25 décembre 2006
La musique n’adoucit plus les mœurs. Dans ce monde de brutes qui devient complètement paranoïaque, comment Euterpe va-t-elle trouver sa voie pour continuer à survivre ?
Prenez, par exemple, ce trompettiste qui se retrouve en garde à vue aux Etats- Unis, menottes aux poings et qui ne pourra plus honorer son contrat, car il refuse que son instrument se retrouve en soute comme une simple valise. Et encore, comment prendre à la lettre les dernières directives de certaines compagnies aériennes comme British Airways pour telles ou telles destinations à risque – USA entre autre ! – qui refusent que les musiciens puissent entrer dans la carlingue avec leur violon … Les fabricants d’étuis ont beau se torturer les méninges, ils ne pourront avoir raison face à toutes les absurdités demandées : retirer les cordes d’un violon ou d’un alto en les mettant dans un sachet hermétique « à part » pour que l’instrument puisse voyager en bagage accompagné… Sait-on jamais, le musicien pourrait vouloir étrangler quelqu’un avec une corde de Mi en acier nu, ou sublime ouvrage, filée argent ou or !
Cela nous inspire une petite réflexion ; quel violoniste prendrait le risque de retirer les cordes de son violon en ayant la peur au ventre que l’« âme » tombe et que les « réglages de sonorité » qui ont pris de longues heures puissent être traités avec un tel mépris ? il semblerait qu’un musicien soit devenu un danger pour la société…
Imaginez que Maxime Vengerov, Vadim Repin, Anne-Sophie Mutter ou encore Julia Fischer devraient abandonner leur « précieux » entre les mains de simples bagagistes alors qu’ils ne se risqueraient, au grand jamais, à confier leur Strad ou autre Guarn à n’importe quel luthier qu’ils n’auraient pas choisi ! Le sort qui leur est jeté est de ne plus emprunter que la voie maritime pour respecter leurs contrats. Ils devront dorénavant voyager en bateau, ou au pire jouer sur un instrument de location (vraisemblablement chinois) sur place … Les luthiers reçoivent quotidiennement ce type de demandes …
N’oublions pas que depuis le fameux « 11 septembre » certains musiciens qui avaient le privilège de jouer sur des instruments de prestige ont été sommés du jour au lendemain de remettre au coffre des banques les instruments qu’ils avaient la joie de jouer.
Il est donc fatal de penser qu’au nombre d’instruments existant sur la planète, le public devra se rassasier du jeu du musicien, et non plus de l’interprète de l’instrument. Pourquoi pas ? Mais il y a fort à parier que les multinationales qui ont acheté les fameux instruments ne soient pas vraiment satisfaites d’un tel changement radical qui risque de remettre en cause leurs investissements.
Nous n’évoquerons pas le souci des violoncellistes et des contrebassistes de tous horizons qui à ce jour devaient payer une autre place en avion pour leurs instruments… Du moins, ils ne seront plus relégués comme des handicapés de l’orchestre face à ceux qui pouvaient voyager avec leurs instruments aussi facilement qu’avec un sac à main.
Dans ce monde, qui est de plus en plus paranoïaque, il est dommage que dans peu de temps nous soyons confrontés, une fois de plus, à imaginer la conception de fichiers spécifiques – de la part des Administrations – qui donneraient l’autorisation aux musiciens de voyager avec leurs précieux « binious » afin qu’ils perdent enfin leur statut de pseudo terroristes.