Galina Ustvolskaya (Petrograd, 17 juin 1919- Saint-Pétersbourg, 22 décembre 2006)
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Il en est ainsi de certains compositeurs : tellement atypiques et secrets que même leur décès n’est mis que tardivement au grand jour. Passée de vie à trépas le 22 décembre dernier, l’annonce de la mort de la compositrice Galina Ustvolskaya n’est parvenue dans nos contrées qu’avec le Nouvel An.
Ce n’est pas la première surprise que nous livre cette formidable créatrice. Ancienne élève de Dimitri Chostakovitch – les rumeurs leur ont prêté une liaison amoureuse passagère – elle est nommée dès 1948 professeure de composition au Conservatoire de Leningrad et compta parmi ses élèves Boris Tichtchenko et Victor Kissin. Elle mena sa vie en ermite, sortant peu, fuyant le contact humain. La découverte de sa musique lors de la fonte du bloc communiste fut vécue comme un véritable électrochoc.
Galina Ustvolskaya aimait dire deux phrases à propos de sa musique : « ma musique de chambre n’est pas de la musique de chambre, même quand c’est une sonate pour instrument seul » et « ceux qui disent réellement aimer ma musique ne devraient pas en faire d’analyse théorique ». Le musicologue néerlandais Elmer Schönberger la décrivait comme « la femme au marteau » et le compositeur Viktor Suslin l’appelait « le trou noir » en raison de la densité de ses œuvres.
Son catalogue est restreint, Galina Ustvolskaya revenait souvent sur ses créations, quitte à en supprimer certaines. Musique fortement expressive, violente, aux dynamiques extrêmes, souvent empreinte de religiosité ou de spiritualité, la plupart de ses partitions durent dormir au fond des tiroirs lors de la période soviétique. Comme bien des compositeurs de sa génération, elle dût répondre à diverses commandes officielles, que ce soit pour des films de propagande ou des cérémonies. Jouée lors de l’Automne Musical de Varsovie, premier festival de musique contemporaine du Bloc de l’Est (qui vit la première consécration de Krzysztof Penderecki comme compositeur), puis en 1958 lors d’une visite de la Délégation des compositeurs américains, ses œuvres avaient fortement impressionné l’auditoire, ne laissant, de la haine à l’admiration, personne de marbre. Le compositeur Roy Harris (membre de la délégation américaine) trouvait cette musique d’une « laideur royale » tandis que Stravinsky et Robert Craft ont été durablement impressionnés.
Lors de la politique de la Glasnost de Gorbatchev, la musique d’Ustvolskaya put enfin être jouée en Occident, au Wiener Festwochen puis au Festival d’Heidelberg. Soutenue par des artistes de premier plan tel Mstislav Rostropovitch ou Reinbert de Leew, enregistrée par la firme MegaDisc, Galina Ustvolskaya n’est apparue qu’une seule fois à un concert de ses œuvres, en 1996 lors du Festival de Hollande.
Esthétique unique en son genre, la musique de Galina Ustvolskaya a traversé le siècle comme celle de Scelsi : unique et isolée. Si on retrouve des affinités avec Olivier Messiaen, peut on parler d’influence ? La musique du compositeur français avait été interdite en URSS dès 1948 par Tikhon Khrennikov. L’aspect incantatoire de son œuvre la rapproche souvent de Giacinto Scelsi, qui lui-même a longtemps vécu dans un isolement total du monde. Le seul élément extérieur qui a pût influer sa création était sans nul doute Chostakovitch, mais la créatrice aimait à répéter : « il n’y a aucun lien entre ma musique et celle d’un autre compositeur, qu’il soit mort ou vivant. »