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Les noces se suivent mais…

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Berne. StadttheaterBern. 16-XI-06. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Le Nozze di Figaro, opéra en 4 actes sur un livret de Lorenzo Da Ponte. Mise en scène : Stephan Müller et Monika Maria Trost ; décors : Hyun Chu ; costumes : Mechthild Feuerstein. Avec : Tuomas Pursio, Figaro ; Anne-Florence Marbot, Susanna ; Rudolf Rosen, il Conte Almaviva  ; Simone Nold, la Contessa Almaviva ; Chiara Chialli, Cherubino ; Pier Dalàs, Bartolo ; Eliseda Dimitru, Marcellina ; James Elliott, Don Basilio ; Ayako Tanaka, Barbarina ; Arkadius Burski, Antonio ; Peter Santucci, Don Curzio. Chœur de l’Opéra de Berne (chef de chœur : Lech-Rudolf Gorywoda), Berner Symphonieorchester, direction musicale : Daniel Inbal.

Les Noces de Figaro se suivent mais ne se ressemblent pas. Autant la production de Turin (voir notre critique) était vide de sens, autant le spectacle offert au Stadttheater de Berne est d'une rare intensité tant théâtrale que musicale.

La première pouvant d'ailleurs être la conséquence de la deuxième ou le contraire. Quel théâtre ! quelle intelligence ! quelle direction d'acteurs ! Pourtant, la biographie du dramaturge suisse ne fait pas état de nombreuses mises en scène. A l'opéra, elles se comptent sur les doigts d'une main.

Avant même l'ouverture, scelle l'ambiance de la soirée en plongeant le public dans le microcosme du Comte Almaviva. Du haut du dernier balcon, des servantes de la maison du Comte manifestent bruyamment en jetant des tracts dans la salle. Elles réclament le mariage immédiat de Susanna. Les cris et les protestations enflent jusqu'à l'arrivée du Comte qui, devant le rideau, ordonne à ses employées de se calmer. Le silence revenu, d'un claquement de doigts, le Comte commande aux premiers accords de l'ouverture. Alors, la projection du tableau « L'origine du monde » de Gustave Courbet envahit le rideau de scène transformé en écran géant. Le message est clair, le Comte Almaviva veut user de son droit de cuissage avant que Figaro épouse Susanna. Créant l'ambiance de ce petit monde vivant l'aventure sous le toit du Comte Almaviva, soude un univers de personnages, chacun tirant à lui la couverture de ses enjeux.

Dans son propos, Stephan Müller ne cherche jamais l'épate. Il raconte avec force détails, l'aventure de ses personnages. Jamais dans l'excès, il peint ses protagonistes avec une vérité toute naturelle. Jamais Figaro n'a paru si simple, ni Susanna si amoureuse. Jamais Bartolo si vengeur, ni Marcellina si frustrée, ni le jardinier Antonio si furieux que Cherubino ait piétiné ses géraniums. Furibond, ses plantes brisées dans les bras, il entre dans l'appartement du comte, oubliant dans sa précipitation de retirer ses bottines crottées. Ce n'est qu'arrivé au milieu de la pièce qu'il mesure sa gaffe. Il se débarrassera de ses chaussures en les enlevant sans ménagement d'un geste de ses pieds. Régal scénique que cette scène où le naturel du geste est si présent qu'on n'est plus au théâtre, à l'opéra, mais dans la réalité de la vie courante.

Et pourtant, nous sommes à l'opéra. Même qu'on y chante. Et plutôt bien ! Les protagonistes semblent moulés dans l'intrigue. Comme si Beaumarchais, Da Ponte et Mozart n'avaient créé l'œuvre que pour la scène bernoise. Quelle belle décontraction du baryton (Figaro) quand, balançant du bout des doigts une perruque du Comte, il offre un superbe « Se vuol ballare ». Et comme il raconte admirablement sa déception des femmes dans son « Aprite quegli occhi » final. Quelle légèreté de chant, quelle aisance de la scène avec la très prometteuse soprano (Susanna). Elle s'empare de son rôle pour brosser un personnage empreint de roublardise féminine sans pour autant abandonner une once de sa fraîcheur naturelle. Son duo « Che soave zeffiretto » est un moment de grâce extrême que la jeune soprano distille sans complexe avec une sublime Simone Nold (la Contessa Almaviva). La soprano, que la scène bernoise avait déjà accueillie en mai 2006 pour une admirable Kontanze, vient ici confirmer son talent avec une Comtesse Almaviva touchante aux larmes. Si son « Porgi, amor, qualche ristoro » chanté du fond de la scène est impressionnant de beauté et de sensibilité vocales, les nuances et les couleurs qu'elle offre dans son « Dove sono i bei momenti » restent parmi les moments les plus émouvants de cette soirée. Avec sa qualité de voix, ses pianissimi tirés jusqu'au dernier souffle sans que le son ne perde jamais ni de sa beauté, ni de son intensité émotionnelle, avec son jeu théâtral discret, sensible, ressenti, Simone Nold s'érige en artiste d'exception. Loin de projeter son talent pour étouffer les autres, elle se fond dans son rôle. Et comme il est charmant, le trouble qu'elle affiche devant la passion de Cherubino. Déjà remarqué dans ce rôle au Théâtre des Champs-Élysées, le baryton (il Conte Almaviva) confirme l'excellence de son approche théâtrale et vocale qu'il teinte parfaitement de l'élégance de son rang malgré la suffisance et la brutalité de son personnage. Si la petite voix de Ayako Tanaka (Barbarina) semble être le seul point faible de cette distribution, aucun des autres personnages ne semble laissé au hasard ni du chant, ni du théâtre. Ainsi, aucun des Chiara Chialli (Cherubino), (Bartolo), (Marcellina), (Don Basilio) ou (Antonio) ne démérite. L'évident plaisir de chanter et de jouer une comédie admirablement orchestrée porte chacun à se surpasser, sinon à remplir son rôle en parfaite communion avec l'enjeu de cet opéra.

Cette symbiose extraordinaire de la scène envahit la fosse d'où le chef renvoie les sons d'un Berner Symphonie-Orchester bouillant et pétillant de joie mozartienne. Une grande soirée. La qualité de l'équilibre scénique et vocal de cette production en fait l'une des meilleures qu'il nous a été donné de voir et d'entendre depuis une bonne vingtaine d'années.

Crédits photographiques : © Philipp Zinniker

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Berne. StadttheaterBern. 16-XI-06. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Le Nozze di Figaro, opéra en 4 actes sur un livret de Lorenzo Da Ponte. Mise en scène : Stephan Müller et Monika Maria Trost ; décors : Hyun Chu ; costumes : Mechthild Feuerstein. Avec : Tuomas Pursio, Figaro ; Anne-Florence Marbot, Susanna ; Rudolf Rosen, il Conte Almaviva  ; Simone Nold, la Contessa Almaviva ; Chiara Chialli, Cherubino ; Pier Dalàs, Bartolo ; Eliseda Dimitru, Marcellina ; James Elliott, Don Basilio ; Ayako Tanaka, Barbarina ; Arkadius Burski, Antonio ; Peter Santucci, Don Curzio. Chœur de l’Opéra de Berne (chef de chœur : Lech-Rudolf Gorywoda), Berner Symphonieorchester, direction musicale : Daniel Inbal.

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