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Il Mondo della Luna? Quand Haydn rencontre Goldoni…

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Reims. Grand-Théâtre. 20-X-2006. Joseph Haydn (1732-1809) : Il Mondo della Luna, dramma giocoso en 3 actes sur un livret d’après Carlo Goldoni. Mise en scène : Francesco Esposito. Décors : Italo Grassi. Chorégraphie : Anouk Dévernaud. Lumières : Serge Simon. Assistante à la mise en scène : Andrea Hlinkova. Avec : Stefano Benini, Ecclitico ; Marie Kalinine, Ernesto ; Carmine Monaco, Buonafede ; Kelly Hodson, Clarice ; Marie-Bénédicte Souquet, Flaminia ; Patricia Schnell, Lisetta ; Mathias Vidal, Cecco. Etudes musicales et clavecin : Inna Pechteniouk. Chœur et ballet de l’Opéra de Fribourg, Orchestre du Grand Théâtre de Reims, direction : Laurent Gendre.

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De l'immense œuvre de , la partie lyrique est injustement la moins populaire.

Antal Dorati fit beaucoup pour sa diffusion en enregistrant pour Philips l'intégralité des opéras composés au château d'Esterhaza, alors que Nikolaus Harnoncourt nous a donné récemment Armida et Orlando Paladino. A la scène, ces opéras sont encore plus rares qu'au disque, Il Mondo della Luna de ce soir au Grand-Théâtre de Reims, faisant presque figure de privilégié avec des représentations à Innsbruck et Berlin d'une production dirigée par René Jacobs en 2001 et 2002, et cette version qui nous vient de Fribourg, et qui a déjà été montée à Nice et à Besançon.

L'opéra fut composé en 1777 à Esterhaza pour les noces d'un des fils du prince Nicolas le Magnifique, sur un livret d'auteur inconnu, d'après Goldoni. Dans cette pièce, Ecclitico est un faux savant qui soutire des fonds à des bourgeois crédules. Parmi ceux-ci, Buonafede, à qui il fait croire qu'il peut l'emmener sur la lune, planète merveilleuse où les vieillards séduisent les jeunes filles, où les hommes commandent en tout, et mènent les femmes par le bout du nez ! En plus d'être riche et niais, Buonafede est le père de deux jeunes filles qu'il destine à de beaux partis, et a une servante qui lui plait fort. Bien entendu, Ecclitico lui soutire de l'argent, mais il va surtout ruser pour obtenir la main d'une de ses filles, Clarice. Il sera aidé dans cette entreprise par Ernesto, candidat à la main de Flaminia, et par Cecco, son valet, qui aimerait épouser la soubrette. Pour lui faire croire qu'il est emmené sur la lune, Ecclitico va faire boire un somnifère à Buonafede. Le trouvant sans connaissance, ses deux filles se lamentent au moins une longue minute, avant de réaliser qu'elles sont désormais héritières. Son éloge funèbre est vite prononcé : « Vive celui qui est vivant, celui qui est mort est mort ! ». Le deuxième acte se déroule dans le jardin d'Ecclitico, qu'on fait prendre à Buonafede pour un paysage lunaire. Cecco y est déguisé en empereur, qui éblouit notre barbon par sa magnificence et par la sagesse des coutumes de son peuple. Il décide de prendre Lisetta la servante pour impératrice, et convainc Buonafede de donner la main de ses filles à deux de ses faux sujets (Ecclitico et Ernesto déguisés). Celui-ci accepte, mais les mariés se trahissent dans leur allégresse, et Buonafede se rend compte qu'il a été berné. Ne pouvant défaire ce qui a été fait, et pour éviter que ses gendres n'exigent la dot de leurs épouses pour annuler ce mariage, Buonafede finit par céder, et l'opéra se termine sur une réconciliation générale.

Sur ce livret assez cynique (chaque personnage a une moralité très douteuse), aux dialogues savoureux, Haydn compose une musique pétillante et raffinée, pleine de vie, aussi inventive que l'esprit ingénieux d'Ecclitico, et qui vaut largement celle de ses contemporains Cimarosa ou Paisiello.

La mise en scène de est agréable à regarder, classique et vivante, mais parfois encombrée par des accessoires inutilement distrayants. Le premier acte, très lisible, est une belle réussite (l'» envol » de Buonafede vers la lune est très drôle, ainsi que sa discussion avec ses deux filles). Le deuxième l'est un peu moins : trop statique, il manque de variété, et les couleurs sont trop uniformément grises. Néanmoins, c'est dans l'ensemble un travail très honorable, qui ne détourne pas le sens de l'œuvre, et qui est porté par des acteurs convaincants, bien dirigés, et rodés par de nombreuses représentations. On félicitera également le metteur en scène pour avoir évité d'imposer une action pendant l'ouverture. Celle-ci est jouée rideau baissé, c'est devenu si rare…

Les chanteurs sont jeunes, et dans l'ensemble très intéressants. Deux d'entre eux se détachent du lot : , Secco au chant juste et puissant, et à l'aigu facile, qui fait preuve d'un bel abattage. ensuite, Flaminia pétulante, à la voix bien projetée et aux vocalises percutantes, quoiqu'un peu criées.

Mettant du temps à trouver ses marques dans le rôle travesti d'Ernesto, nous gratifie d'un bel air serio au deuxième acte, très touchant et magnifiquement phrasé. La voix est intéressante, avec un beau médium et des aigus opalescents, mais les graves sont gutturaux, et pas très justes. Aucun problème du côté de Patricia Schnell, qui assure sans problème dans le rôle de Lisetta, alors que Stefano Benini, à l'émission un peu nasale, émet des aigus brillants et donne beaucoup de verve au personnage d'Ecclitico. Finalement, la seule à être vraiment en retrait est , dont le timbre trouble et la ligne de chant instable ne rendent pas justice à son rôle.

Parmi ces jeunes chanteurs, Carmine Monaco, déjà fort d'une belle carrière essentiellement en Italie, fait figure de vieux routier. Sonore et solide, bon acteur, il incarne un excellent Buonafede.

Très enthousiaste, dirige avec beaucoup d'efficacité, de précision et de souplesse. Il livre une interprétation classique et bien proportionnée, et tient bien les ensembles. Il a fort à faire face à un orchestre en toute petite forme, aux cordes rétives, aux vents maladroits et à l'intonation imprécise.

Le public n'était pas très nombreux en cette soirée de première. Dommage pour les absents, car ce petit bijou haydnien a semblé beaucoup plaire à l'assistance, et les occasions de l'entendre à l'avenir ne risquent pas d'être très nombreuses.

Prochaine production lyrique du Grand Théâtre de Reims  : Orphée et Eurydice de Gluck, le premier week-end de décembre.

Crédit photographique : © Grand-Théâtre de Reims

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