Gaetano Donizetti, déluge réussi

Une fois de plus, le label Opera Rara fait honneur à son nom en nous présentant une œuvre quasiment inconnue, car représentée une seule fois depuis les cent cinquante dernières années, à Gênes en 1985 : l'azione tragico-sacra Il diluvio universale de Gaetano Donizetti, composée en 1830.

L'intrigue retrace l'histoire biblique de Noé. Mais pour lui donner une dimension plus humaine et pour accroître la tension dramatique, l'opéra évoque également le destin tragique de Sela, favorite de Cadmo, satrape de la cité babylonienne de Seenaar. Ainsi, Il diluvio universale est une œuvre quelque peu hybride, à mi-chemin entre oratorio et opéra, ressemblant en ce point à Moïse et Pharaon de Rossini. Des prières solennelles et de grandes fresques chorales alternent avec des airs et des cabalettes dans le style plus traditionnel des opéras du jeune Donizetti.

Il diluvio universale fut créé au théâtre San Carlo de Naples le 6 mars 1830. Le jour de la première, le succès des pages musicales fut durablement terni par la machinerie du théâtre, défaillante juste au moment de la scène du déluge. Quatre ans plus tard, Donizetti révisa la partition pour l'opéra de Gênes – c'est grosso modo dans cette version que l'œuvre est ici présentée –, mais là encore, la technique n'était pas au rendez-vous.

Ce n'est pas seulement pour le travail d'éditeur que Opera Rara mérite tous les éloges, mais également pour la qualité supérieure de l'interprétation musicale. Giuliano Carella au pupitre du London Philharmonic Orchestra est un chef idéal pour les opéras de Donizetti. Sa direction tour à tour énergique et élégiaque, passionnante et solennelle, culmine dans une scène du déluge impressionnante et grandiose. Dans le rôle de Noé, nous écoutons avec plaisir la jeune basse italienne Mirco Palazzi. Si la couleur de la voix semble un peu jeune pour le vieux prophète, Palazzi convainc entièrement par la beauté du timbre – homogène, des graves somptueux aux aigus imposants –, par le savoir-faire technique et stylistique et par l'autorité naturelle de son chant. Sela, femme déchirée entre sa foi et l'amour pour Cadmo, est interprétée par Majella Cullagh, habituée des enregistrements d'Opera Rara. Par moments, la voix accuse quelques duretés, voir quelques stridences, cependant compensées par des vocalises éblouissantes et par un engagement dramatique qui force le respect. Aucun reproche en revanche en ce qui concerne le rôle d'Ada, confié à Manuela Custer. Le timbre est charnu, la technique sans failles et l'interprète vibrante d'intensité. Le ténor est ici le méchant. Avec sa voix claire, mais jamais perçante, Colin Lee donne du relief au personnage en négociant habilement une tessiture plutôt centrale. Néanmoins il ose quelques aigus remarquables. Les rôles secondaires sont nombreux sans pourtant permettre à leurs interprètes de se faire remarquer.

Voilà un enregistrement important et réussi dont la valeur est augmentée par une notice fournie et savamment illustrée.