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Paris, Théâtre des Bouffes-du-Nord. 09-X-2006. Zad Moultaka (né en 1967) : Zikr, pour contralto, chœur et ensemble instrumental ; Fanariki, pour cymbalum et ensemble instrumental ; la Scala del cielo, pour chœur, piano et percussion (création) ; Autre silence, pour contralto et ensemble instrumental (création mondiale) ; Loubnân, pour piano et ensemble instrumental ; Nepsis, pour chœur et ensemble instrumental. Cyril Dupuy, cymbalum ; Michel Maurer, piano ; Fadia Tomb el-Hage, contralto ; Les Elements ; Ars Nova, direction : Joël Suhubiette & Philippe Nahon.
Festival d'Ile-de-France
Avec une thématique autour de l'Orient qui nous a emmenée dans une vision romantique (ratée) des bords de la Méditerranée (la Belle Maguelone) et en Thaïlande (Rama), le Festival d'Ile-de-France propose parmi ses concerts de musique contemporaine un portrait du compositeur franco-libanais Zad Moultaka. Découvert par un premier CD Zàrani où figure déjà Fadia Tomb el-Hage, Zad Moultaka bénéficie depuis deux ans d'une fructueuse collaboration avec l'ensemble Ars Nova qui joue ses œuvres aussi bien dans leur région d'accueil (Poitou-Charentes) que dans les festivals internationaux, avec l'appui du chœur de chambre les Eléments, sis dans la région voisine Midi-Pyrénées.
Un concert monographique peut engendrer une certaine lassitude devant une esthétique qui forcément se répète. Plusieurs éléments se retrouvent dans toutes les œuvres jouées ce soir : vastes mouvements lents à la rythmique très libre entrecoupées d'incantations, déchaînements quasi orgiaques, alliages instrumentaux subtils et maniement très fin des timbres. Zad Moultaka ne verse jamais dans l'orientalisme facile de pacotille. A l'instar de Maurice Ohana, ce n'est point un Orient rêvé ni copié, mais dont il reste l'essence même. Si son inspiration se fait inventive et variée dans les pièces vocales, elle se fait plus répétitive et tourne parfois en rond dans les œuvres instrumentales.
Zikr, qui puise dans les Cantigas d'Alphonse le Sage comme dans la liturgie byzantine, est une large incantation admirablement rendue par le timbre chaleureux et sombre de Fadia Tomb el-Hage, tandis que le chœur, par ses mélopées répétitives et des plages sonores en micro-intervalles, crée des effets d'harmoniques. Au milieu de l'œuvre un passage à la rythmique violente vient comme déchirer l'ambiance de recueillement instaurée au début.
Fanariki, concerto pour cymbalum en un seul mouvement, propose plusieurs alliages instrumentaux du plus bel effet, surtout entre le soliste, le piano (souvent utilisé de manière percussive) et les percussions. Mais le jeu constant sur les effets de résonance et de réverbération à force de répétition lasse quelque peu, malgré l'idée de faire réciter (plutôt chuchoter) aux instrumentistes un poème russe d'Ivan Silinski. La Scala del cielo est une curieuse traduction en italien d'un extrait du Livre des morts égyptien, où Zad Moultaka renoue avec le figuralisme de la Renaissance, joue avec les consonnes du texte avec une maestria que n'aurait pas renié le Stokhausen de Stimmung tandis que le piano, tout à la fois joué par un pianiste (sur le clavier) et un percussionniste (sur la caisse et les cordes) se meut en un instrument hybride, à mi chemin entre la harpe et le luth, sur une rythmique toujours très libre.
Autre Silence est un vaste mouvement lent, qui, à l'instar de Zikr qui a ouvert le concert, est une incantation pour contralto sur un accompagnement quasi-intemporel fait de vestes plages sonores entrecoupées de figures rythmiques qui semblent improvisées. Loubnân, qui bénéficie du jeu assuré de Michel Maurer, crée aussi une certaine uniformité par ses notes inlassablement répétées, bien qu'étant prétexte à un très subtil travail du timbre. Nespsis en revanche bénéficie du texte très ramassé d'Etel Adnan, mis en musique avec une tension qui va crescendo jusqu'au clusters finaux inlassablement répétés, créant ainsi un effets des plus oppressants.
Jonction entre Orient et Occident, où planent les ombres d'Ohana, Messian, Ferrari, Stockhausen, Scelsi et l'Ecole spectrale, la musique de Zad Moultaka, loin d'être une synthèse, reste d'une création éminemment personnelle. Un nom avec lequel il faudra compter dans la création contemporaine actuelle et à venir, surtout s'il est servi par les excellents interprètes de cette soirée.
Crédit photographique : © Bruce Milpied
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Paris, Théâtre des Bouffes-du-Nord. 09-X-2006. Zad Moultaka (né en 1967) : Zikr, pour contralto, chœur et ensemble instrumental ; Fanariki, pour cymbalum et ensemble instrumental ; la Scala del cielo, pour chœur, piano et percussion (création) ; Autre silence, pour contralto et ensemble instrumental (création mondiale) ; Loubnân, pour piano et ensemble instrumental ; Nepsis, pour chœur et ensemble instrumental. Cyril Dupuy, cymbalum ; Michel Maurer, piano ; Fadia Tomb el-Hage, contralto ; Les Elements ; Ars Nova, direction : Joël Suhubiette & Philippe Nahon.