mouvements, de Bernstein dans leur précision, de Furtwängler, pantin désarticulé dans les moments de paroxysme sonore et rythmique, Pascal Verrot n'en propose pas moins une vision personnelle de l'œuvre des plus intéressantes. Il tire de l'orchestre une vaste palettes de nuances, de couleurs, de dynamiques dans les tutti ; une mention spéciale aux pupitres des cuivres, et surtout des bois, pour leur engagement tout au long de la soirée. La symphonie se clôt, après un très beau mouvement lent entre tendresse et trouble, dans un magnifique fortissimo effusif, joyeux, éclatant, que Joseph-Guy Ropartz décrivait lui-même comme le « motif d'allégresse » de la symphonie.
Un voyage dans la musique française parfaitement réussi, donc, pour Olivier Charlier, Pascal Verrot et l'Orchestre Symphonique et Lyrique de Nancy, qui ont réussi à convaincre, sans aucune difficulté, le public nancéien. Lors du prochain concert, en mars, David Grimal entraînera la salle Poirel et les musiciens, sous la baguette de Jonathan Webb, dans un voyage vers l'Est : Bohuslav Martinů, Serge Prokofiev et Zoltán Kodály au programme.
Crédit photographique : © DR
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