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Les Huguenots chez Billy Budd

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Giacomo Meyerbeer (1791-1864) : Les Huguenots. Giacomo Lauri Volpi, Raoul ; Antonietta Pastori, Marguerite ; Anna De Cavalieri, Valentine ; Giuseppe Taddei, Nevers ; Nicola Zaccaria, Marcel ; Jolanda Gardino, Urbain ; Giorgio Tozzi, Saint Bris ; Dino Formichini, Tavannes ; Giorgio Tadeo, Thoré. Orchestre et Chœurs de la RAI de Milan, direction : Tullio Serafin. 3 CD Bongiovanni Historical opera collection HOC 043/45. Enregistré live à Milan en 1955. ADD. Pas de notice. Durée 74’40’’, 73’14’’, 43’33’’.

 
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Meyerbeer est un compositeur curieux : s'il n'est plus beaucoup donné de nos jours, il possède son propre fan club, et les amoureux de sa musique sont nombreux, n'hésitant pas à parcourir le monde pour assister à une représentation d'un ses des opéras, collectionnant ses œuvres dans toutes les versions possibles, même les plus improbables. Les plus improbables ? 

Oui, car en ces temps de disette, toute nouvelle version des Huguenots est bonne à prendre, même si celle qui nous préoccupe ici n'est pas vraiment inédite, et même si elle est chantée en italien, coupée, raccourcie, mutilée. Car hélas, le pauvre Meyerbeer n'étant pas considéré comme un auteur « sérieux », chacun se sent plus ou moins le droit de tripatouiller sa musique, chose qu'on n'oserait jamais faire avec par exemple le maître de Bayreuth. Injustice de la postérité.

Les Huguenots, ou plutôt Gli Ugonotti, chanté en italien, donc. Et pudiquement appelée « version en quatre actes », c'est à dire que tout l'acte V est manquant. Raoul saute par la fenêtre de Valentine, on suppose qu'il se fait cueillir sitôt dans la rue, ils ne verront pas ensemble la nuit de la Saint-Barthélemy et le massacre dans l'église, ils ne se marieront pas. Mais ce n'est pas la seule coupure : il y a les « traditionnelles » : des petits bouts de récitatifs, d'interventions, des morceaux d'ensembles, les reprises en général, pour faire plus court, la deuxième strophe de la « Blanche hermine », et puis, plus grave, la romance de Valentine, toute la scène du bandeau, une bonne partie de « Sombre chimère », les deux tiers du duo Marguerite/Raoul… C'est bien simple, les interventions de ces dames se font si rares qu'on se croirait dans un opéra masculin, type Billy Budd !

En revanche, par quelque miracle, le troisième acte, généralement le plus raccourci, est à peine abrégé. Nous entendons le « Rataplan » de Bois-Rosé, la procession des catholiques, les Bohémiennes et leur danse. Pour une fois, l'acte III possède une vraie physionomie. Autre surprise, Urbain chante à la fois sa cavatine « Nobles seigneurs, salut ! » pour soprano, et le rondeau « Non, vous n'avez jamais je gage », qui provient d'une version postérieure, destinée à un page mezzo.

Bien sûr, un page mi-chair mi-poisson, ni soprano ni mezzo, ça manque un peu de gueule, de piquant. La pauvrette ! Son nom n'est même pas mentionné dans la distribution ! (il s'agit de ) Même manque de brillant chez la Marguerite d', qui à vrai dire n'a plus grand chose à chanter, mais qui réussit quand même à faire les contre-notes piquées de son air d'entrée, déjà bien sabré, à l'octave inférieure ! Est-ce un hasard si les interventions féminines sont tellement coupées ?  en Valentine est une honnête troupière, qui se tire avec courage des deux interventions, mais quelles interventions, qui lui restent : les deux grands duos avec Marcel et avec Raoul. On la sent cependant parfois à la limite de ses moyens (une grande respiration avant une descente chromatique – pas très propre – et une aussi grande après !)

Du coté masculin, en revanche, c'est la fête. Quand on vous dit qu'on est dans une représentation d'hommes ! Raoul est interprété par le valeureux , alors âgé de 63 ans. La voix a perdu son velours, mais ni sa clarté ni sa vaillance, le contre ré bémol de « Ah viens », bien accroché, même si c'est de justesse. Les puristes lui reprocheront une émission typée « vériste » mais on aimerait bien connaître, à l'heure actuelle, un ténor – et pas sexagénaire – capable de chanter tout le rôle de Raoul sans faiblir ! chante, lui aussi, un peu trop en force, sans beaucoup de legato, mais quel timbre, quelle puissance, quelle facilité ! Le rôle est cependant un peu aigu pour lui, et son « Que Dieu juge entre nous » point culminant, dans tous les sens du terme, du rôle de Nevers, passe à l'octave inférieure. est un bon Marcel, féroce, farouche et rustique, aux beaux graves bien timbrés, avec là encore un style un peu relâché, pas très « français ».

La direction de est suffocante de justesse et d'à propos, tour à tour grandiose (sans grandiloquence) et intimiste, avec parfois des choix de tempi très lents vraiment surprenants.

La firme Bongiovanni nous avait habitués à mieux, au niveau de la présentation. La distribution est incomplète, il n'y a pas de plaquette, à peine le détail des plages, l'image de couverture présente …en Radamès, le découpage entre les trois CD est fait en dépit du bon sens, les bonus, plusieurs extraits de La Favorite et du Trouvère par le ténor ne datent audiblement pas des mêmes moments ni des mêmes lieux, mais rien n'est précisé.

Bref, à boire et à manger dans ce coffret qui contient néanmoins quelques moments très intenses. Et puis, comme on a dit plus haut, quand on aime, on ne compte pas (on avoue d'ailleurs avec un brin de coquetterie que ces Huguenots sont les treizièmes de notre discothèque personnelle). Pas de quoi bouleverser cependant le peloton de tête, la version Erato sous la direction de avec , pour la probité et l'intégralité, la version Myto sous la direction d' avec Nicolai Gedda pour l'excitation, ni l'un ni l'autre ne se trouvant plus hélas dans le commerce.

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