Nangialai Nashir : Fantasías y homanajes de España

Un enregistrement d'un guitariste peu connu est toujours écouté avec curiosité, d'autant que le parcours de Nangialai Nashir est particulièrement riche tant des maîtres avec lesquels il a travaillé que des concours internationaux qu'il a remporté à en lire le livret. Ce disque consacré à des fantaisies et hommages de compositeurs espagnols commence par une pièce maîtresse du répertoire de la guitare du XXe siècle. Un monument s'il en est que Rodrigo composa en 1961 en hommage à Manuel de Falla.

Malheureusement, si la technique du guitariste est évidente, la rudesse et la dureté de la main droite rendent l'Invocacíon y Danza difficile et fastidieuse à l'écoute et ce dès les harmoniques artificielles qui introduisent l'œuvre. Nangialai Nashir fait preuve d'une telle puissance d'attaque que les rasguados présents à la fin de la danse sont presque saturés sans que la prise de son puisse être remise en cause. L'hommage de Falla à Debussy est la seule pièce pour guitare du compositeur. Ecrite à la demande du directeur de la Revue Musicale qui avait sollicité plusieurs compositeurs pour écrire un article ou une pièce en hommage à Debussy, elle reste une pièce choyée des guitaristes. Même si l'on retrouve un touché de main droite assez dur, Nangialai Nashir semble dompter la force de son attaque. L'Homenaje a Tàrrega de Joaquín Turina se sort assez bien de cette technique de jeu par une écriture qui nécessite de la vigueur, que ce soit tant au niveau de la technique que de l'interprétation. Le très célèbre Recuerdos de la Alhambra de Tarrega est ici joué de manière très classique, fluide.

La Fantaisie Elégiaque de Fernando Sor fut composé en hommage à la pianiste française Charlotte Beslaye comme le précise la note que l'on trouve sur la marche funèbre : «Charlotte ! Adieu !». Il semble que ce soit la dernière pièce pour guitare du très prolifique Fernando Sor. Une œuvre d'un grand lyrisme au romantisme prononcé.

Un bon en arrière dans le temps avec deux pièces de Luys Milan qui nous plongent dans le XVIe siècle. L'approche de la musique ancienne a considérablement changé l'interprétation de nombreux interprètes ces trente dernières années, mais il semble que Nangialai Nashir ne soit pas influencé par les travaux de ses confrères musiciens, ni même des luthistes, puisque son jeu ne dénature pas ce que nous pouvions entendre sous les doigts de nos aînés. Cela ne retire pas le mérite d'une lecture propre de ces pièces de Mylan comme celles, plus loin, de son contemporain Alonso Mudarra, mais cela surprend tout de même l'auditeur. Entre ces deux maîtres de la guitare ancienne, étrangement, une pièce plus contemporaine de Roberto Gerhard. Une fantaisie presque dansante qui s'écoute avec plaisir.

Ce disque se termine sur une autre pièce plus récente de Jordi Rossinyol. ¿Ears tú ? est un hommage à Federico Garcia Lorca composé en 2000. Une pièce sombre très intéressante qui paraît bien correspondre au jeu vigoureux de Nangialai Nashir.

Dans l'ensemble, un disque comme on en trouve beaucoup, propre, sans surprise si ce n'est dans les pièces de Gerhard et Rossinyol. On regrette un jeu trop puissant qui nuit parfois à la musicalité.