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Turqueries mozartiennes à la française au Festival de Saint-Céré

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Souillac. Cloître de l’Abbatiale. 8. VIII. 2006. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) L’Enlèvement au sérail, opéra-comique en deux actes sur un livret de Gottlieb Stephanie, adaptation de 1859 pour l’Opéra de Paris par Prosper Pascal. Version pour quatuor à cordes et piano. Mise en scène : Olivier Desbordes. Décors et lumières : Patrice Gouron. Costumes : Jérôme Kaplan. Avec : Christophe Lacassagne, Selim ; Isabelle Philippe, Blonde ; Anne-Sophie Domergue, Constance ; Stéphane Malbec-Garcia, Belmonte ; Jean-Claude Saragosse, Osmin, Eric Vignau, Pedrillo. Quatuor à cordes : Thomas Vosluisant, violon 1 ; Frédéric Haffner, violon 2 ; Marie Kuchinski, alto ; Anne-Sophie Boissenin-Piquion, violoncelle. Direction musicale et piano : Sandrine Abello.

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Durant les célébrations de cette année Mozart, des dizaines de Don Giovanni et de Noces de Figaro ingurgitées avec plus ou moins de bonheur, des raretés de jeunesse exhumées du placard pour l'occasion, c'est peut-être l'Enlèvement au sérail qu'on a le moins entendu.

La négligence est réparée par le Festival de Saint-Céré. Cependant, dans un but didactique, c'est une version de l'œuvre en français qui a été choisie. Il faut en effet garder à l'esprit que ce festival rayonne dans toute la région et que son public hétéroclite est aussi bien composé de mélomanes avertis que d'habitants du cru allant plus rarement au concert, dont des enfants. Mais en faisant ce choix, nous propose quelque chose de bien plus précieux et plus rare qu'une simple traduction.

En effet, dès les premiers mots, ce langage spécifique, cette tournure versifiée, cette façon d'alterner naturellement le parlé et le chanté, nous mettent la puce à l'oreille. La façon dont la musique est adaptée également, supprimant vocalises, fioritures et suraigus, non pas pour adapter cette partition effrayante aux moyens des chanteurs, mais pour rendre le texte complètement intelligible, péché mignon de l'appréhension musicale française jusque vers le milieu du XVIIIe siècle : le verbe est plus important que la note. Petit à petit, aucun doute n'est permis. Il s'agit bel et bien d'une réadaptation complète destinées aux oreilles parisiennes, d'un opéra-comique à la française comme on en concoctait au XVIIIe siècle. Une fée fantasque, nommée Prosper Pascal, s'est penchée sur Mozart pour le transformer en Grétry. Aucun penchant coupable là-dedans, le pastiche était monnaie courante à l'Opéra-Comique au XVIIIe siècle, celui-ci arrive simplement un peu plus tardivement.

Laissons donc s'envoler Mozart et abandonnons-nous à cette belle nuit d'été dans le cloître de l'Abbatiale de Souillac, à écouter un petit bijou, une mignardise oubliée, qui ne dure pas plus qu'une heure et quarante minutes, sans entracte.

Rien n'est dit dans le programme de l'orchestration pour piano et quatuor à corde. Fait-elle partie du même paquet que la réadaptation française ? Mystère. Telle quelle, elle est parfaitement dans l'esprit, légère, élégante. Les musiciens assument la réduction sans faiblir, même si ça grince parfois un peu ici ou là.

On s'étonnait de voir la glorieuse distribuée en Blondine au lieu de Constance, mais très curieusement, c'est à la servante qu'est dévolue la part du lion (Prosper Pascal avait-il une liaison avec la cantatrice titulaire du rôle ?). Son premier air « Durch Zärtlichkeit und Schmeicheln » est supprimé mais le second demeure intouché « Welche Wonne, welche Lust », et lui est dévolu le redoutable « Mattern aller Arten » dans une tessiture inchangée (quoique la partition indique qu'on peut le transposer à l'octave inférieure !). Bien entendu, et on n'en attendait pas moins d'elle, délivre une prestation parfaite, se jouant des terribles difficultés de la partition, vocalises déliées, suraigus souverains.

Ne reste plus alors à la pauvre Constance que des lambeaux de « Traurigkeit », coupé, expurgé de toutes difficultés, et le duo final avec Belmonte. Anne-Sophie Domergue y est charmante, voix de soprano léger encore un peu pointue, mais qui s'arrondira, avec un médium encore un peu sourd, mais qui s'étoffera. La jeune chanteuse fêtait ses trente ans le jour même.

est-il un ténor mozartien ? Il lui reste quatre de ses airs. Le dangereux « Konstanze! Konstanze! dich wieder zu sehen » est supprimé, et c'est probablement tant mieux pour le chanteur, qui ne semble pas très à l'aise dans les vocalises. De nouveau, ces modifications tirent le rôle vers le charmant héros d'opéra-comique. Ce qui est sûr en ce qui concerne , c'est que le timbre agréable, le joli médium, la diction absolument irréprochable, la façon de mixer les aigus, la technique en général, dessinent un parfait ténor d'opéra-comique. Un Des Grieux, peut-être, plus tard ?

possède de la prestance, de la présence, on avait dit de son Masetto de la veille qu'il n'avait rien du rustre campagnard, et, même s'il maîtrise sans aucun problème les graves abyssaux d'Osmin, le timbre est plutôt clair. Impossible dans ces conditions de le faire passer pour un barbon bête et méchant. La mise en scène le présente comme un double du pacha Selim, un homme jeune, intelligent, amoureux de Blonde, et celle-ci le lui rend bien, ne partant avec Pedrillo que par raison. C'est tout à fait réussi. Sa partie vocale n'est pas trop modifiée par rapport à l'original mozartien, et il la chante à la perfection.

Il ne reste pas grand chose du rôle de Pedrillo, si ce n'est la sérénade et la participation aux ensembles, mais il demeure à la vis comica, la loufoquerie, l'improvisation, la grosse farce et même la pantalonnade, toutes choses qui là encore tirent l'œuvre vers l'historique de l'opéra-comique, et il y est souverain. Le public, conquis, rit de bon cœur.

En une heure et quarante minutes, il est difficile au pacha Selim d'exposer longuement ses idées et ses sentiments, il se contente donc de quelques apparitions et de regarder Constance avec des yeux de veau pour lui montrer à quel point il l'aime, puis de laisser magnanimement partir ses prisonniers. Ces propos n'ont rien de péjoratif pour , exemplaire dans la dignité blessée et le dépit amoureux.

La mise en scène est résolument tournée vers la turquerie, à base de tapis, de tentures bariolées et de thé à la menthe. Même les placeurs et les vendeurs de programmes sont enturbannés et chaussés de babouche. Cette vraie-fausse naïveté ajoute à la joie ambiante. Nul doute que les enfants, installés sur les coussins orientaux posés par terre devant le premier rang de chaises, ne sortent convaincus de la représentation que « Mozart, c'est bien ».

Il ne nous reste plus qu'à remercier de s'être aventuré sur des sentiers vraiment originaux, et de nous avoir offert cette inestimable et vraie rareté.

Crédit photographique : © Jean-François Guitton

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